… Procès Lombard / NExT / ACT …
– les années de plomb à France-Télécom –
– 2ème instance 2022 –
- Le 1er décembre 2021 se tient l’audience de fixation du procès en appel prévu pour 2022.
- Le procès en appel est prévu pour se dérouler du 11 mai 2022 au 1er juillet 2022 sur 35 audiences au fond.
- Il convient de signaler que M. Olivier Barberot, DRH à l’époque des faits, a finalement renoncé à son appel ; il s’est désisté le 24 septembre 2021.
- M. Olivier Barberot accepte donc la condamnation initiale. Il ne désire plus revivre le procès, ce qui peut se comprendre.
- Le 10 mai 2022, se tient à la Bourse du Travail, à Paris, une conférence de presse intersyndicale SUD, Solidaires, CFE-CGC, CGT, FO, Orange Ensemble et CFTC à la veille du début du procès en appel.
- Patrick Ackermann, qui a pris la parole en premier, résume assez bien la situation : les parties civiles espèrent que les condamnations soient maintenues telles quelles en appel.
Ci-dessus : Intervention liminaire à la Conférence de Presse, donnée à la Bourse du Travail de Paris, par Patrick Ackermann.
Video C. R-V. – 10 mai 2022 – Coll. C. R-V.
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Composition de la Cour d’Appel :
Procès en appel. La Cour est composée de trois juges et deux avocats-généraux :
- Mme le Président du Tribunal – Pascaline Chamboncel-Saligue
- M. le Juge Conseil – Claude Pascot,
- Mme le Juge Conseil – Arielle Baillet,
- M. l’Avocat Général – Yves Micolet,
- Mme l’Avocate Générale – Valérie Saint-Félix.
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Le Procès :
- Le 11 mai 2022, ouverture du procès en appel. Présent ce jour essentiellement pour prendre des photographies des protagonistes de tous bords, pour les archives du Groupe Orange, je n’ai pas pris de notes écrites.
- Mais j’en ai retenu quelques éléments que je qualifierai d’extraordinaires, voire surréalistes… En effet, en début d’appel, comme il est d’usage, Mme le Président du Tribunal demande à chaque condamné de première instance s’il souhaite maintenir son appel, sur quel périmètre l’appel est-il éventuellement maintenu, et d’expliquer succinctement la raison du maintien de son appel…
- Des 6 condamnés, tous et toutes affirment à la barre maintenir leur appel, sur la totalité du périmètre du jugement… Ils motivent leur décision de manière coordonnée sur le fait que, je résume de mémoire leur pensée : « Je n’ai pas compris pourquoi j’ai été condamné, ceci est profondément injuste, je ne comprends pas, je n’ai fait que mon travail… »….
- Nous avons notamment M. le Président Directeur Général – Didier Lombard qui a ressorti son argument fétiche : « J’ai sauvé l’entreprise qui était en danger de mort »…
- En outre, M. le n°2 de France-Télécom – Louis-Pierre Wenes, qui, au terme d’un interminable laïus qui a dû obliger Mme le Président du Tribunal à intervenir, nous a raconté cet incroyable récit, je cite de mémoire sa conclusion pour le moins burlesque : «Après le jugement qui a vu ma condamnation, j’ai réfléchi et repensé à tout pendant plusieurs mois… Et au bout de tous ces mois à tout relire, à réfléchir, je n’ai toujours pas compris à ce jour pourquoi j’ai été condamné en 2019… Je ne comprends toujours pas !»
- C’est à dire que M. le n°2 de France-Télécom essaye de se faire passer pour un amnésique dès le début du procès en appel… Il semblerait que lui et ses complices aient d’ailleurs oublié la longue enquête de Police, les perquisitions, les interrogatoires comparés, les preuves, les documents saisis aux domiciles des condamnés, les témoignages recoupés…
- Nous avons eu droit également à une remise au pas d’un des condamnés : M. le DRH – Guy-Patrick Cherouvrier. En effet, son avocate rappelle rapidement que son client est en mauvaise santé et ne pourra pas être souvent présent… Sur ce, Mme la Présidente du Tribunal a très-vite remis les choses au point en déclarant que son client était un grand garçon, un adulte, et que s’il n’était pas présent lorsque les questions relatives au domaine RH seraient posées, ce sera tant pis pour lui s’il n’est pas présent ces jours où le sujet Politique RH sera traité.
- En outre nous avons eu droit à la lecture d’un courrier émanant par M. l’ancien DRH – Olivier Barberot par son conseil. Pour rappel, M. Barberot avait décidé, dès le mois de septembre 2021, d’abandonner l’appel et d’accepter définitivement la condamnation. Or, la lecture de cette lettre tellement délirante nous ayant donné un tel coup de sang que je ne résiste pas à l’envie de vous la résumer de mémoire… Icelui déclare en substance qu’il n’a pas fait appel (cela, on le savait), non pas parce qu’il avait reconnu sa culpabilité dans la crise des suicides à France-Télécom, mais d’une part parce que lorsque le premier procès débuta, il fut congédié par l’association qui l’embauchait à titre bénévole pour aider des jeunes en difficultés, en leur donnant des cours de mathématiques. D’autre part, il affirmait dans son courrier, toute honte bue, qu’au cours du premier procès, icelui n’avait pas été écouté, n’avait pas été entendu par le Tribunal ! Nouveau coup de sang... Lui qui affirmait en fin de procès, à la barre le 11 juillet 2019 : « j’ai le sentiment d’avoir été écouté et je pense que le débat a été équitable. ». Et enfin, après cette contre-vérité patentée, il concluait son courrier délirant par une formule du style comme quoi il n’avait pas confiance dans la justice de son pays, ou quelque chose dans ce goût-là…
- Comme quoi, l’on puisse avoir été condamné par la justice de son pays en première instance, puis, tout en n’étant point d’accord avec le jugement rendu, non point d’ester en appel comme il est d’usage, mais au contraire accepter le jugement tout en continuant à pleurnicher par avocat interposé en racontant n’importe quoi et en mentant de surcroît…
- Après cette première séance de pleurnicherie généralisée qui a positionné le curseur très très bas dès le début de cet appel, du côté des condamnés, nous avons eu droit à la contestation de la plupart des Grands Témoins ayant témoigné en première instance pour les Parties Civiles. Sur ce, le Parquet a suivi la demande des condamnés, en expliquant que leurs témoignages sont déjà bien notés dans les minutes du premier procès. Et qu’ainsi, il n’était plus nécessaire de les réentendre, mais que le tribunal d’appel réexaminera ces témoignages consignés par écrit. Mais concernant Mme Fabienne Viala (militante syndicale CGT), son témoignage avait été visiblement mal consigné par écrit et appuyait que celle-ci soit réentendue. Après une interruption de séance d’environ 30 minutes, le Tribunal accède à la demande. Ce résultat était logique, car en appel, on ne reprend pas tout le procès à zéro. On réexamine le procès passé, et le cas échéant l’on réinterroge. Mais la règle est de ne pas réinterroger sauf si le Tribunal subodore que ceci soit nécessaire pour la manifestation de la vérité.
- Nous noterons que le représentant du Groupe Orange, M. Nicolas Guérin, a été interrogé par Mme le Président du Tribunal sur la raison qui a motivé Orange de ne pas faire appel… Il explique à la barre qu’avant même que le jugement soit rendu, Orange avait pris la décision de ne pas faire appel, quel que soit le verdict, afin de pouvoir entamer le travail d’apaisement et de réparation dans l’entreprise, et pouvoir enfin, après toutes ces années, tourner la page. Il insiste sur le fait qu’en sus du jugement, une Commission de Réparation interne à Orange a été mise en place dans la foulée, qui a abouti à plus d’un millier d’indemnisations, et que le Groupe Orange comptait régler le sort des 300 derniers dossiers encore en cours pour le mois de Juin 2022.
- En fin de journée, nous avons eu droit à une lamentable manœuvre des condamnés, contre les Parties Civiles… En effet, ceux-ci ont essayé d’éliminer les 118 Parties Civiles additionnelles du procès, arguant des considérations techniques que j’avoue ne pas avoir saisies. Beaucoup de termes techniques que je ne connais pas, etc. Après une seconde suspension de séance d’environ 30 minutes, le Tribunal, à notre grand soulagement, balaye d’un revers de main cette demande. Ainsi, ce que les condamnés avaient vainement tenté une première fois en 2019 échoue à nouveau ce 11 mai 2022.
- En conclusion de cette première après-midi au Tribunal d’Appel de Paris, je dois reconnaître que j’étais très fatigué de réentendre de tels arguments qui ne tenaient pas debout, ainsi que des manœuvres des condamnés qui, dès le début du procès, ont essayé de se poser en victimes tout en tentant de torpiller des Parties Civiles. Nous avons trouvé cela fort de café…
- Les 12 et 13 mai 2022, je n’étais pas présent au Tribunal. J’avais ces jours-là d’autres engagements prévus, et de surcroît, j’ai été très-indisposé suite à cette première journée au tribunal. Ce que j’en sais, c’est un collègue présent qui me l’a résumé ainsi : plusieurs des prévenus ont perdu leur calme, certains ont refusé de répondre à plusieurs questions du Tribunal… ( Ndlr : Voici qui promet !)
- 18 mai 2022. La journée débute par l’affichage sur grand écran d’une frise chronologique rappelant la survenue des drames, leur date, leur nature et le mode éventuel de suicide. Très bonne initiative de la Cour étant donné que la matinée s’articule autour des victimes décédées. La Cour note que les premiers événements fâcheux ne sont pas des suicides mais des arrêts de travail longue durée et des dépressions. Puis arrivent les premières tentatives de suicide (M. Lefrançois le 5 novembre 2007) et peu après les suicides au début 2008.
- Mme le Président du Tribunal lit ensuite des extraits de lettres de suicide de 4 agents, dont celles de MM. Perrin, Louvradoux et Deparis. En outre il est rappelé la position des condamnés, à savoir qu’il s’agit d’une fausse vague de suicides, puis la médiatisation du suicide de M. Deparis qui va marquer la France entière et marque un tournant. Et ensuite la phrase de M. Lombard : « Il faut en finir avec cette Mode des Suicides ». Et enfin la fameuse (Ndlr : et fumeuse) théorie sur l’effet Werther, défendue par les condamnés, comme des naufragés sur un radeau en pleine mer…
- 9H34, M. Didier Lombard est à la barre. La Cour lui demande s’il se souvient du rapport de l’IGAS, décrit comme une pièce importante par Mme le Président du Tribunal. Icelui n’en a aucun souvenir. (Ndlr : voilà qui commence bien). Il reconnaît toutefois avoir eu craint, à partir du suicide de M. Deparis, un effet de contagion dans l’entreprise, dû, selon lui, à la médiatisation par les journalistes… D’où le retour de sa théorie fumeuse de l’effet Werther à la barre. (Ndlr : chacun essaye de se défendre comme il peut…). Icelui précise en outre qu’il a plus ou moins décidé de suspendre les mobilités prévues… Mais précise que l’arrêt total des mobilités n’était pas forcément la meilleure des choses à faire étant donné que certaines familles avaient déjà déménagé, changé les enfants d’école etc… Donc on ne sait pas vraiment ce qui a été stoppé ou pas. (Ndlr : d’ailleurs il en ressortira toujours, au cours de cette journée, des imprécisions constantes et multiples de la part de chaque condamné.) Puis la conversation tourne autour du cas de feu M. Deparis où l’on ressent tout de même un Didier Lombard assez troublé et gêné aux entournures… Icelui ne comprend pas pourquoi M. Deparis s’est suicidé… Notamment lorsque Mme le Président du Tribunal lui rappelle la surcharge de travail qui a été dûment établie lors du premier jugement. Mais, de toute manière, M. Didier Lombard ne sait pas grand-chose… Quant aux suppressions d’emplois, M. Didier Lombard s’inscrit en faux et parle pudiquement, je cite : « de Départs attendus »…Et de toute manière, il précise qu’il n’était pas au courant, qu’il ne connaissait pas les personnes et qu’il n’était pas là… (Ndlr : M. Didier Lombard, PDG de France Télécom nous explique en quelque sorte qu’il était un genre de touriste qui était ici sans être là, qui savait les choses sans savoir, et qu’il décidait des choses sans vraiment les décider… Chacun se fera son opinion !)
- En outre, pour se défausser de ses responsabilités, il invoque je cite : « la violence organisée par l’État », et que la mise en place des plans NExT et ACT étaient destinés (Ndlr : dans le style : « il a osé le dire ») à aider les personnels !
- Autre explication goûteuse : M. Didier Lombard nous précise qu’en Juillet 2009, France Télécom était redevenue je cite : « une entreprise normale » et ce depuis Janvier 2009. Sur ce, Mme le Président du Tribunal revient sur la brutalité omniprésente dans l’entreprise à cette époque, et sur ce M. Didier Lombard répond du tac au tac, je cite : « il fallait faire survivre l’entreprise quoi qu’il arrive. » (Ndlr : c’est une autre version du marche ou crève / la fin justifie des moyens… Au moins une déclaration de M. Didier Lombard fut frappée de clarté lors de cette journée !)
- Puis Maître Topaloff est revenue sur les déclarations de M. Didier Lombard, sur le cas de feu M. Deparis… Elle lui tire les vers du nez et l’on apprend que les rapports alarmants, il ne lit pas, ou il les lit en travers, en précisant un, je cite : « vous savez ce que c’est »…(Ndlr : moi je sais ce que c’est… Du travail bâclé ? J’ai bon ?). Maître Topaloff lui rappelle aussi les réunions annuelles entre architectes réseau où il n’était même plus convié depuis deux années… La surcharge de travail, qu’il était seul à Marseille pour s’occuper de la 2G et de la 3G… Que l’UPR à laquelle M. Deparis appartenait devait réduire ses effectifs de 5%… Et qu’il se sentait logiquement menacé… À ce moment-là, M. Didier Lombard devient bougon, et refuse même de répondre lorsqu’on lui demande s’il a lu l’Ordonnance de Renvoi (ORTC)… Lorsqu’il veut bien se remettre à parler, il précise qu’il ne comprend pas parce que, je cite : « La maison a toujours été positive avec ses salariés »… (Ndlr : il ose tout, ou il plane !). Puis lorsque Maître Riera lui demande s’il existait dans l’entreprise un Indicateur sur la Souffrance, M. Didier Lombard répond : « Je ne sais pas… » Puis Maître Teissonnière demande s’il avait entendu les alertes massives, les signaux d’alerte… Sur ce, M. Didier Lombard répond qu’il n’a rien entendu… Qu’il n’en a rien su… Lorsque Maître Cadot parle des suicides vindicatifs, il demande à M. Didier Lombard s’il trouvait cela anodin de laisser une lettre d’incrimination contre France-Télécom avant de mourir… Icelui répond (ndlr : en se défaussant) : « Je ne sais pas répondre… Chaque cas est un cas particulier… » Puis M. l’Avocat Général demande si M. Didier Lombard était averti en temps réel des suicides… Icelui répond qu’avant Juillet 2009, il y avait un temps de décalage très long, puis après Juillet 2009, le délai a été réduit et devenait très rapide… (Ndlr : oui, depuis qu’il y avait « le feu à la baraque », et que la loi du silence a été brisée la Direction a effectivement commencé à remuer ses fesses, oui… Trop tardivement, bien sûr !)
- Après quelques joutes entre avocats des deux parties, M. Lombard retourne s’asseoir. De toute manière, il ne savait rien, ou presque, ne connaissait personne, semblait n’avoir rien décidé, était une sorte de PDG en mode touriste, pour résumer succinctement l’ensemble de son témoignage…
- Puis c’est au tour de Mme Brigitte Dumont de monter à la barre… Pour un témoignage sans grand intérêt… Madame Dumont c’est cette personne qui conçoit des tas de trucs, de solutions, de dispositifs et autres machins, mais qui ne sait pas vraiment ce qu’ils deviennent, comment ses chimères sont-elles démultipliées, mises en œuvre sur le terrain… Et n’a aucun retour des conséquences de ses dispositifs fumeux « d’aide » aux personnels… Dès que les questions de la Cour deviennent un peu trop précises, Mme Dumont a la soluce : « Je n’étais pas dans le périmètre »… Ou encore : « Je n’étais pas au courant des suicides… Car pas dans le périmètre… » En fait, Mme Dumont, si l’on résume la vacuité de son témoignage, n’est jamais dans le périmètre… Lorsque la Cour lui demande si dans le Programme ACT il y avait la prise en compte du bien-être salarial, Mme Dumont répond que le but d’ACT était d’accompagner les salariés, les manager, et partager des informations par Intranet… Sur ce, La Cour rappelle qu’à cette époque tous les personnels ne savaient pas forcément utiliser un ordinateur… (Ndlr : non, en effet… Beaucoup ne comprenaient pas l’informatique). D’ailleurs Mme Dumont a beaucoup brodé sur l’Intranet et les offres d’emploi par informatique… Elle décrit un monde merveilleux de oui-oui au pays des bisounours où l’on dispensait plein de formations aux personnels, et avec de superbes Espace Développement (Ndlr : Espace Dégagement, que l’on surnommait ainsi entre-nous)… Mais heureusement, Mme la Présidente du Tribunal souligne bien un gros « bug » dans la machine car comment peut-on infléchir une politique en cas de dérive, s’il n’existe aucun moyen de contrôle, aucun canal de remontée d’informations ?… À cela, pas de réponse sauf que de toute manière, en résumé et en conclusion : « Je ne fais pas partie du périmètre ». Mme Dumont précise, en se mettant en opposition avec M. Didier Lombard, que non, le programme ACT n’est pas destiné à éviter la souffrance des personnels, mais à leur donner les moyens de comprendre les évolutions, les enjeux et « d’être accompagné », mais ajoute que l’inconfort des salariés était prévisible… Puis, un avocat de la CGC se demande comment pouvait-on reclasser facilement les personnels perdant leur emploi, sachant que partout en France, France-Télécom comprimait et réduisait les effectifs… À ce moment-là, où la contradiction entre la réalité et le monde des bisounours apparaît, Mme Dumont pleure un peu, verse sa petite larme… Eh oui, le retour au réel fait parfois pleurer… Puis un avocat de la CFDT précise qu’il existait des objectifs quantitatifs de faire partir les personnels via les Espaces Développement… (Ndlr : Espaces Dégagement en français normal, émanation toxique du Programme ACT : Allez, Casse-Toi ! Comme on disait entre collègues). En outre lorsque l’Avocat Général précise que beaucoup de personnels et de victimes ont été laissés sans formations, et même délaissés, Mme Dumont (qui, rappelons-le, n’est pas dans le périmètre) répond, je cite : « Je ne me l’explique pas »…
- Puis, c’est au tour de Mme Nathalie Boulanger de passer à la barre… Madame Boulanger, en dehors de cette triste affaire France-Télécom, est une personne qui m’apparaît depuis 2019 comme très sympathique. Elle pourrait même être la bonne copine de bureau avec qui l’on veuille boire un coup, rigoler, faire des pots etc… Mais voilà… Elle a exercé des responsabilités assez bizarres dans France-Télécom… Il faut dire qu’entourée comme elle l’était, elle n’a pas eu de chance, la pauvrette… Pour se dédouaner, Mme Boulanger précise qu’elle ne connaissait pas les victimes… Mais elle précise qu’elle était destinataire du taux de petit absentéisme, qui est selon elle, une détection des signaux faibles, en cas de problème. Elle évoque aussi l’existence du Baromètre Salariés (Ndlr : un dispositif de plus dont j’ai un souvenir très fugace… Une chose que je n’ai pas vraiment pratiquée, comme la plupart de mes collègues d’époque d’ailleurs, et ainsi, je me demande sa représentativité réelle, à ce énième « machin » comme eût dit le Général !) Elle ajoute qu’il fallait remettre du dialogue dans France-Télécom. (Ndlr : oui, remettre du dialogue… Une fois que l’ambiance a bien été pourrie, et même anéantie, il s’avère drôlement compliqué de remettre de la vie là où ne règne plus que la mort…). Mme Boulanger précise qu’elle faisait remonter les événements graves à son supérieur, M. Louis-Pierre Wenes, en réunions… Mais se défausse rapidement pour préciser que dès Mars 2008, elle quittait ce rôle-ci, et qu’elle n’était donc plus concernée par ce qu’il se passait… Mais qu’avant cette date, elle précise que de toute manière, elle n’était pas informée… (Ndlr : vraiment, dans cette entreprise leader de la téléphonie, du radiotéléphone, et d’internet, l’information a d’énormes difficultés à circuler, à en croire tous ces hauts dirigeants de France-Télécom… Il semble exister une énorme avarie dans le réseau de transmissions…). Enfin, Madame Boulanger raconte que pour prendre la température, une visite sur un site de France-Télécom, choisi on ne sait pas trop comment, était organisée chaque mois… (Ndlr : dans une boîte de 100.000 grouillots, le choix d’un site au pifomètre constitue une drôle de méthode de mesure… Mais nous n’en sommes plus à une invraisemblance près en ce jour qui meurt au moment où je rédige ces lignes…)
- Puis de 12H15 à 13H45, pause déjeuner. L’on souffle un peu après avoir entendu en cette matinée, tant de farces burlesques.
- La reprise débute par une lecture d’une partie du Rapport de l’Inspectrice du Travail – Mme Catala, qui nous rappelle certaines vérités sur ce qu’il s’est passé dans France-Télécom pendant les années de plomb.
- Sur ce, à 13H55, M. Louis-Pierre Wenes monte à la barre, tel Rocky Balboa montait sur le ring. Et nous n’allons point être déçu par la performance ! Il attaque fort en osant déclarer, je cite : « Je conteste le caractère systématique du harcèlement dans France-Télécom ». Puis, s’ensuit le traditionnel passage à vide avec des déclarations éculées du Monsieur : « Je ne comprends pas »… Il tente une explication foireuse sur les changements de métiers en évoquant la fin des autocommutateurs téléphoniques électromécaniques, remplacés par des autocommutateurs électroniques, et de la nécessité du fait de reclasser les personnels et que parfois cela est difficile. Alors là, je veux le dire tout net : cet exemple lui a forcément été appris, il a été briefé pour raconter une belle fable au Tribunal (en se fichant de lui). En effet, M. Wenes est arrivé dans la maison en 2006… Or, le dernier autocommutateur électromécanique a été mis hors réseau le 6 décembre 1994, soit 12 ans avant son arrivée dans France-Télécom… Donc la question que je me pose est : « D’où Monsieur Wenes sort-il cet exemple antérieur qui ne l’a jamais concerné dans l’exercice de ses fonctions ? »… Ensuite, sur le terme « La Machine à Broyer », ici encore, M. Wenes ne comprend pas… Il ajoute que c’était un effet de manche… Bref…
- Puis après avoir causé de 3 cas de victimes, comme-ci comme-ça, il embraye sur une notion qu’il a rencontrée et épousée dans les années huitante : l’Enpowerment. Oui, M. Wenes est fan de trucs débiles provenant des USA. C’est un peu sa marotte… Chacun ses obsessions. Mais Louis-Pierre, tu n’es pas obligé de nous faire manger ta passion matin-midi-soir. Est-ce que je te force à écouter Tino Rossi toute la journée ?
- Il y a aussi un truc qui est assez amusant… M. Wenes déclare avec un aplomb à faire frémir la pyramide du Louvre : « Je n’ai jamais accepté que le Financier commande l’Opérationnel »… Et de préciser que : « Non, Next n’est pas un plan financier ». Sur ce, Mme le président du Tribunal ajoute qu’il y a eu tout de même un prix à payer avec les 22.000 départs ! (Ndlr : Il semblerait que M. Wenes ait du mal à embobiner le Cour d’Appel. Louis-Pierre, il va falloir mieux faire la prochaine fois si tu veux t’en sortir)
- Puis pendant de longues minutes, M. Wenes tourne en rond, il cause, il cause, il cause… Il a le droit de parler et puis, cela nous fait quelques vacances… Mais à un moment donné, M. Wenes déclare : « Je ne suis pas d’accord avec M. Lombard sur les suicides », et de préciser qu’avant Juillet 2009, il n’avait aucune information sur les suicides, et qu’après Juillet 2009, il en était prévenu immédiatement. Ce point est très important car M. Wenes reconnaît clairement ce qui nous appert comme la vérité : qu’avant la médiatisation il ne leur était jamais remonté les cas de suicides… Et oserai-je dire qu’ils s’en fichaient tous royalement… Et qu’il aura fallu que la Loi du Silence fût brisée par les journalistes pour que là, les suicides commençassent à les intéresser…Merci pour cet AVEU. Rien que pour cela, cela valait le coup de venir ! S’ensuit un dialogue entre Maître Topaloff et M. Wenes. Le dialogue fut long, avec des questions précises, des réponses évasives, bien sûr, sauf à un moment où M. Wenes déclare : « Je n’ai pas eu la perception d’un malaise généralisé dans l’entreprise et je n’avais pas l’impression que les signaux que je percevais nécessitaient que j’intervienne » et d’ajouter : « je pensais que les échelons subalternes traitaient les problèmes à leur niveau ». En outre, il ajoute : « Les journalistes ont facilité l’émotion en faisant leur travail…» (Ndlr : on comprend bien que ce qui lui reste en travers de la gorge, c’est que les conséquences de leurs mésactions aient été médiatisées…). Sur ce, un intervenant précise que le droit d’alerte émis par le CNSHSCT est bien antérieur à la médiatisation… (Ndlr : Novembre 2007). Se retrouvant alors en grave difficulté à la barre, M. Wenes charge alors allégrement M. Olivier Barberot, l’ex-DRH qui n’a pas fait appel de sa condamnation en 1ère instance. Il ajoute en plus : « Je ne suis pas spécialiste RH, demandez à Barberot ! »… Puis, pour continuer à se défausser sur M. Barberot qui semble être devenu le pauvre Bougre de service, il sort un argument assez incroyable, je cite : « Les RH donnent un cadre d’action à l’Opérationnel, ce sont les RH les décideurs de la politique à appliquer, et nous, à l’Opérationnel, nous appliquons cette politique »… Alors cette réponse est doublement amusante. En effet, Icelui charge allégrement le pauvre Barberot (coupable)… Mais alors que dire de son affirmation précédente lorsqu’il osait déclarer, je cite : « Je n’ai jamais accepté que le Financier commande l’Opérationnel »… Ainsi je me pose une seule question : quelle déclaration est-elle vraie, quelle déclaration est-elle fausse ? Les deux déclarations sont-elles fausses ? Où est la vérité dans toute cette salade qu’il a déballée devant la Cour ?
- Sur ce, M. l’Avocat Général pose une question : « Pourquoi cette spécificité des suicides à FT ? ». Et M. Wenes de répondre : « Je ne nie pas qu’il y ait eu des cas graves et malheureux, mais j’affirme qu’il n’y a pas eu de crise des suicides à France-Télécom » et ajoute : « France-Télécom n’est pas différente des autres entreprises… » (Ndlr : Best award winner – il a osé le dire)… Et sur cette délirante réplique, M. Wenes s’en retourne s’asseoir…
- À 16H02, M. Jacques Moulin vient à la barre. M. Moulin c’est cet homme qui me rappelle un film burlesque des années 70 : « Je ne sais rien, mais je dirai tout »
- En effet, dès son arrivée à la barre, M. Moulin se met à causer spontanément. Et il parle vachement beaucoup ! Moi qui suis un méridional, je reste scotché par son débit de parole, surtout pour ne rien dire. C’est de la nov’langue… Et le pire c’est qu’il va tenir la barre et déblatérer pendant je ne sais combien de temps, sans même que quiconque lui ait au final posé une seule question ! Que retenir de l’entrevue avec Monsieur Moulin ? Un moulin à paroles, qui répond à tout, à n’importe quoi, sans qu’on lui pose la moindre question…
- Après une pause de 15 minutes, l’audience reprend à 16H42. Les choses sérieuses commencent. Arrive le témoin Mme Fabienne Viala, ancienne Représentante Syndicale CGT au CNSHSCT, à la barre. Elle affirme clairement que la Direction refusait systématiquement de faire figurer à l’ordre du jour le traitement des RPS ainsi que des suicides dans France-Télécom, car l’ordre du jour était à la main de la Direction uniquement. Les refus étaient constants et systématiques. Elle précise : « nous étions devant un mur, avec refus systématique de France-Télécom de traiter ces sujets ». Elle précise que les demandes de consultations à la médecine de prévention à l’initiative des personnels ont explosé dans ces années-là. Elle ajoute que la Commission Stress n’a été consultée par France-Télécom qu’à la fin de 2009 (soit après la médiatisation des suicides). Elle ajoute que France-Télécom contestait systématiquement en justice toutes les demandes d’expertises à l’initiative des élus des CHSCT de France-Télécom, en France. Elle ajoute que le but de France-Télécom c’est que l’on ne parle jamais de rien dans les instances. Elle précise que les pressions de la Direction s’exerçaient partout. Et M. L’avocat Général de lui demander : « Quand vous parliez des problèmes, comment réagissait la Direction ? ». Réponse claire : « soit ils ne répondaient pas, soit ils répondaient que ce n’était pas le sujet à l’ordre du jour, et que l’on n’abordre pas cela ». Sur ce, Maître Beaulieu (avocate de M. Wenes) sort le grand jeu, car elle a trouvé un des PV du CNSHCT de 2008 où il y a 2 ou 3 lignes où le mot suicide est prononcé… Mme Viala répond que oui, il a peut-être été évoqué informellement les suicides, sans que cela soit inscrit à l’ordre du jour, mais qu’il n’a jamais été question pour la Direction de traiter préventivement les risques de suicides dans l’entreprise. (Ndlr : voilà qui fait retomber la tentative de déstabilisation du détail produit par Maître Beaulieu. Il va falloir trouver mieux la prochaine fois ! )
- Mme Viala conclut par le fait que la Direction savait ce qu’il se passait dans France-Télécom depuis le droit d’alerte de 2007 déposé par les représentants syndicaux au CNSHSCT.
- Enfin, la journée se conclut avec l’audition de Caroline Verveine Angeli à la barre. Elle était DSC SUD entre 2007 et 2008. Elle précise qu’elle était en charge des petits sites de sa région et a assuré la négociation de la GPEC à cette époque, qui a d’ailleurs abouti à une Décision Unilatérale, vu qu’un seul syndicat très minoritaire, la CFTC, avait signé ce « machin » produit par la Direction. Elle relate que sur les sites de Vichy et Alès, elle a retrouvé des camarades qu’elle connaissait depuis longtemps « en état de décomposition mentale complète, qui pleuraient, qui tremblaient, qu’il fallait réconforter au téléphone même les soirs et les week-end ». Elle a rappelé l’ambiance mortifère qui régnait… Elle cite cet événement à Langon ou une agente a coupé ses cheveux et les a donnés à son manager… (Ndlr : une femme qui commet un tel acte, cela devrait pourtant inquiéter) Mais non, lorsque Mme Angeli a averti M. Loriot (des relations soi-disant sociales), celui-ci rigolait, ou affirmait que c’était exagéré… Elle relate ce qu’il s’est passé à Alès, où devant l’entrée de l’Agence Commerciale, avaient été fixés en hauteur des mannequins littéralement pendus dans le vide. Et qu’ils sont restés à la vue de tous pendant un mois… Mais cela n’a ému personne aux « Relations Sociales »… Elle relate aussi le cas de l’époux d’une consœur qui tournait autour de l’agence avec un fusil de chasse pour faire la peau du directeur d’agence qu’il accusait de faire du mal à son épouse… Il y a eu aussi des grèves de la faim… Rien que de très normal pour France-Télécom… Elle relate le cas d’une autre consœur, qui pour l’encourager à partir à la retraite, les RH de France-Télécom avaient été retrouver le fait qu’elle avait perdu jadis un enfant en bas âge, et donc avait eu 3 enfants, condition suffisante pour partir en retraite (Ndlr : de misère, incomplète)… Avec le retour d’un vieux traumatisme que cela a éveillé chez cette femme… (Ndlr : vraiment dégueulasse tout ça, pour faire du Moins Un dans les effectifs…). Elle relate les moqueries de la part de la Direction lors des réunions de négociations sur la GPEC… Le cynisme des représentants de la Direction en de multiples occasions… Des tentatives d’intimidations en Commissions de Discipline… L’abus d’utilisation de réunion de coaching commercial 3 jours par semaine… Evoque le cas d’un grave incident du réseau de transmissions intervenu suite à des ordres ineptes donnés par on ne sait quel incompétent à l’autre bout derrière un bureau, et qui a fait que le technicien sur place qui savait que cela allait entraîner une catastrophe, en a eu tellement assez qu’il a exécuté l’ordre et provoqué un gros bug à Grenoble… En résumé, Mme Angeli charge M. Loriot, des Relations soi-disant Sociales ainsi que M. Olivier Barberot qu’elle avait en ligne directe régulièrement et qui ne faisaient jamais rien…
- 19 mai 2022. La journée va tourner autour de l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées, et plus précisément de savoir si France-Télécom s’est réveillée et a mis en place des solutions de prévention du stress (et lesquelles) avant la création de cet Observatoire créé par les syndicats SUD et CFE-CGC, ou après cette création…
- Mme le Président du Tribunal précise que dans une organisation l’on peut avoir un bel organigramme théorique et une mise en application catastrophique, et qu’à l’inverse, l’on puisse avoir un organigramme médiocre, mais une mise en application de qualité… Ceci pour préciser qu’il y a ce qui existe sur le papier, et ce qui est appliqué en vrai…
- À 9H24, Mme Nathalie Boulanger est à la barre. La Cour lui demande si France-Télécom a réagi suite à la création de l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées créé le 20 juin 2007. La réponse de Mme Boulanger est ambiguë. Elle évoque un sondage anonyme créé pour mesurer les besoins des salariés. En 2007, mais on ne sait pas trop quand, mais que la restitution a lieu en Septembre 2007 quand l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées existe déjà… Il était apparu un manque de réunions d’équipes dans certains services. 20% des équipes n’avaient jamais de réunions d’équipes… (Ndlr : est-ce que cela vaut quelque chose pour la prévention des risques psycho sociaux, que de savoir qu’il fallait organiser plus de réunion d’équipe ? Cela m’est apparu très léger comme argument de dédouanement…) Puis sont évoquées les fameuses Cellules d’Ecoute… En effet, Mme Boulanger relate que la Direction avait envisagé de fournir un Numéro Vert d’écoute des salariés, mais que cette solution n’avait pas été retenue, notamment car cela ne débouchait sur rien de concret et qu’au bout de 20 minutes d’appel, la ligne était coupée ! Il fallait donc une autre solution… Mais pourquoi ? Mme Boulanger répond : « J’étais consciente que des salariés étaient en difficulté »… (Ndlr : donc elle sentait que quelque chose n’allait pas, mais ne savait pas quoi… On ne sait pas si elle a fait un rapprochement avec les réorganisations incessantes de cette période !) Elle était informée quand elle rencontrait les Directeurs Territoriaux… Elle ajoute qu’il y a eu une grosse grève en Mai 2007 qui a commencé à inquiéter… Elle précise : « Je me dis que l’on doit faire tout ce que l’on peut pour traiter les difficultés. »
- Elle précise que c’est Louis-Pierre Wenes qui lui a suggéré de voir si c’était une bonne chose de créer des cellules d’écoute. Au départ elle précise que les DRH ne faisaient pas partie des cellules d’écoute. Elles sont expérimentées à Marseille et à Toulouse. Elle précise qu’il y avait un médecin du travail, des salariés volontaires, un psychologue et des personnels RH… Elle ajoute que le dispositif existe encore : il reste une cellule rebaptisée Espace Ecoute Salariés. Elle précise que lors de l’expérimentation, la cellule de Marseille avait été très efficace et avait aidé beaucoup de gens en souffrance… Mais malheureusement, cette cellule n’aura été d’aucune utilité pour sauver M. Deparis, constatera la Cour…
- Sur ce, Maître Topaloff observe que le Psychologue Guinchard n’avait pas été choisi par Mme Boulanger mais fut imposé par M. Louis-Pierre Wenes. Et de demander qui a eu l’idée de créer les cellules d’écoute… Mme Boulanger répond : « Louis-Pierre Wenes m’a demandé de créer un dispositif, et je l’ai mis en œuvre. » Et Maître Topaloff de préciser que le soupçon existait dès leur création, car elles court-circuitaient les IRP et les syndicats… Sur ce Mme Boulanger conclut que cela n’avait pas réglé tous les problèmes mais en avait réglé beaucoup. L’avocat de la CFE-CGC demande à qui elle aurait parlé des problèmes dans France-Télécom, et Mme Boulanger de répondre : « J’en ai parlé à Louis-Pierre Wenes », et admet tout de même que l’on est dans le curatif mais pas dans le préventif avec ce dispositif… L’avocate de la CGT demande pourquoi le CNSHSCT n’a-t-il pas été associé au dispositif ? et de répondre, à côté d’ailleurs : « J’ai prévenu les divers C.E., j’ai fait de mon mieux, c’est tout ce que je pouvais faire… » Sur les observations de M. l’Avocat Général, elle nie l’évidence en affirmant qu’il n’y avait pas de malaise généralisé, mais seulement des cas difficultés individuelles… Enfin, son propre avocat, Maître Gublin, signale benoîtement qu’elle est plutôt à l’écart dans l’organigramme de la Direction… Et qu’elle est prise en étau entre les Directions Métier et les RH. Et de manière téléphonée, Mme Boulanger de conclure son intervention à la barre par : « Ce ne fut pas facile pour moi, mais j’ai fait de mon mieux ». (Ndlr : on voit que cette fois-ci, Mme Boulanger a été mieux briefée que lors du premier procès. Elle a appris à présenter les faits, mêmes imprécis, plutôt très légers, façon hélium, comme étant des arguments de réelle valeur, et sans jamais tomber dans l’outrance, ni la caricature. Une assez bonne anguille, qui sait nager en eaux troubles du marigot, pourrions-nous résumer…)
- Ensuite, à 10H22, nous avons droit à la montée à barre de M. Jacques Moulin. Au début, interrogé sur les cellules d’écoute, tout démarre à peu près normalement. Il répond à la Cour qu’il ne sait qui a choisi les lieux d’expérimentation. À une autre question il répond : « Le niveau national nous imposait, à la DT, les fermetures de site »… (Ndlr : preuve, s’il dit la vérité, que tout était bien organisé à l’échelon sommital… On verra ultérieurement ce que déclarera l’échelon sommital) Puis s’ensuit un début de baratin sur les soi-disant mutations volontaires, disait qu’il ne voulait pas laisser des salariés sur des activités en fin de vie et les aidait à se reconvertir et que les dispositifs d’aide aux salariés existaient n’était pas que des mots, ils étaient incarnés par des personnes qui s’investissaient… À un moment donné, il se contredit complètement lorsqu’il évoque l’aide au départ vers d’autres administrations des fonctionnaires, car il admet immédiatement que dans les autres administrations il y avait compressions de personnels partout… Puis il continue son intervention par un délire consistant à charger la faute sur ce qui a pu arriver comme drame parce que les Médecins de Prévention de sa DT ne venaient jamais siéger dans les instances (Ndlr : il ne savait pas qu’ils étaient débordés, noyés sous la charge ?) et s’en prend encore une fois aux médecins qui n’ont pas le droit de se décourager…
- Bref, l’intervention de M. Moulin n’a pas apporté grand-chose d’intéressant au débat. C’est toujours la faute des autres, jamais de la sienne, c’est ce que je puis en retenir, pour résumer le fatras de déclarations que j’aie réussi à capter.
- À 11H20, c’est au tour de M. Louis-Pierre Wenes de remonter à la barre. Il réexplique la nécessité de faire quelque chose, mais quelque chose de mieux que le Numéro Vert qui existait dans d’autres sociétés, et que comme son épouse connaissait un psychologue, celui-ci a proposé de tenter la solution des cellules d’écoute. Qu’à cela ne tienne, il demande à Mme Boulanger d’entrer en contact avec ce psychologue, M. Guinchard, et une expérimentation est lancée… M. Wenes aime bien le concept de cellules d’écoute. Il ajoute qu’il est bien l’initiateur de la création des cellules d’écoute (pas M. Didier Lombard) et qu’il a donné une piste à Mme Boulanger. Il précise en outre qu’il a tapé du poing sur la table quand il a découvert que 20% des équipes ne tenaient pas de réunions d’équipe… Il ajoute sur les cellules d’écoute quelles ont aidé à résoudre plus de 100 cas la première années, et 340 en deux années… Sur ce, la Cour fait remarquer que 340 cas sur 22.000, c’est bien peu… Et lui de partir dans une comparaison issue du protestantisme sur la brebis égarée qu’il faut sauver… Mais n’étant pas huguenot, je n’ai pas saisi cette explication. Il ajoute : « on a mis en place une solution inédite dans France-Télécom, donc nous avons expérimenté ». M. Wenes ajoute : « en tant que responsable opérations France, je considère à priori que l’on a pu faire tout ce que l’on a pu, et que l’on était en avance sur toutes les autres sociétés. Je déteste la souffrance, car c’est mon ennemie… Alors, ai-je fait assez ? Dès que je peux faire quelque chose, je le fais ». L’avocate CGT dénonce la lourdeur de la procédure de saisine de cette Cellule d’Ecoute, sur ce M. Wenes s’inscrit en faux et déclare : « Je ne suis pas d’accord avec ça ». L’Avocat Général déclare : « Vous dites que les Cellules d’Ecoute étaient un succès… Cela veut-il dire que pour les managers, les RH, les DP ce n’était plus leur rôle d’accompagner les personnels ? » Et M . Wenes de répondre : « Non je ne pense pas, on voulait aider les autres ».
- (Ndlr : la stratégie de défense de M. Wenes apparaît clairement : se raccrocher à la création des cellules d’écoute, son seul atout dans la manche pour tenter de dire « on a tenté un truc », et donc faire oublier les réorganisations délirantes et les mobilités forcées, les redéploiements incessants, les fermetures de sites etc… C’est de bonne guerre, il a un argument, il l’utilise… Mais il n’a que cela)….
- À 12H17, M. Didier Lombard monte une minute à la barre et déclare, pour lever tout doute : « Je confirme que je ne suis pas à l’origine de l’idée des cellules d’écoute ».
- À 13H55, reprise de l’audience. Un très curieux avis technique rédigé par on ne sait même pas qui, « incendie » le film documentaire qui doit être projeté, de Serge Moati. Il traite le document d’horrible chose, de tendancieux, orienté, ne laissant pas la parole à la Direction. (Ndlr : lorsque j’entends ces inepties, je ne reconnais pas le documentaire que j’ai vu il y a trois ans… Je suis estomaqué… M. Moati peut avoir un biais mais de là à qualifier son film de telles horreurs je ne comprends même pas, tellement ceci est caricatural…) Puis Mme le Président du Tribunal lit le droit de réponse de M. Serge Moati qui déclare avoir travaillé comme il le fait d’habitude, de manière sincère, et sans jamais utiliser de caméra cachée…Voici qui remet les pendules à l’heure… Puis le film est diffusé. Le film, nous nous en sommes aperçus, a même ému les gendarmes chargés de surveiller la salle… (Ndlr : j’ai retrouvé le film que j’avais vu en 2019, documentaire qui, en toute honnêteté restituait bien le climat de détresse qui existait partout dans France-Télécom… Alors les condamnés peuvent raconter ce qu’ils veulent, le dénigrer ou le faire dénigrer par un obscur critique de foire, ce documentaire reflète bien le France-Télécom des années de plomb.)
- À 16H10, M. Didier Lombard remonte à la barre. Il déclare : « M. Moati nous émeut car il est un bon cinéaste ». Interrogé sur le Plan TOP, M. Lombard ajoute : « On aurait dû réintroduire des degrés de souplesse en local. On comptait jusqu’aux stylos bic, c’était trop. En 2009, c’était faisable ; avant c’était autre chose…»
- À 16H16, M. Louis-Pierre Wenes remonte à la barre et déclare : « Il fallait mener des mesures correctrices sans être paralysé par l’émotion », et d’ajouter : « Mais je trouve tout de même que je suis un peu noirci dans le film ! » (Ndlr : Mais, Monsieur Wenes est comme il est… Il est bien représenté tel qu’il est… M. Wenes est bel et bien noirci… C’est son état naturel… La Cour d’Appel lui fera-t-elle comprendre qui il est vraiment ?)
- Sur le film ; M. l’Avocat Général précise qu’il fallait montrer le film, mais qu’en raison du fait que personne ne possède les rushes, il faille se méfier de ce qui peut être dit. C’est un aspect juridique qui est mis en évidence… (Mais, le document est clair… Dans ce film, même M. Lombard reconnaît et déclare : « On a poussé le bouchon trop loin… » Tout est dit !)
- À la barre à 16H28, le Docteur Catherine Morel, ex Médecin de Prévention à France Télécom de fin 2007 à fin 2009, aujourd’hui en retraite.
- Celle-ci déclare : « le 10 novembre 2009, j’ai envoyé à la DT ma démission, ne pouvant plus exercer mon travail de prévention médicale » et ajoute : « à mon arrivée dans France-Télécom en Septembre 2007, je suis très étonnée par le nombre de demandes de visites médicales à l’initiative des salariés. Puis assez rapidement, les relations avec la DT se tendent : on veut m’imposer les cellules d’écoute… À en faire partie, alors que le Conseil National de l’Ordre des Médecins a publié les plus vives réserves sur ces cellules. En outre je note une augmentation régulière des RPS, avec de plus en plus d’aggravations… Lors de mes analyses, je m’aperçois que sur une plateforme téléphonique de mon secteur, 2/3 des effectifs sont en souffrance, et 1/3 des effectifs est sous traitement » (Ndlr : sous « cachetons »). Elle précise : « On pouvait résumer la situation vécue par les salariés en 3 mots : dégoût, démotivation et colère ». Elle ajoute : « J’ai noté que les réunions CHSCT s’éternisent. Des réunions qui auraient dû durer maximum une journée s’étirent sur trois jours… C’était le seul moyen pour les élus de marquer leur opposition à la Direction… En effet, toutes leurs demandes restaient sans réponse de la part de la Direction… ». Le Médecin revient sur les plateformes d’appel : « Lorsque nous recommandions des modifications, des aménagements de postes sur les plateaux, pour adapter le travail à l’homme et non l’inverse, l’on nous répondait que c’était impossible par tout était charté, que tout était décidé à Paris et que l’on ne pouvait rien changer. » Sur les effectifs, le Médecin ajoute : « les DRH qu’elle croisait parlaient en réunion et disaient : je dois faire -22 postes… Un autre -33 postes, un autre : -15 personnes à virer… etc… » et d’ajouter « Mais ces mêmes DRH étaient inquiets pour eux-mêmes, car dans une grand-messe, Louis-Pierre Wenes leur avait déclaré qu’ils étaient 2 fois trop nombreux… ». Sur les suicidés, le Médecin explique : « Lorsqu’un suicide se produisait sur le territoire de la DT, nous n’étions jamais prévenus ! Lorsque nous ne le savions, c’était par des collègues, ou par les syndicats… De plus, quand cela se savait, la DT déclarait systématiquement que le salarié avec des fragilités préexistantes… Et c’était la même chose lorsque nous étions en formation… L’on nous parlait systématiquement de salariés fragiles…» À propos de formations, elle se souvient d’une formation intitulée : « Qui m’a piqué mon fromage ? »… Et dans cette formation il avait des devises malsaines du type : « Qui refuse le changement creuse sa propre tombe… » ajoutant que cela était fait pour culpabiliser les salariés et à entretenir l’anxiété constante…(Ndlr : tout un programme !) Avec la multiplication des crises de larmes, de conflits, de salariés qui craquent complètement, elle se voit répondre par la Direction : « vous écoutez trop les salariés, Docteur »… Enfin, cette situation finit par épuiser le Docteur, et celle-ci prend la décision de quitter France-Télécom, car elle était témoin de tels dysfonctionnements fonctionnels, que cela en devenait insupportable pour elle. Début 2010, elle quitte sans regret France-Télécom, tout en restant inquiète pour les cas les plus sérieux qu’elle laissait derrière elle. Pour conclure, elle ajoutait que la totalité de ses demandes de réaménagements de postes restaient sans réponses, que la Direction ne voulait rien entendre… Il y avait aussi les mutations forcées du style : le 15 avril, on disait à tel salarié qu’il dégageait ailleurs le 2 mai… Elle précise que même les cadres venaient consulter, et s’ils se confiaient moins que les agents, mais ils souffraient aussi car ils étaient les éponges de tous les problèmes. C’était la même chose pour les syndicalistes. Elle avait beau faire des remontées, des alertes, des rapports, la Direction n’en faisait strictement rien. Tout était court-circuité, et qu’elle ne recevait jamais de quelconque rapports de synthèse de ce qu’il se passait dans les autres secteurs… Elle précise qu’elle est partie en service inter-entreprise, ce qu’elle n’avait jamais voulu faire autrefois… Et qu’elle a pu terminer tranquillement sa carrière avec 12 dernières années en médecine inter-entreprise soulagée d’avoir quitté France-Télécom. (Ndlr : ce médecin qui avait passé 20 années à La Poste, s’est aperçue qu’elle était arrivée chez nous, sur la planète Mars… Du coup, elle s’est tirée au bout de deux ans… Puis a pu finir une carrière normale, ailleurs qu’à France-Télécom).
- À la barre à 17H55, Mme Pascale Abdessamad, Assistante sociale qui a subi, elle aussi, les années de plomb à France-Télécom.
- Elle déclare : « J’ai déjà été entendue en première instance, mais j’ai souhaité pouvoir revenir car c’est une des rares possibilités d’être entendue par les coupables. » Elle ajoute : « Je viens pour témoigner de la différence entre la réalité, le vécu et ce qui est décrit par les prévenus, qui n’a rien à voir. Déjà, chaque DT en France avait décidé d’appliquer un ratio pour réduire le personnel du Service Social à France-Télécom. De plus, à partir de 2007, les CSRH n’ont plus eu le droit de nous avertir que tel ou tel salarié était en arrêt de longue durée, et du coup nous ne pouvions plus contacter les gens en difficultés pour les aider. France-Télécom nous a mis de côté et nous a empêché de venir en aide aux gens en détresse. Ce qui est arrivé est à mettre directement en relation avec la disparition, fin 2006, des Directions Exécutives Déléguées (DED). Nous avons été confrontées, au Service Social, à l’impuissance, à l’impossibilité d’aider les gens, ainsi qu’ à une augmentation de notre charge de travail, avec la baisse de nos effectifs. Car on nous poussait au départ. » Mme Abdessamad a ensuite décrit des situations de travailleurs en grande difficultés, qui recoupent d’ailleurs les autres déclarations antérieures, le suicide d’un agent en Touraine qui l’a particulièrement marquée, ainsi que les pressions au départ des mères de 3 enfants qui étaient exercées contre elles… Elle se rappelle notamment d’une femme qui avait cédé et se retrouvait avec une retraite si faible qu’elle devait distribuer des journaux dans les boîtes aux lettres pour boucler ses fins de mois… Elle ajoute qu’en Indre-et-Loire, ils se sont retrouvés sans aucun médecin de prévention après sa démission ! Le grand n’importe quoi fut atteint lorsqu’ils ont sous-traité le Service Social à des Services Sociaux Inter-Entreprises, en les missionnant quelques heures par-ci par-là… (Ndlr : l’on puisse s’interroger sur cette bien curieuse politique de la Direction, qui a consisté à asphyxier volontairement le Service Social de France-Télécom, pourtant chargé d’aider officiellement les personnels en difficultés, selon des protocoles éprouvés, par des agents formés à cet effet, avec des cursus et des diplômes spécifiques, pour ensuite créer une sorte de bazar sans cohérence, contrevenant au secret médical, et les nommer Cellules d’Ecoute… Si ce n’était pas pour faire de l’affichage et de la com’, alors de quoi s’agissait-il ?)
- 20 mai 2022. La journée est consacrée à l’audition de 4 parties civiles.
- Audition de M. Pierre Vars (représentant UNSA – Orange) à 9H08.
- M. Vars se souvient qu’avant que la situation ne dégénère à France télécom, ils avaient une réunion d’équipe par semaine et que cela se passait bien. Puis, un jour, les réunions d’équipe avaient lieu désormais tous les matins ! Tous les matins, c’était la mise sous pression. Les personnels étaient tout le temps soumis à la pression d’aller voir ailleurs… De partir. De quitter le service. Alors au début, il a cru que c’était un problème localisé dû à un manager trop zélé. Mais au bout de quelques mois, il s’est aperçu que c’était la même chose partout où il téléphonait. En 2007, M. Vars a pris la décision de partir hors de France-Télécom. Il avait un ami maire d’une ville, et qui pouvait le prendre dans sa ville. Mais finalement, il s’est ravisé et il a décidé de rester et ne pas fuir devant ce qu’il se passait. Il précise que les autres administrations n’attendaient pas les personnels de France-Télécom à bras ouverts, car elles réduisaient aussi la voilure. Quant à la situation à France-Télécom, il décrit que les managers locaux devenaient intouchables. Ils pouvaient déclarer et faire n’importe quoi, ils restaient systématiquement couverts par la hiérarchie, bien que les agressions envers les personnels et entre personnels se multpliaient. En Juillet 2008, il rencontre, avec son syndicat, M. Zylberberg. Il explique que la situation était très tendue, et que cet individu ne voulait pas entendre parler des problèmes dans France-Télécom. (Ndlr : Il convient de rappeler que M. Zylberberg était censé s’occuper de relations sociales dans France-Télécom. On avait déjà démasqué le double langage de ce monsieur lors de son audition au premier procès. Il m’était apparu consternant qu’un tel individu ait été nommé responsable des relation sociales dans France-Télécom. Un mauvais gag, un bad trip à l’état pur !)
M. Vars explique qu’à un moment donné, il a refusé de participer aux réunions d’équipe, car elles ne servaient à rien. De plus les cadres zélés ne cessaient pas de dire aux agents : « tu vas au commercial, en agence, ou sur une plateforme, ou en back office… C’était tout le temps comme ça. »
Il ajoute : « Quand j’ai fini par adhérer à l’Observatoire du Stress et des mobilités forcées, là, j’ai compris que la situation était générale dans toute la France. Ils liquidaient les services partout, en achetant les chefs qui avaient négocié leur promotion et leur point du chute à la fin… C’est pour cela qu’il n’y avait plus aucune écoute de la part de la hiérarchie» il précise : « Mais nos métiers ne disparaissaient pas pour autant… Ils étaient sous-traités à des entreprises extérieures ! ». Interrogé sur l’Observatoire du Stress des Mobilités le jugement de M. Vars est clair : « Si tout avait été normal dans France-Télécom, l’Observatoire ne serait jamais né. »
Il revient sur la situation de l’emploi, notamment en reparlant du cas du suicide de M. Louvradoux qui a marqué les esprits. Il explique que les personnels étaient menacés en permanence d’être déplacés, d’être envoyés dans des clapiers, enfermés… Il conclut que tout était planifié d’en haut, qu’on a forcé les gens à partir d’où ils étaient vers ces plateformes. (Ndlr : je confirme que partout, y compris sur les activités totalement adhérentes au terrain, on laissait planer en permanence de multiples doutes sur notre devenir. Le gouvernement par la crainte, par l’effet Damoclès, était pendant ces années de plomb, permanent, et que les managers à qui l’on promettait le grade de 3.2 (Inspecteur) à tour de rôle, s’ils arrivaient à faire sauter Monsieur Rizzo, était su de tout le monde dans mon unité, par exemple… À la grâce de Dieu, je n’ai jamais servi de marche-pied ou de paillasson pour faire monter ces petits chefs dignes de l’esprit de collaboration. Aujourd’hui, j’ai atteint le grade qu’ils n’ont jamais pu obtenir en se comportant en kapo… La vie est curieuse, n’est-ce pas ?) - Audition de M. Patrick Ackermann (SUD – Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées) à 10H45.
- À titre liminaire, je vais préciser que sans être un intime de M. Ackermann, je le connais depuis plus de 20 ans et je voudrais pouvoir tordre le cou à certaines rumeurs que l’on raconte sur lui ; rumeurs créées dans France-Télécom aux échelons élevés, pour tenter de le discréditer car n’ayant jamais adhéré ni même fricoté avec la ligne mortifère, perverse, sale, impure et morbide qui a été promue et élevée au rang de système dans France-Télécom. Malgré toutes les horreurs, manipulations, injustices diverses auxquelles il ait été confronté ou seulement témoin, j’ai toujours été admiratif par le fait que M. Ackermann arrivait à conserver son calme en toutes circonstances et à ne jamais sombrer dans la démotivation, ne jamais s’énerver, continuer à se maîtriser et à pouvoir continuer à s’exprimer et à se faire comprendre avec grande clarté, rationalité et avec une forme de douceur à toute épreuve. Il est un homme loyal, honnête et droit.
- M. Ackermann déclare en préliminaire : « La crise sociale à France-Télécom, ça a été ma vie pendant plusieurs années, et ça m’a marqué profondément. » Puis il nous fait un rappel historique sur ce qu’étaient les PTT lorsqu’il y était rentré en 1987. Un service public avec ses valeurs, la satisfaction de l’usager, et le travail pour l’Etat, pour la France. Il rappelle qu’en 1995, France-Télécom était considérée comme une entreprise ayant réussi sa mutation, qu’elle était rentrée dans la modernité, qu’elle était un exemple pour tous dans le pays, qu’en plus c’était un ascenseur social, un fleuron, un exemple français. Par contre avec le vote de la Loi de 1996, la transformation en société anonyme a été vécue comme une profonde trahison en interne. Il y a eu aussi le système de préretraite CFC en vigueur de 1996 à 2006 qui a permis de faire partir 40.000 fonctionnaires. Ce n’était pas la panacée, mais au moins beaucoup de personnes, après un temps d’hésitation, ont opté pour le CFC et sont parties dans des conditions correctes. Il faut ajouter que l’arrivée de M. Michel Bon a beaucoup inquiété. Il venait de Carrefour. Il a violenté les gens en poussant beaucoup de techniciens à partir dans le commercial. Entre temps, Michel Bon a ruiné France Télécom en achats hasardeux, si bien qu’il a été condamné pour mauvaise gestion (Ndlr : en 2008)… Mais déplore que l’amende à payer n’ait été que de dix mille euros, à comparer aux 75 milliards d’euros de dettes qu’il a laissés. Sur ce en 2002, France-Télécom est au bord du gouffre et arrive M. Thierry Breton (Ndlr : vu que l’incompétent certifié Michel Bon avait enfin été « vidé » et mis au placard au Central téléphonique de Bassano pendant 6 mois jusqu’à ses 60 ans, seul avec une secrétaire, un grand écran TV et l’autocommutateur MT25 BASSANO 2 ET1 (AB23) pour la petite histoire…). Sur ce M. Breton met France-Télécom à une diète complète. La rage monte, le défaitisme s’installe à tous les niveaux de France-Télécom. En 2006, c’est la fin prochaine du CFC. Les premiers contacts avec la Direction sur ce que l’on va faire pour remplacer le dispositif ne vont pas : les PPA, les essaimages, les départs vers la fonction publique ne marchent pas. Les gens n’en voulaient pas ! M. Ackermann se rappelle que le style d’annonces proposées c’était un poste de Gardien de cimetière à Montreuil ou encore une place de coiffeur ! C’était consternant… On a parlé des 22.000 suppressions de postes que la direction a décidées. Mais où était le gras ? Il n’y avait pas de sureffectifs à France-Télécom. Ce n’étaient que des licenciements boursiers, faits pour faire remonter l’action. Le résultat a été que les managers faisaient du bâtonnage sur des fichiers Excel, et que l’on harcelait les gens pour faire partir les gens. Car il y a eu cette annonce sur la radio RTL des 22.000 suppressions d’emploi… M. Ackermann avait alors rencontré l’équipe dirigeante, Le bon, la brute et le truand, comme M. Didier Lombard, Olivier Barberot et Louis-Pierre Wenes aimaient à se décrire eux-mêmes notamment lors de la fameuse réunion de l’ACSED à la Maison de la Chimie en 2006, et qui fera florès… Il raconte les blagues loulourdes et de mauvais goût qui avaient cours à l’échelon sommital de France-Télécom à cette époque… La grosse blague sur les représentants de Rank Xérox qui entraient par la fenêtre quand on leur fermait la porte au nez, tandis qu’à FT on fait partir les gens par les portes et par les fenêtres… (Ndlr : effectivement, certains employés de France-Télécom se sont effectivement sauvés de France-Télécom par les fenêtres… en sautant du 5ème étage, oui…) Sur le management local, M. Ackermann déclare : « On leur demande de liquider des gens parmi leurs équipes », et ajoute que : « les CCUES ne servaient à rien, qu’il n’y avait plus de dialogue dans les instances, et que toute cette construction était foncièrement malhonnête. Les syndicats se sont retrouvés coincés car les grèves et les protestations ne servaient plus à rien. Les grèves faiblissaient et il fallait trouver autre chose. Il nous fallait comprendre ce qui arrivait dans France-Télécom. Il nous fallait des experts pour comprendre. » Alors SUD et la CFE-CGC (Ndlr : les autres syndicats ayant décliné l’offre) ont créé l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées à France-Télécom. En Juin 2007, un questionnaire a été publié en ligne, sur internet. 3000 réponses furent reçues. C’était un début. Quelques jours plus tard après la mise en ligne sur internet, M. Ackermann précise qu’il a eu la politesse de téléphoner à la Direction pour les prévenir de la création de ce site internet de l’Observatoire de Stress et des Mobilités Forcées… Et là, dans les heures qui ont suivi, la Direction fait bloquer le site internet sur tous les ordinateurs de l’entreprise ! Le site internet se retrouvait blacklisté en interne ! (Ndlr : c’est le Dialogue Social à France-Télécom)
M. Ackermann déclare : « Comme France-Télécom nie les suicides, ne fait aucune statistique, alors nous décidons de faire nos statistiques et de les publier pour contrer l’omerta totale dans France-Télécom. » M. Ackermann s’indigne et manque de pleurer lorsqu’il repense aux suicides et précise que personne à France Télécom ne téléphone ou ne va voir les familles des suicidés !
Puis M. Ackermann évoque le journal Le Figaro, qui le premier média « connu pour son gauchisme délirant comme il le déclare (humour) » publie en page intérieure le premier article sur ce qu’il se passe à France Télécom… À l’occasion du suicide de M. Jean-Michel Laurent et parle pour la première fois d’une spirale des suicides dans France Télécom. Puis il arrive le suicide de M. Deparis qui est un électrochoc dans France-Télécom et dans tous le pays. Du coup, M. Ackermann se retrouve invité dans l’émission TV « C dans l’air » où il se retrouve confronté à M. Laurent Zylberberg (directeur des relations soi-disant sociales à France-Télécom), où le débat est houleux comme il le dit. Il ajoute que seul l’Etat-Major de France-Télécom ne voulait pas voir qu’il y avait une crise dans France-Télécom. Il précise avoir rencontré le patron de l’Inspection du Travail en France et que celui-ci comprend immédiatement qu’il y a un gros problème dans France-Télécom et il décidera de confier, fait rarissime, à une Inspectrice du Travail (chevronnée) de coordonner, regrouper tout le travail d’enquête concernant France-Télécom. M. Xavier Darcos aussi a compris qu’il y avait un gros problème. Il ajoute qu’il fallait stopper la machine infernale au plus vite ! M. Ackermann ajoute : « Sur ce, arrive aux responsabilités M. Stéphane Richard qui nous tient un premier discours étonnant, surprenant… » (Ndlr : c’est souvent le cas quand on a à faire d’un seul coup à des gens normaux… On se demande ce qu’il se passe, on est surpris d’avoir à faire à nouveau à des gens normaux avec qui l’on puisse discuter normalement… Ça surprend au début !) M. Ackermann dit en substance : « M. Richard déclare qu’il y a un problème et qu’il faut recruter au plus vite dix mille techniciens… Il prend devant nous plusieurs engagements solennels, on reste scotchés… On ne sait pas si la parole sera tenue, mais oui, ce sera le cas… Avec M. Richard, c’est le jour et la nuit… ». Il ajoute que lors d’une entrevue qu’il a eue avec M. Stéphane Richard, celui-ci lui déclare que quoi qu’il arrive, il ne fera pas appel du jugement et qu’un dispositif de réparation sera créé pour aider les victimes.
S’ensuivront des questions posées par Maître de Warren, sur les plans sociaux. En effet, la défense (les coupables en appel) essaye de trouver une faille en dérivant le sujet… Ils font ce qu’ils peuvent face à une déclaration accablante contre les coupables, qui rappelle des faits prouvés, tangibles, pas seulement des opinions… Il s’avérera en fait que SUD a bien essayé de contraindre France-Télécom à monter des Plans Sociaux avec des indemnités dignes ; le cas s’étant présenté dans une entité, mais la Justice a jugé que ce n’était pas possible d’engager un plan social dans France Télécom du fait de son statut particulier… Donc en définitive, cela en devient encore plus accablant contre France-Télécom car rien n’aurait pu empêcher France-Télécom de créer des accompagnements dignes, notamment financiers, pour encourager les personnels à partir dans des conditions honorables… (Ndlr : Mais non… Et le procès en première instance l’avait bien démontré, me semble-t-il : il fallait pousser les gens dehors par la porte ou par la fenêtre, une main devant une main derrière, et que cela ne coûte pas un rond à la boîte…) - Audition de Mme Isabelle Jeunetôt (CFDT)
- Mme Jeunetôt, qui est Ingénieur analyste de données de formation, issue du CNET, va confirmer un certain nombre de faits. La Politique de management par la contrainte, mise en œuvre et déployée par le Programme ACT (Ndlr : Allez Casse-Toi, comme on disait entre collègues). La Direction Générale avait fermé la porte à toute négociation. (Ndlr : y compris aux syndicats réformistes comme la CFDT !). La Direction ne voulait rien savoir de la catastrophe qui arrivait, et laissait pourrir la situation, et sur le terrain, les managers s’en prenaient plein la figure… Le manque d’échange était criant entre la Direction et les syndicats et IRP. Il n’y avait jamais d’échange, jamais d’explications. La politique de déflation était gérée par tableaux Excel… L’obsession de la déflation était partout. Même les managers n’étaient plus écoutés. Beaucoup de Cadres ont été détruits mentalement car on les a obligés à faire des choses mauvaises. Comme ils disaient : « J’ai fait des choses dégueulasses. » Mme Jeunetôt dénonce la situation de soi-disant Volontariat dans France-Télécom, car avec les mutations forcées, les liquidations de postes et la fermeture des sites, comment parler de volontariat ? Au, contraire une organisation était mise en place pour faire le deuil de leurs rêves, de perdre toute confiance. Les mécanismes étaient prévus : Espaces Développement (Ndlr : les Espaces Dégagements comme on disait), la Performance Individuelles Comparées (PIC) et les Primes des Managers indexées sur les départs des services… (Ndlr : système prouvé en première instance et accablant de nature). Mme Jeunetôt ajoute : « A cette époque, on a fait partir 22.000 personnes et redéployé de force 10000 personnes. Pour ces raisons, nous, CFDT, demandons la conformation du jugement de première instance, car nous avons ramassé les gens à la petite cuillère ». Suite à une question de M. l’Avocat Général, Mme Jeunetôt conclut par la déclaration suivante : « Il aura fallu l’arrivée de M. Stéphane Richard arrive à la tête de l’entreprise pour que les chosent s’améliorent. »
- Audition de M. Christian Torrès (ex-Médecin de Prévention à FT / SNPST) à 14H00.
- M. Torrès a été Médecin de Prévention à France-Télécom de 1985 à 2008. Il connaît donc très bien France-Télécom et était un médecin considéré par ses pairs de par ses connaissances et son expérience dans France-Télécom.
Pour le Docteur Torrès, les premières alertes sont données en fin 2006 et apparaissent dans les rapports d’activité de la médecine de prévention. Il précise avoir communiqué par écrit ses inquiétudes dans ses conclusions. Elles sont reprises par la presse à la mi-2007. En 2007, c’est la rupture avec la Direction. On n’est plus entendu, précise-t-il. Et les Médecins de Prévention se retrouvent sans possibilités d’agir pour protéger et aider les salariés. Une lettre est envoyée à M. Didier Lombard, l’avertissant d’une grave entrave faite contre la Médecine de Prévention et lui demandant d’agir pour mettre fin à cette situation. Le Docteur précise qu’il y a eu une trahison de la confiance légitime faite aux personnels, à savoir que certains sites ne fermeraient jamais… Et puis peu après, on leur a fermé les sites… À partir de là, la souffrance au travail augmente fortement. Les salariés sont dévalorisés dans leurs métiers, on les empêche de faire du travail bien fait, en leur imposant, sur les plateaux, des scripts stupides. La dévalorisation des salariés était incessante. De plus, la Direction a mis au point une gestion des personnels hybride entre le privé et le fonctionnariat, et a abouti à un fonctionnement qui transgressait le droit commun… Ce fut un terreau fertile qui a créé une ambiance sans cadre de pensée… Il n’y avait plus aucun cadre de référence pour vivre ensemble, ajoute-t-il… Quant aux conditions de travail, les Médecins de prévention n’étaient plus entendus, notamment sur les aménagements des plateaux d’appels, trop denses notamment… L’ambiance qui en résultait était anomique. Et le Docteur ajoute que les Médecins de Prévention ont en fait autant été maltraités que le reste des salariés. À propos des cellules d’écoute, le Docteur précise qu’il a rencontré au cours d’une réunion en Juin 2007, Mme Nathalie Boulanger, lorsque la Direction a voulu créer ces cellules…. Il cite une phrase prononcée par Mme Boulanger qui l’a fortement surpris, je cite : « Il s’agit de ne pas laisser ce champ aux Organisations Syndicales, car la CFE-CGC et SUD ont créé l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées… » (Ndlr : rien que cette phrase veut tout dire… On comprend mieux les imprécisions de la part des coupables pour dater et expliquer le pourquoi de la formation de ces fameuses cellules d’écoute, apparues comme par magie « en même temps » que l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées… Chacun se fera son opinion, et je ne doute pas que la Cour d’Appel, comme le Tribunal de 1ère instance, déterminera la chronologie exacte). Pourtant les Médecins de Prévention déclarent que le fonctionnement de ces cellules contrevient à la déontologie médicale et au Code du Travail. Les 25 et 26 octobre 2007, les Médecins du Travail sont reconvoqués en réunion, où ils sont moqués, raillés par la Direction. D’ailleurs le Docteur Torrès qui était le correspondant, et représentant identifié du SNPST, sera le seul médecin qui ne sera pas convoqué (Ndlr : comme par hasard). Certains Médecins de prévention refuseront en outre de participer à cette réunion de remise au pas. Un Médecin de Prévention de Strasbourg sera forcé par un courrier (dont le Docteur Torrès affirme en détenir copie) de M. Jacques Moulin, un des coupables condamnés en première instance… (Ndlr : Faut-il en être surpris, lui qui fut condamné en 2019 pour avoir été un serviteur zélé qui devançait même les desiderata de la Direction Générale… Moi pas.)
Le Docteur Torrès précise que M. Louis-Pierre Wenes viendra au cours de réunions s’enquérir, en présence des Médecins de Prévention, de la docilité des Médecins du Travail. Dans le Tribunal, M. Wenes était furax ! Démasqué, il demandera au Docteur Torrès : « Comment pouvez-vous le savoir puisque vous n’étiez pas présent à ces réunions ? »… Et le Docteur Torrès de lui répondre : « Je le savais par mes confrères qui étaient présents et qui vous ont rencontré, mais si je n’étais pas là, c’était à cause de vous qui m’aviez interdit de participer à ces réunions ! »… (Ndlr : Ce qui était assez drôle à la fin de l’audience, c’était la fébrilité, une fois que la salle se vidait… Il fallait voir la tronche de M. Wenes qui avait vraiment « les boules »… Eh oui, M. Wenes, l’effet boomerang, cela existe ! La juge de 1ère instance en avait parlé d’ailleurs… »)D’ailleurs, 15 jours plus tard, le Docteur Torrès apprendra que le Conseil National de l’Ordre des Médecins avait émis les plus vives réserves sur ces cellules d’écoute depuis le 17 octobre 2007 ! Et que France-Télécom le leur avait caché et tout de même convoqué ! Le Docteur parle de fourberie, de tromperie et qu’au fil du temps, les pressions de la Direction continuent contre les Médecins de Prévention, sans tenir compte de l’avis du Conseil de l’Ordre des Médecins. Du coup, en fin 2007, les Médecins de Préventions écrivent à la Direction sur les cellules d’écoute. La réponse de M. Guy-Patrick Cherouvrier du 15 janvier 2008 leur parvient et elle est édifiante : « Les structures classiques ne permettent plus de traiter les difficultés, donc on met en œuvre une structure de plus… » Et le Docteur Torrès de dénoncer l’atteinte au secret médical sur lequel la Direction de France-Télécom s’assied dessus.
Puis, le Docteur Torrès évoque son cas personnel et les pressions dont il a été l’objet.En effet des pressions systémiques ont été décidées par M. Louis-Pierre Wenes et Mme Nathalie Boulanger pour le harceler en permanence. Le Docteur précise qu’il en avait été averti en secret par deux cadres haut placés. On lui a changé son secteur, puis obligé de partager son bureau avec un autre Médecin (Ndlr : ce qui est anormal, chaque Médecin DOIT avoir SON bureau, c’est l’usage !)
Il ajoute qu’on lui a interdit de participer à une grande enquête universitaire sur un domaine dont il est spécialiste… En Mars 2008, épuisé, il commence à avoir des pépins de santé. De plus, il constate désormais que chaque salarié qu’il essaye d’aider, par des demandes d’aménagement de postes, est systématiquement attaqué, muté de force, et là c’est trop. Il décide de démissionner au 31 mai 2008. Il part à la Médecine de Prévention dans l’Administration Pénitentiaire, s’occuper des personnels, et il précise que se sera pour lui un grand ballon d’oxygène ! À cette même période, 13 Médecins de prévention démissionneront de France-Télécom, ce n’est pas un hasard… Le Docteur Torrès conclut : « À France-Télécom, on a attaqué ceux qui sont chargés de préserver la vie et nous espérons que la Cour rappellera certains interdits qui ne se font pas ». (Ndlr : témoignage concis, précis, qui permet d’expliquer le processus d’intimidation qui ressemble à s’y méprendre à certains comportements mafieux (cela fut même évoqué en audience pendant les questions)… Je n’en suis personnellement pas surpris, je le savais déjà…) - En conclusion, il m’apparaît que cette journée ait été assez compliquée pour les coupables en appel… En effet, le vernis craque… Leur visage était fermé à la sortie de la salle… Il ne faut quand même pas oublier la masse de personnels qui a été lessivée, éreintée, broyée par cette entreprise à cette époque… Beaucoup aujourd’hui tiennent debout à coup de cocktail de cachetons… C’est un gâchis de ressources de travail et de ressources mentales inimaginable… Un sabotage industriel majeur. Tout ceci n’est pas arrivé par hasard, et les séquelles perdurent pour beaucoup aujourd’hui… Il ne faut pas omettre que France-Télécom a renoncé à faire appel… Que l’ancien DRH – Olivier Barberot a abandonné son appel et finalement accepté le verdict de condamnation et de culpabilité pleine et entière… Ce n’est pas sans raison non plus que France-Télécom a accepté de provisionner pour les autres coupables, les indemnisations prononcées par le Tribunal, et de les verser rapidement dès 2020 ainsi que créer un Comité de Réparation et d’Indemnisation qui a traité 1800 dossiers, et qu’actuellement, les 300 derniers dossiers en souffrance viennent de recevoir une intention formelle de la Part de la Direction pour solder la situation et pouvoir enfin tourner la page. C’est même M. Patrick Ackermann qui l’a évoqué pendant les questions qui lui étaient posées… Nous pouvons dire que Monsieur Patrick Ackermann a rendu dignement hommage à M. Stéphane Richard qui l’a mérité.
Ci-dessus : votre bien dévoué à la Cour d’Appel de Paris, venu suivre le procès ; conservant une certaine bonne humeur même si cela signifie aussi de prendre sur soi… Et puis, Aux Vieux Châtelet vers midi, un répit…
Photographies C. R-V. – 25 mai 2022 – Coll. C. R-V.
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- 25 mai 2022. En ce jour, nous allons avoir droit aux auditions des Saints Innocents, pour qui la journée sera marquée par la faiblesse de leurs arguments, de leurs recoupements. En effet, les questions qui leur sont posées sont de plus en plus précises, et il m’appert qu’il leur devienne de plus en plus difficile d’y répondre clairement…
- À 9H12, M. Guy-Patrick Cherouvrier est à la barre. Il commence par une réaction à propos de la GPEC de 2006 qui a avorté, et qui se transforma en Décision Unilatérale. Il déclare : « Cela a été ressenti comme une catastrophe par tous les participants. Ils ont été très mal à l’aise quand le droit d’opposition a été exercé. »… Il précise que ces négociations se sont déroulées pendant 7 mois à raison de 3 réunions par mois. (Ndlr : Bref. Un effet de style sans valeur. En effet, en 2006, je me souviens de cette affaire, nous étions, parmi les agents, très heureux que cette infâme accord ait été avorté de la sorte, puisqu’il était inadmissible en raison de la volonté de la Direction de virer 22.000 personnes par n’importe quel moyen… Ceci n’est pas sérieux). Sur l’Obligation de Reclassement, M. Cherouvrier déclare que l’entreprise ne souhaitait pas imposer aux salariés une voie obligatoire, mais qu’elle souhaitait juste donner aux personnels toutes les informations pour pouvoir faire un choix bon pour eux et pour l’entreprise. (Ndlr : je me souviens que la Direction gouvernait par oukase et menaçait quiconque ne faisait pas ses 4 volontés d’être muté d’office… Donc encore un argument dissonant). Nous apprenons (et M. Wenes l’apprendra aussi ce même jour, car il n’était pas au courant) que la Commission Stress avait été créée dès 2000 pour aider les personnels en difficultés face aux clients ! (Ndlr : à force de créer des groupes, des instances, des machins de partout, on en ignore ou on en oublie leur objet… Même au très haut lieu, ils ne le savaient pas tous !)
- M. Cherouvrier minimise systématiquement les problèmes dans l’entreprise, en ne concédant leur existence que dans quelques endroits, et qu’il n’y en avait, je cite : « pas plus que cela », et précise après une réprobation de Mme le Président du Tribunal, que, je cite : « Il y avait un malaise qui n’était pas généralisé » (Ndlr : toujours le même déni qui est invoqué par les coupables. Cela ne nous change pas du 1er procès et qui annonce la couleur de cette journée).
- Ensuite vient l’étude de la Verticalisation des Fonctions, et de ce que l’on a appelé l’Organisation Matricielle. (Ndlr : ce que nous nommerons Nouille Matricielle, pour les intimes). Il est rappelé que selon Monsieur Didier Lombard, Mme Catala, Inspectrice du Travail, avait une vision erronée de la nouille matricielle à France Télécom. Il est en outre rappelé que M. Olivier Barberot déclarait lors d’une de leur grand’messe que : « La fonction RH sera plus proactive pendant quelques mois, et qu’on va verticaliser la fonction RH. On aura une DRH Groupe « au combat » ! » (Ndlr : tout est dit !)
- Sur ce, Mme la Présidente insiste sur, je cite : « une vision matricielle un peu déséquilibrée et des réorganisations multiples et désordonnées » et rappelle le constat alarmant de M. Jean-Claude Delgenes, Directeur du Cabinet Technologia ainsi que la fameuse Courbe du Deuil (Ndlr : qui avait cour légal dans l’entreprise…).
- Mme la Présidente du Tribunal parle alors d’une évidence qui avait cours dans l’entreprise et qui était citée dans maints documents : la déshumanisation.
- Sur ce, Maître Jean Veil sort de sa torpeur et s’insurge. Nous atteignons en ce début d’audience le Point Godwin. En effet, Maître Veil affirme que c’est à Auschwitz que l’on avait déshumanisé l’être humain et que par rapport à sa maman, il ne peut supporter que l’on parle de déshumanisation à France-Télécom. Un peu plus tard, il admettra que sous Pol-Pot aussi, il y avait eu déshumanisation… Bref. Une intervention qui a juste plombé un peu plus l’ambiance et qui sur le fond, pour la défense de son client, M. Didier Lombard, n’aura servi à rien.
- Une fois cet épisode réglé, M. Cherouvrier récupère la parole et déclare que la Verticalisation des fonctions RH n’a jamais été mise en œuvre dans France Télécom. (Ndlr : oui, il ose tout dire ! On l’a cru !!!) Et il ajoute qu’à France Télécom, la fonction RH n’a pas été sous-traitée, car ouf, nous l’apprenons ce jour, ils auraient pu aussi sous-traiter la fonction RH… (Ndlr : Merci Chef !) Il explique qu’ils ont dû supprimer les bureaux d’ordre et créer des plateformes CSRH en 2000 parce que certains sujets devenaient trop complexes à traiter, selon lui. (Ndlr : c’était surtout que créer des plateformes permettaient de concentrer et réduire les effectifs… Et les faire bosser à la chaîne… On peut essayer de tromper des extérieurs à FT, mais pas moi… Je connais trop les rouages de cette machinerie…) Il ajoute qu’une réorganisation ne signifiait pas que l’on allait être renvoyé vers un Espace Développement. (Ndlr : Effectivement, seuls les agents laissés sur le carreau se retrouvaient invités à se rendre dans les Espaces de Dégagement… Pour être poussés vers une mission bidon, ou un boulot que personne ne voulait exercer, ou pour dégager…) S’ensuit une discussion sur le tutoiement dans FT, qui est traditionnel… En général, les subordonnés tutoient leur supérieur direct… (Ndlr : Oui, c’est vrai, mais dans ces années-là, j’avais, à un moment donné cessé de tutoyer les managers qui essayaient de me torpiller… Et j’avais exigé de ne plus être tutoyé par ces exécuteurs de mauvais coups venus de plus haut. On n’allait pas continuer à jouer au copain avec des gens pareils, tout de même… ) S’ensuit une discussion sur le Turn Over, le Time To Move impose aux managers. Il est cité une déclaration de M. Olivier Barberot (qui a bon dos, le Bougre !) : « Il faut aller à la controverse, alors créons de l’instabilité comme méthode de management ». M. Cherouvrier affirme : « Je n’ai jamais utilisé l’expression Time To Move, car je suis contre les mots anglais dans l’entreprise et je n’ai jamais utilisé l’instabilité comme méthode de management. » Il ajoute que pour lui les 22.000 départs n’étaient pas un levier de management (Ndlr : on l’a cru… C’était l’obsession de partout, tout le temps dans France-Télécom… On lui dit qu’on ne le croit pas ?) Quant aux réorganisations multiples et désordonnées, il reconnaîtra que les réorganisations ont été multiples, mais qu’elles n’étaient pas désordonnées (Ndlr : les autres coupables feront de même, c’est, à l’évidence, leur défense coordonnée…) Il ajoute que les réorganisations n’étaient pas faites pour déstabiliser les salariés, mais au contraire pour aboutir à une meilleure efficacité. Sur ce, Mme la Présidente recentre ce débat idyllique en donnant plusieurs exemples concerts d’annonce de restructuration, puis de changements, et finalement d’annulation… (Ndlr : le grand amateurisme, à minima…). Sur ce, M. Cherouvrier se retrouvant déstabilisé, son avocate Maître Doumic se fritte avec Mme la Présidente du Tribunal, ce qui nous a un peu réveillé. Mais M. Cherouvrier reste droit dans ses bottes et déclare : « Je ne conteste pas le ressenti, mais je n’ai jamais voulu déstabiliser le personnel… ». Ensuite à propos des 22.000 départs, il déclare qu’il découvre comme tout le monde cela le jour même de son annonce à la radio. (Ndlr : ce ne serait pas surprenant, qu’une telle annonce, destinée à annoncer de facto des licenciements boursiers à destination de la presse et des milieux financiers avide du sang des salariés (excusez-moi de m’exprimer comme un communiste, mais parfois, ils peuvent dire certaines vérités aussi…) ait dû être gardée secrète entre quelques personnes et que M. Cherouvrier n’ait pas été mis dans la confidence). Sur la citation de M. Barberot et de sa DRH Groupe de Combat, il pense que cela était fait pour motiver les troupes RH en réunion… Et pour se défendre il affirme que pour traiter des situations à problèmes, il faille savoir précisément dans quels services il y a des problèmes… (Ndlr : il ramène toujours les problèmes à des cas particuliers… Car il ne veut pas admettre que les problèmes étaient partout en même temps dans tout France-Télécom… Je me rappelle qu’à cette époque, tous les services que je connaissais subissaient des embrouilles à n’en plus finir. C’était pourri de partout ! Là, il est dans le monde de Oui-Oui…) Sur l’ACSED et les propos délirants qu’il s’y tinrent en fin 2006, il déclare qu’il ne l’a appris que plus tard… Par contre, s’il déclare en ce jour qu’il n’est pas d’accord avec les propos de M. Barberot (les départs par la fenêtre ou par la porte), en réalité, nonobstant ses laborieuses explications devant la Cour, en réalité il n’a jamais rien dit à cette époque… Il n’a pas réagi. Il n’a pas démissionné (comme le fera remarquer Mme la Juge adjointe)… Par contre, nous apprenons ce jour qu’il a dû se passer quelque chose de bizarre entre eux à cette époque très troublée, car il nous déclare qu’en fait, il est parti à la retraite avant le temps normal… Il déclare qu’il aurait dû partir ultérieurement mais pour une raison qu’il ne nous a pas révélée, dans un silence gêné, M. Cherouvrier est brusquement parti à la retraite. (Ndlr : donc visiblement, il s’est passé quelque chose de bizarre dans ce milieu… Et lui a préféré se barrer au plus vite qui à perdre quelques trimestres de cotisation et de retraite… C’est que cela devait être drôlement bizarre et malsain pour qu’il se barre si vite… D’autant qu’il ne sera pas le seul dans une situation voisine… On le verra plus tard. Cette Direction à cette époque ressemble à s’y méprendre à un sacré panier à crabes ! Nous pensions avoir tout découvert lors du premier procès, mais non, nous trouvons encore du nouveau glauque en Appel ! Du coup, nous ne sommes point venu pour rien)… De surcroît, nous apprenons, au cours de cette instructive discussion qu’il n’a même pas organisé un pot de départ, qu’il est parti « comme ça », car, dira-t-il pudiquement, « les circonstances ne s’y prêtaient pas »… (Ndlr : extraordinaire ! Il y a vraiment eu un gros problème dans ce marigot à cette époque…) Il précise tout de même qu’il a reçu des témoignages de soutien lors de son départ. Il ajoute que certaines personnes voulaient venir témoigner au procès pour lui, mais que lui, M. Cherouvrier, ne voulait déranger personne. (Ndlr : alors vous voyez, je pense que là, il dit la vérité. Nous avons un Monsieur qui a un certain âge, et des ennuis de santé réels révélés au procès… Visiblement, il a été poussé dans de mystérieuses circonstances vers la sortie… Alors je me pose une question… À un tel âge, dans sa condition de santé, pourquoi ne déballe-t-il pas tout ? Pourquoi ne se libère-t-il pas de ce fardeau qui le ronge de l’intérieur encore plus vite, vu que lui-même ait préféré partir d’urgence en retraite à l’époque ? Je trouve cela insensé que de couvrir ses « copains », ne serait-ce que pour pouvoir améliorer sa propre santé ! Je ne comprends pas cet entêtement qui lui est préjudiciable…)
- À 11H40, Mme Nathalie Boulanger est à la barre. Démarre immédiatement une discussion technique très embrouillée sur la Nouille Matricielle alors en vigueur à France-Télécom. Je ne comprends rien aux déclarations de Mme Boulanger, car c’est incompréhensible. Quand la discussion devient normale je note que Mme Boulanger déclare : « La démission des Médecins de Prévention, ce fut un signe important »… Et ajoute qu’à cette époque : « La parole des Médecins n’était pas muselée, mais les mises en application des préconisations étaient adoptées au cas par cas » (Ndlr : cela veut dire en bon français, presque jamais…). Sur la situation dans France-Télécom elle précise que les salariés avaient déjà accompli plusieurs mutations dans leurs métiers et que désormais le personnel n’était plus tout jeune, et que cela devenait plus difficile qu’autrefois. Puis, Mme le Président du Tribunal revient sur les états d’âme de Mme Boulanger exprimés en 1ère instance… Alors là, nouvelle révélation pour moi, nous apprenons que c’était Monsieur Louis-Pierre Wenes qui, au bout de deux ans, lui avait demandé de partir… De changer de poste… De goûter au Time To Move, en quelque sorte ! Cette révélation, combinée avec celle concernant le départ précipité de M. Cherouvrier à la retraite est édifiante… L’on se rend compte que si de telles révélations sortent en ce jour 25 mai, c’est que le vernis lisse de la défense coordonnée est en train de craqueler… Mme Boulanger consent à expliquer, de façon très retenue, très pudique, que, je cite de mémoire : « quand j’ai appris que je devais partir, je n’ai pas été contente sur le coup, mais que finalement, dans un second temps, j’étais soulagée car je subissais beaucoup de tensions qui me revenaient de tous les côtés ». Elle précise qu’elle subissait beaucoup de tensions entre des Directeurs Territoriaux et les Directeurs Métiers, qui tiraient chacun la couverture à eux, en cette période de fortes évolutions… Elle ajoute pudiquement : « Je n’étais pas d’accord sur tout… J’étais dans un faisceau de contraintes important… Et dans les Directions Territoriales, ce n’était plus comme à l’époque des Directions Régionales… Désormais les budgets étaient situés dans les Unités Opérationnelles, ils n’étaient plus dans les DT et nous n’avions plus le contrôle des budgets au niveau des DT… Et nous avions des problèmes de moyens… ». Pour expliquer, en pointillés, certaines choses, sans malheureusement avoir craché le morceau, elle explique qu’elle avait dû ferrailler ferme avec les DT pour qu’un budget de convivialité de 10 euros par agent et par an soit adopté pour réinstaurer des pots car la convivialité avait disparu… Et qu’il avait fallu, face aux résistances des DT que ce soit M. Wenes qui valide cette initiative… (Ndlr : il est bien vrai, comme je l’ai déjà expliqué, qu’il soit fort compliqué de tenter de réinsuffler de la convivialité dans une entreprise une fois que l’on a bien brisé et laminé toute ambiance normale… En tous cas, cette entrevue nous aura appris la manière assez trouble dont Madame Boulanger semble avoir été poussée, elle aussi, vers la sortie… On a vraiment l’impression qu’il existait une sorte de coutume du salarié jetable en très haut lieu… Je m’étonne que ceci n’ait point encore été relevé par la Cour… Cette dame aussi, si elle a été balancée comme cela, je me demande pourquoi semble-t-elle continuer à respecter cette omerta… Pour rester loyale à ceux qui l’on éconduite ? Ici aussi, j’avoue ne pas comprendre)…
- À 13H50, Monsieur Jacques Moulin vient à la barre. Ses déclarations comme d’habitude, ne revêtent point de caractère d’importance considérable. Il ne sait pas grand-chose lorsqu’il est interrogé, il n’était pas là, il n’était plus là… Ses descriptions ont l’air, sur la forme et le phrasé, précises, mais ne nous apprennent rien sur le fond. Il est toujours curieux pour moi-même d’expérimenter la vacuité sidérale à ce point. J’ai noté au cours de ce lavage de cerveau qu’il charge M. Barberot allégrement dès qu’il le peut et que lui, M. Moulin, il n’y est pour rien… Il se désolidarise des propos malheureux de M. Barberot tenus lors de grosses réunions, qui, peut-être furent-elles trop arrosées et aboutirent à des dérapages (après tout, l’abus d’alcool pourrait-il, par exemple, expliquer certaines choses ? (Hypothèse à creuser) Le Bougre Barberot a encore bon dos dans cette affaire, et me voici presque à en avoir envie de défendre M. Barberot tellement on lui tombe dessus ces temps-ci ! Après tout, M. Barberot, lui, quoiqu’il en dise, a accepté la condamnation en première instance… Au cours de ses déclarations, à un moment où elles deviennent compréhensibles, M. Moulin déclare que jamais il n’a enjoint aux Médecins de Prévention dont il était le supérieur dans sa DT, de participer aux cellules d’écoute… Son affirmation contrevient donc aux déclarations du Docteur Torrès de la semaine d’avant. Qui a dit la vérité, qui a menti ? Mystère… Il ajoute, je cite : « Je n’étais pas un intime de M. Barberot » (Ndlr : ouf ! Nous avons failli avoir peur… Qu’est-ce que cela eût été si ce fut le cas ?)
À un moment donné, M. l’Avocat Général est sorti de son silence et a demandé où était le véritable volontariat lorsque l’on annonçait à un agent qu’il avait « le choix » entre garder son métier et déménager à 350 km ou changer de métier et aller sur une plateforme téléphonique… Et de redemander si cela était un vrai choix…Après les explications de M. Moulin sur les bassins d’emploi, dont je ne crois pas un traître mot, M. l’Avocat Général a conclu l’affaire par le qualificatif que cela inspirait à beaucoup de monde dans la salle : « du Volontariat Forcé ». (Ndlr : tout est dit en deux mots). - À 14H40, M. Louis-Pierre Wenes est à la barre. Il débute son intervention en rappelant que l’on dépensait 100 millions d’euros pour le réaménagement des plateformes d’appels, et au moins autant pour le réaménagement des boutiques chaque année, à cette époque. Il a ensuite évoqué OPTIM, système d’optimisation des temps de trajets pour les tournées des techniciens, (Ndlr : tout en omettant de préciser qu’ils chargeaient encore plus les agents d’interventions compliquées voire impossibles à achever en fin de journée ; cela avait été traité en 1ère instance). Il rappelle la restructuration des magasins (Ndlr : oui, beaucoup de magasins techniques ont été fermés à cette époque aussi…). Sur le poids des réorganisations à cette époque, il reconnaît, comme les autres prévenus, qu’elles avaient été nombreuses, mais il ne reconnaît pas qu’elles aient été désordonnées. Lorsque vient dans la discussion le Time To Move, il s’insurge vigoureusement contre l’existence même d’un turn-over massif imposé aux managers. (Ndlr : nous n’avons pas dû travailler dans la même entreprise… Lui, il devait être dans le monde de Oui-Oui). Lorsque la Cour revient sur le rapport Technologia, il le tance vigoureusement, et précise que ce rapport avait été utilisé contre la Direction comme un réquisitoire, à l’époque. Il ajoute que ce rapport a été rédigé avec un biais contre la Direction, et a globalisé des cas particuliers comme étant des généralités. (Ndlr : vraiment, on croirait qu’il n’a pas compris dans quel état cette Direction a effondré mentalement tout France-Télécom. Il ne semble toujours rien réalisé de ce qu’il s’est passé…). Ensuite lorsque la Cour lui demande quelques explications sur les départs anticipés de M. Cherouvrier et Mme Boulanger, celui se montre tout à coup bien peu disert et évoque des tensions… Il précise ignorer les raisons du départ de M. Cherouvrier (Ndlr : vraiment difficile à croire), et ajoute que concernant Mme Boulanger, au bout de deux ans, il fallait aller vers d’autres choses (Ndlr : c’est-à-dire que M. Wenes parle sans le dire de Time To Move obligatoire, sans même s’en apercevoir, alors qu’en début d’intervention, il le nie…) On n’en apprendra pas plus. Il y a ici une sorte de trou noir sur lequel plane le mystère. Visiblement ceci est plutôt gênant pour eux d’en parler… Il s’insurge, lui aussi contre les propos provocateurs de M. Olivier Barberot prononcés dans de grandes réunions, (Ndlr : le Bougre Barberot a bon dos, ici aussi) et précise avec véhémence, je cite : « Pour moi, créer de l’instabilité dans l’entreprise, c’est n’importe quoi ! » et conclut par : « Je me refuse à ce que dans ce dossier chaque cas soit globalisé » (Ndlr : d’après M. Wenes, pour résumer, il n’y a jamais eu dans France Télécom de problèmes ou crise systémiques ayant abouti à la crise des suicides…). Ainsi s’achève l’intervention de M. Wenes qui sera appliqué à nier l’existence d’une crise systémique dans France-Télécom, à charger le rapport Technologia de tous les maux et à nier le Time To Move qu’il a pourtant imposé à sa subordonnée, Mme Boulanger… Chacun se fera son opinion…
- À 15H30, M. Didier Lombard est à la barre pour préciser très rapidement deux détails. Il déclare qu’à cette époque-ci, il avait constaté, lors de ses visites sur sites, que le Système d’Information (l’informatique) à France Télécom ne suivait pas, et qu’il fallait l’améliorer au plus vite pour que les agents puissent travailler dans de meilleures conditions. Il ajoute enfin qu’une série d’indicateurs de Qualité de Service avait été créés pour mesurer les améliorations.
- À 15H35, M. Nicolas Guérin (représentant du Groupe Orange) est à la barre pendant 10 minutes et son audition va s’avérer instructive…
En dialogue avec la Cour, il précise : « On essayait d’aider les gens, les accompagner, par les managers, les Médecins de Prévention, les Assistances Sociales, les Cellules d’Ecoute, etc. Mais que l’on n’avait pas fait assez »… Il ajoute à son propos : « D’ailleurs, on l’a implicitement reconnu en créant le dispositif de réparation ». Il précise : « Après la Crise Sociale, nous avons pris les mesures pour renforcer tous les dispositifs. La réaction a commencé après le 14 juillet 2009 qui a été un tournant avec la disparition d’un salarié à Marseille qui a marqué profondément les esprits dans France-Télécom ». M. Guérin indique que 1751 dossiers ont ainsi été déposés devant le Comité de Réparation. Qu’actuellement, environ 300 dossiers restent à examiner, et que 350 autres dossiers qui ont été rejetés par le Comité, surtout au tout début de sa création, doivent être revus.
Interrogé par Maître Topaloff sur le Rapport Technologia décrié en 1ère instance comme en appel, il précise que même si l’analyse des chiffres dans le rapport lui paraissait un peu trop orientée sur certains points, il n’en précise par moins que le Rapport Technologie était un bon rapport, et que la Direction n’a pas contesté ce rapport et qu’elle en a repris un grand nombre de recommandations pour les mettre en application dans France-Télécom dans les 3 ans qui ont suivi… (Ndlr : pour un « si mauvais rapport » selon les coupables en appel, il n’a non seulement pas été contesté par la Direction, mais il a largement été mis en œuvre par cette même Direction pour sortir au plus vite de la crise…) M. Guérin ajoute en disant : « C’était un très bel outil pour améliorer les choses, je ne peux pas condamner le Rapport Technologia ! ». M. Guérin précise, en revenant sur la création du Commité de Réparation une information importante : « l’idée même du Comité de Réparation est venue de M. Patrick Ackermann qu’il a proposée à M. Stéphane Richard et que nous avons adoptée et appliquée. » Il ajoute en conclusion : « Je n’ai pas nié qu’il y ait eu dommages et souffrances dans l’entreprise. Ce qu’il fallait faire, c’était réparer, réparer, réparer au plus vite ! Et pouvoir tourner la page car il y a eu une situation générale et beaucoup ont souffert d’un manque d’accompagnement auparavant…» (Ndlr : il est logique que si France-Télécom tenait à réparer, c’est qu’il y avait donc eu une grave avarie dans cette entreprise) - À16H10, Madame Brigitte Dumont est à la barre. L’intermède transparence de 10 minutes avec M. Guérin s’achève. Retour au « pas clair, pas net »… Pour commencer, la coupable en 1ère instance déclare qu’elle ne se reconnaît pas dans la description du France Télécom de cette époque… Puis elle va se lancer dans un très long descriptif de son activité, où elle concevait un tas de choses dans son service RH… Elle déballe ses explications nombreuses, et je dois le dire non mémorisables pour moi, sur ses histoires de formations…Puis sur l’Organisation… On apprend que Mme Dumont est co-conceptrice du Programme ACT, mais qu’elle n’est pas chargée de le mettre en application (Ndlr : elle pond un truc, mais s’en lave les mains quant aux conséquences de son bébé…) Sur ce, Mme le Président du Tribunal revient et précise bien : « Les fondations, c’est vous ». Au moins les choses sont claires. Mme Brigitte Dumont est bel et bien la Grande Prêtresse du Programme ACT. Et d’ailleurs nous en aurons une vision éclairante grâce à sa propre avocate, en fin d’intervention… Car si Mme Dumont nie être chargée de la mise en application du Programme ACT qu’elle a conçu, nous apprenons grâce à son avocate qu’elle a toutefois participé à vingt-deux réunions (22) relatives à des réunions d’endoctrinement des managers, en France visant à présenter le Programme ACT ! Ce qui en devient drôle car lorsque l’on écoute sa très longue intervention à la barre dont on puisse résumer sa bouillie pour chats qu’elle nous a servi par : « Je n’étais pas là ; je n’étais pas au courant ; je n’étais plus là ; je n’étais pas chargée du déploiement ; je n’avais pas d’informations ; je n’avais pas de retour sur la situation », en réalité elle a conçu le Programme ACT de A à Z, elle a tapé l’incruste dans au moins 22 réunions de présentation du Programme ACT aux managers pour prendre la parole et délivrer son catéchisme ACT, et elle précise qu’elle n’est pour rien dans tout ce qui est arrivé dans France Télécom par la suite… Interrogée en outre sur les Ecoles Managériales France (EMF), elle se défausse immédiatement sur M. Olivier Barberot, le bon Bougre de service, en déclarant qu’elles avaient été créées par lui en 2006/2007. Puis va s’ensuivre une discussion avec Maître Topaloff qui va ferrailler longuement pour tenter d’obtenir la vérité… Là, à propos des paroles désobligeantes qui se tenaient pendant les réunions tenues à l’EMF (où elle venait régulièrement) elle dit n’avoir été informée de cela qu’en Novembre 2013 par l’enquête de Police, et du coup, devant la Cour, en ce jour, elle s’insurge devant les propos tenus !!! (Ndlr : on l’a crue…). Maître Topaloff suggère très astucieusement sous forme de question que le ver ait pu être introduit dans le fruit dès la conception du Programme ACT… En effet, il y avait les 22.000 emplois à supprimer sur 3 ans qui avaient été annoncés dans les médias, comme elle le précise… Sur ce, Mme Dumont tente de répondre mais rien n’est clair. D’ailleurs Mme le Président du Tribunal fait observer à la Cour que : « les réponses de Mme Dumont ne sont pas concrètes ». (Ndlr : oui, et même contradictoires, enjolivées, fumeuses…) Lorsqu’elle est interrogée sur les remontées faites par un certain M. Grazzini qui était responsable d’une ou des EMF, qui avertissait Mme Dumont qu’il y a une perte brutale de repères chez tous les managers en France, celle-ci devient évasive et ne souvient plus trop de ce signalement, de cette alerte plutôt embarrassante…
Sont cités les noms de plusieurs cabinets conseils (pas celui de McKinsey, mais d’autres noms, d’autres trucs, d’autres machins tout aussi toxiques, à la sauce USA – CIA qui corrompent la France depuis une quarantaine d’années et qui ont œuvré leurs théories malignes dans France Télécom, comme la Courbe du Deuil, la Vallée du Changement). Elle n’est jamais au courant de l’existence de ces cabinets qui ont pourtant envahi France-Télécom à cette époque, ni de la Courbe du Deuil, ni de la Vallée du Changement… On a vraiment l’impression que Mme Dumont était une sorte de touriste perdue dans une grande gare et qu’elle ne savait jamais rien sur ce qu’il se passait dans un France Télécom ouvert aux quatre vents…
Après les questions de l’avocate de la CFDT où Mme Dumont charge à nouveau M. Olivier Barberot, créateur des EMF, c’est ensuite que nous aurons la révélation par son avocate que pour quelqu’une qui ne savait rien sur rien, elle participa tout de même en tant que Grande Prêtresse chargée de veiller à l’application du DOGME à 22 réunions dans les EMF pour y réciter son catéchisme managérial du Programme ACT… Enfin, après s’être longuement fait cuisiner, où, pour se faire passer pour une dame gentille, elle dit avoir pris la défense des fonctionnaires car elle ne comprenait pas pourquoi au cours de certaines réunions (lesquelles : celles de l’EMF ? d’autres encore ?) l’on crachait sur les Fonctionnaires… Bref… Nous apprendrons qu’elle n’est pas fonctionnaire, mais contractuelle, qui, par rapport à son âge est assez rare… Mais au moins, Mme Dumont n’étant pas fonctionnaire de l’État, ma première pensée fut de me dire : « Ouf ! Elle n’est pas fonctionnaire, au moins elle n’aura pas pu déshonorer le corps des Fonctionnaires de France-Télécom ! ». Voilà qui clora sa longue intervention fumeuse qui, à mon avis, aura convaincu fort peu de monde dans le Tribunal… - À 18H45, M. Didier Lombard revient à la barre pour quelques minutes nous parler des fameux cabinets conseils que Mme Dumont ne connaît pas. Les réponses de M. Lombard ont un côté surprenant. Déjà il se désolidarise devant la cour des propos guerriers que ces cabinets tenaient dans leurs séminaires de lavage de cerveau, dont on a retrouvé traces dans les documents saisis par la Police lors des perquisitions… (Ndlr : mais l’on notera qu’il n’a pas dénoncé ces propos à l’époque des faits, lorsqu’il était PDG de France Télécom…). Pour tenter de se dédouaner, il revient sur l’arrivée de Monsieur Thierry Breton qui a dû, comme il le dit : « alors que le bateau coulait » concevoir le Programme TOP, M. Lombard précise qu’à la suite de son arrivée il a voulu compléter le Plan NExT par un volet social (Ndlr : sic !) dénommé Programme ACT, et qu’à ce moment comme il le déclarera en substance : « Nous avons eu tellement besoin de cabinets conseils vu l’importance du Programme ACT à déployer que nous avons raclé le fond et engagé un peu n’importe qui, et certains ont fait un peu n’importe quoi… »
- En conclusion de cette journée du 25 mai, je constate que le procès en appel permet d’aller encore plus au fond, et de découvrir des événements insoupçonnés jusques alors. Je dirais que les contradictions entre les coupables se font de plus en plus évidentes. Ils se contredisent eux-mêmes également… Ils chargent allégrement M. Olivier Barberot qui a bon dos… Que M. Cherouvrier et Mme Boulanger auraient pu alléger leur âme en disant enfin toute la vérité et rien que la vérité, ils n’en étaient pas loin cette fois-ci… Que Mme Dumont était la Grande Prêtresse du Programme ACT… Qu’ils ont fait au mieux, et qu’il ne s’est presque rien passé… Tout va bien. Chacun se fera sa propre opinion.
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- 1er juin 2022. Cette journée est placée sous l’étude de la déflation des effectifs, et notamment des fameux -22.000 agents à éjecter par moult moyens… Les propos exprimés par les prévenus sont, pour leur majeure partie, pas très intéressants en ce sens qu’ils tournent en rond suivant les mêmes arguments exprimés les jours précédents… Ils sont innocents, ils ne savaient pas, ils n’étaient pas là, ils n’étaient plus là, ils ne se souviennent plus… Aussi, je n’ai noté que les déclarations remarquables qui diffèrent de leur langue de bois habituelle.
- À9H15, M. Guy-Patrick Cherouvrier est questionné à propos de 2 réunions du COPIL. Je dois avouer qu’il s’est très vite englué dans la langue de bois, je n’en ai rien retenu de neuf.
- À9H20, M. Didier Lombard est questionné à propos de la formation à France-Télécom et nous déclare : «Je voulais faire exploser les compteurs de la Formation». Interrogé sur les formations visiblement inadaptées, avec le vocabulaire guerrier, violent qui y était dispensé, il répète devant la Cour qu’il pense que le vocabulaire n’était pas adapté… À un moment donné, il est questionné par Maître Topaloff, des Parties Civiles, sur ses propos bizarres à l’ACSED en Novembre 2006 et il s’énerve tout seul et lui répond : «Je n’ai rien dit du tout, vous faites un méli-mélo comme vous le faites tout le temps»… Quant au contenu des Formations, il précise qu’il ne s’en occupait pas, lui il décidait juste des budgets, et que pour le contenu, il fallait voir avec la DRH Groupe (Monsieur Barberot).
- À 9H35, M. Louis-Pierre Wenes est questionné. Il déclare «La Courbe du Deuil, j’en ai entendu pour la première fois en entreprise dans les années 1980, c’était dispensé dans toutes les formations au changement.»
- À9H40, M. Guy-Patrick Cherouvrier est questionné au sujet des propos tenus dans certaines réunions RH. Il répond que ces propos étaient inappropriés. Et se livre à une grande déclaration sur le respect des gens… Sur le Rapport de Synthèse « Réussir ACT », il affirme ne pas s’en souvenir, ce qui a fait rire sur le banc des Parties Civiles… Mme la Présidente du Tribunal qui ne s’en laisse pas compter décrit M. Cherourvier comme étant la force vive du COPIL. Voici qui remet le responsable devant ses responsabilités nonobstant sa perte de mémoire passagère…
- À 10H15, Mme Brigitte Dumont est questionnée directement sur ce rapport visiblement très embarrassant « Réussir ACT » rédigé en termes guerriers. Elle aussi, tout comme M. Cherouvrier avant elle, ne se souvient pas dudit rapport encombrant. La Cour exprime alors son grand étonnement, notamment en raison de la présence de Mme Dumont dans tout un tas de réunions… (Ndlr : étant la Grand Prêtresse d’ACT, en effet, elle affirme souvent ne rien savoir… Elle joue à la touriste de service… Qui peut la croire ?)
- À 10H25, M. Didier Lombard revient à la barre. Il déclare à un moment donné : «Les problèmes des personnels n’étaient pas au centre de notre discours. Il fallait faire des économies». Interrogé sur ses pros tenus à l’ACSED le 20 octobre 2006, M. Lombard déclare que finalement les propos qu’il a prononcés n’étaient pas aussi dur que cela. Puis, il commence à déclarer qu’il n’est plus sûr d’avoir déclarer qu’il ferait les départs par la fenêtre et par la porte… (Ndlr : Dans les Parties Civiles, des cadres s’en souviennent, et ce fait a pourtant été établi). Il dit que cela fait 14 ans, que cela fait long… Et qu’en plus comme la bande magnétique a été détruite, il n’y a plus de preuve, et il se met à rigoler… Il essaye de minimiser ses propos… C’est quand même assez choquant, cette mémoire si sélective… Ce qui est très intéressant c’est lorsqu’il évoque les moins 22.000 agents. Sa réponse, je ne l’attendais pas sous cette forme d’aveu indirect. Il déclare : « Dans la situation de l’entreprise, il fallait faire une annonce de départs de salariés, pour sécuriser la dette auprès des financiers, en leur donnant confiance ». Donc en réalité, ce que fait M. Lombard c’est qu’il reconnaît implicitement que l’annonce des 22.000 départs en 3 ans c’est une annonce de licenciement boursiers. Ni plus, ni moins.
- À 10H50, Mme Nathalie Boulanger est à la barre. Interrogée sur la réunion de l’ACSED du 20 octobre 2006, celle-ci déclare que par rapport à certains propos qui y ont été tenus, elle était très mal à l’aise. Elle raconte comment elle s’est retrouvée prise au dépourvu en devant monter sur scène et prendre la parole en raison du départ précipité (on ne saura pas pourquoi) de M. Wenes. Elle exprimera son malaise en fin de réunion à M. Olivier Barberot, car MM. Lombard et Wenes étaient déjà partis auparavant. Sur l’objectif des 22.000 départs elle déclare que c’était un objectif mais que cet objectif n’était pas précis… Elle précise qu’elle ajustait l’objectif pour chaque DT lorsque une DT ne parvenaient pas à faire le nombre de départs… (Ndlr : vu que son supérieur était M. Wenes, avait-elle vraiment cette marge de manœuvre ? En toute honnêteté, on peut en douter… D’ailleurs, la manière dont elle a été éjectée de son poste par M. Wenes (l’on verra cela plus tard) laisse songeur…)
- À 11H25, M. Guy-Patrick Cherouvrier est à la barre. Noyé dans la langue de bois, l’on apprendra qu’il a été Directeur de CCL à Angers (Centre de Construction des Lignes), ce qui me surprend, car tout de même, avoir été un Directeur de CCL pour monter le réseau téléphonique à la grande époque, et se retrouver un jour comme un simple DRH, même de Orange France, à titre personnel, je pense que c’est du gâchis… Je trouve cela triste. Je comprends que l’on puisse changer de métier dans sa vie, mais du CCL se retrouver DRH… Je n’ai pas de mots… Sur les 22.000 départs, il est formel. Il déclare à plusieurs reprises que cette annonce dans les médias en 2006 lui a saboté tout son travail de négociation avec les syndicats, et c’est ainsi que la GPEC a foiré, et qu’une Décision Unilatérale a été appliquée… On peut penser que cela soit vrai. Quand on lui rappelle que les syndicats le prévenaient qu’il serait impossible de poursuivre les départs à ce rythme ne serait plus possible sans le CFC, il répond en forme de pirouette que : « pour moi, ce n’était pas clair ».
- À 14H10 Mme Nathalie Boulanger est interrogée. Elle déclara avoir parlé avec M. Barberot qui lui aurait dit qu’il avait été un peu trop loin pendant la réunion. Lorsque la Cour lui a demande pourquoi elle n’a pas démissionné, celle-ci déclare qu’elle n’y avait pas pensé car à cette époque, en octobre un de ses trois enfants a été hospitalisé un mois, et que la situation avait été très dure. Quant à son départ, elle raconte assez sobrement que son supérieur, M. Wenes, l’avait convoquée en Septembre 2007 et lui aurait dit de but en blanc (sans en savoir plus, hélas) qu’elle devait partir… Et qu’en plus, M. Wenes lui proposa la Pologne ! Ce qui était impossible pour elle par rapport à sa vie de famille… Et elle ajoute : «Ce n’était pas une promo !». (Ndlr : On ne sait pas ce qu’il s’est passé pour que cela finisse ainsi, mais ce que l’on peut voir, c’est que même à un niveau élevé, cela avait l’air d’être un sacré panier à crabes !)
- À 14H30 M. Didier Lombard est interrogé. Il déclare en substance qu’il n’a jamais voulu être blessant à cette époque là, mais qu’l voulait juste sauver la boîte de la faillite. Sur le CFC, il déclare qu’il a essayé de faire prolonger le CFC par le gouvernement mais qu’il a été éconduit en 14 minutes et a essuyé un refus du ministre. Il ajoute que M. Barberot n’avait pas les moyens de prolonger le CFC car il ne contrôlait pas les crédits mais que c’était lui… Mais en raison du refus du gouvernement…
- À 15H20 M. Sébastien Crozier, Président de la CFE-CGC, vient témoigner à la barre dans un réquisitoire à charge contre Didier Lombard et son équipe.Il s’est livré à un rappel de l’historique de la situation financière, la manière dont nous sommes retrouvés surendettés, par des achats de chats crevés pour 30 milliards d’euros. Il rappelle que l’exploitation de France Télécom n’a jamais été déficitaire. Ce sont les mauvais achats qui ont plombé le bilan de France-Télécom, au choix des dirigeants de l’époque (Michel Bon et son équipe d’incompétents notoires). Il explique la démarche de Didier Lombard visant à obtenir l’accord gouvernemental pour reconduire le CFC comme un accord inopposable mais que comme l’État ne l’a pas voulu pour de raisons dogmatiques de relèvement de l’^ge de départ à la retraite, l’opération n’a pas réussi. Il revient sur la formation de l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées entre CGC et SUD, une construction atypique. Il rappelle alors qu’Olivier Barberot, dès qu’il a connu l’existence du site internet de cet observatoire, il l’a fait bloquer l’accès en interne et a payé des hackers pour tenter de saboter le sondage publié sur le site internet ! L’on apprend aussi que dans France-Télécom, il existe alors en fait non pas une, mais deux revues de presse quotidienne : la vraie revue à laquelle seuls les dirigeants ont accès et la seconde, une revue de presse truquée et édulcorée qui voit la vie en rose… Ensuite, il va y avoir un long passage très lourd au cours duquel M. Crozier revient sur les suicides. Il va a avoir beaucoup de mal à reparler du suicide de Stéphanie survenu au Centre Téléphonique Carnot, à Paris car il a été témoin de l’agonie de cette femme qui a mis 1H30 pour mourir, dont les pompiers savaient qu’elle n’était pas sauvable. Il en a été marqué à vie et il en subit certaines séquelles encore aujourd’hui. Il rappelle en outre la disparition en 2020 de Pierre Morville, qui témoin aussi de ce drame et de cette agonie, traumatisé, à replonger brutalement dans un alcoolisme ancien et a précipité sa mort quelques années plus tard. La seule réaction de M. Barberot, le DRH Groupe, le jour du drame, aura été de déclarer que la CGC faisait de la récupération autour de ce suicide…Il évoquera, en outre le suicide de Michel Deparis, à Marseille, où France-Télécom tentera en outre de discréditer les syndicats en affirmant sur le motif de la calomnie que la lettre de suicide de Michel était une fausse lettre rédigée par des syndicalistes… Il évoque le cas d’une collègue qu’il est allé sauver chez elle en pleine nuit, sur le rebord d’une fenêtre, prête à faire le grand saut dans le vide, et toute la complexité d’être syndicaliste à cette époque… M. Crozier demande à la Cour de confirmer les sanctions de la 1ère instance, car même si cela ne ramènera pas les morts, il faut bien donner un signal fort. Il remercie Patrick Ackermann longuement, ainsi que les avocats des Parties Civiles qui les ont beaucoup supportés pendant toutes ces années d’épreuves. Sur sa carrière personnelle, il raconte que l’on lui a demandé un jour de réduire de 20% ses effectifs, de but en blanc, sans aucune négociation… Et sur ce, il a préféré se placer à plein temps dans le syndicalisme, car il avait cette possibilité. Sur le Time To Move, il rappelle que c’était une réalité à France-Télécom. Pour réduire les effectifs, il rappelle comment cela se passait : c’était annoncé dans un CODIR pour commencer, puis on le signifiait aux managers sous forme d’objectif à réaliser. Ensuite, nous avons eu droit à des questions totalement hors sujet de la part de Maître Jean Veil qui a essayé de taper la discut’ avec M. Crozier… On ne sait pas trop pourquoi… Maître Veil l’a interrogé sur les dividendes, le prix de l’action, les bénéfices… C’était bizarre comme dialogue… Enfin il y a eu des questions de la part d’avocats des coupables sur la date de formation de l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées. M Crozier soutient que cela s’est fait en plusieurs dates :à partir de 2006 ont lieu les premières discussions, puis les premières réunions de constitution, jusqu’à l’annonce publique officielle le 20 juin 2007. Ce point est très important pour les coupables, car comme ils nient avoir été au courant que l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées existait déjà lorsqu’ils ont créé les fameuses cellules d’écoute, il préféreraient que l’Observatoire ait été créé le plus tard possible pour ne pas entrer en contradiction avec leur théorie…
- À 17H10 M. Jacques Moulin est à la barre. Sur la réunion de l’ACSED le 20 octobre 2006, il déclare qu »il est arrivé en retard et qu’il n’a pas entendu les propos polémiques. Il se présente ensuite comme n’étant pas le directeur zélé que l’on dépeint. Il affirme qu’il était dans la moyenne, car il avait une DT pas très attractive (l’Est de la France) et que beaucoup de gens préféraient partir dans le sud… Il ajoute : «Je ne suis pas venu à France-Télécom pour faire de l’argent.». Enfin, il dément que l’expression LOW PERFORMER oit de lui. Il affirme à la barre que c’est M. Barberot qui l’a qualifié ainsi, mais qu’en réalité , c’est une expression venue d’une DR du Sud-Est de la France.
- À 17H40 M. Louis-Pierre Wenes est à la barre. Il déclare que M. Crozier ment, qu’il n’y a pas eu d’augmentation de l’externalisation des plateaux téléphoniques à cette époque. Sur le Time To Move, il déclare en avoir entendu parler à son arrivée à .France-Télécom en 2003, et qu’il était contre-ça. (Ndlr : Pourquoi l’a-t-il donc appliqué à Mme Boulanger ? Mystère.) Il s’insurge congre M. Jean-Claude Delgennes qui le décrit comme un cost-killer et comme un épurateur, et l’accuse d’avoir fait son beurre sur ces histoires de harcèlement. Par contre, M. Wenes est moins à l’aise quand Mme la Présidente du Tribunal lui rappelle que le Directeur Financier, Gervais Pélissier déclara que le suivi des objectifs était très précis voire tatillon s’il était tenu. Quant à la gêne de Mme Boulanger lors de la réunion de l’ACSED le 20 octobre 2006, il répond brièvement qu’il ne sait pas pourquoi elle ne lui en a pas parlé (Ndlr : décidément, cette histoire est aussi bizarre que le départ voulu de Mme Boulanger par M. Wenes lui-même…)
- À 18H15, Mme Brigitte Dumont revient à la barre. Où elle se livrera à un grand numéro interminable de langue de bois en tant que Grande Prêtresse d’ACT, à propos de ses Espaces Dégagement (ED l’épicier comme on les surnommait aussi). Elle sera obligée d’expliquer que ce sera en tant que DRH à un instant donné qu’elle signera la fameuse décision mettant fin aux primes objectivées sur les départs de l’entreprise. L’explication qu’elle donne ne me convainc pas, car elle affirme que ce serait M. Barberot qui lui aurait demandé de signer cette note. Il y a plusieurs années, quelqu’un m’avait dit qu’en fait, c’était un coup de M. Stéphane Richard, qui ayant récupéré France-Télécom dans le caniveau et avait en quelque sorte « réutilisé » et « cramé » pendant quelques mois les responsables de la crise sociale pour leur faire défaire, par eux-mêmes, les mésactions qu’ils avaient commises et fait commettre. Je dois avouer que je crois plus en cette explication que j’ai sue en 2009/2010, plutôt que tout ce que j’ai pu entendre de fumeux en ce 1er juin…
- À 18H45, M. Jaques Moulin revient à la barre pour être questionné. Il reconnaîtra implicitement qu’il n’était pas un Grand Directeur, qu’il était plutôt moyen… Et alors il se livrera à une défense extraordinaire de son dispositif créé en local, dans sa DT : Intérim Développement, en affirmant qu’il s’agissait de vrais emplois, de vraies missions, et pas de voies de garage. Là, il y aura mis toute son éloquence, et puis, à l’écouter, il faisait dans le social etc… N’ayant pas les moyens de vérifier ses dires, laissons à la cour le soin de tout examiner.
- Ainsi se termine cette journée du 1er juin 2022.
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- 2 juin 2022. La matinée est consacrée aux questions posées aux prévenus. Alors autant avertir le lecteur tout de suite, on tourne en rond. Aussi, ne figureront que les infirmations qui nous ont semblé échapper aux banalités habituelles.
- À 9H25, Mme Brigitte Dumont est à la barre. ET on peut dire que la situation nous amusée. En effet, lorsque l’on lui demande si le fait de donner des objectifs rémunérés indexés sur les réductions d’effectifs était bien légal, La Grande Prêtresse de ACT ne sait jamais répondre directement à une question si simple. Même les Juges n’en peuvent plus de cette langue de bois et de tout ce baratin incompréhensible. Au bout de 15 ou 20 minutes elle finit par déclarer qu’elle pensait que c’était légal, car la Direction Juridique ne lui a pas dit que c’était illégal. Interrogée sur la note abolissant les primes objectivées sur les départs d’effectifs, Mme Dumont essaye de se défausser en déclarant encore une fois qu’elle avait signé cette note à la demande expresse de M. Barberot, parce qu’il lui avait demandé. Sur ce, cela n’impressionnera pas beaucoup la Cour qui lui objectera que personne ne lui tenait le stylo pour signer cette note, et que c’est bien elle qui l’a signée… (Ndlr : C’est toi qui a signé, tant pis pour toi…). Enfin, interrogée sur le dispositif Planet-Emploi (Ndlr : pas-net emploi pour les intimes), elle est incapable de répondre à quoi que ce soit car elle affirme qu’elle ne s’occupait pas de ce dispositif, mais que c’était un certain Christophe Boiron qui en avait la charge, et qu’elle ne sait pas pourquoi certaines annonces de proposition d’emplois n’apparaissaient jamais dans Planet-Emploi… (Ndlr : c’était une vitrine, ce machin, nous l’avions su que les bonnes places, les vrais postes, ne passaient jamais par le pas-net emploi, et que sur pas-net emploi, il n’y avait que les restes dont personne ne voulait…)
- À 9H55, M. Louis-Pierre Wenes est à la barre. Ses propos sont très éthérés, très évasifs… Sur les 6.000 recrutements du Plan NExT, il précise qu’il est contraint de passé par un comité de validation, qui dit oui ou non et qu’il doit s’y plier. Interrogé sur les réductions d’effectifs, il répond que Opérations France est dans les clous et que donc tout va bien. Il ajoute une phrase qui a fait rire tout le monde : « La Transformation du Groupe n’a rien à voir avec les réductions d’effectifs.» M. Wenes étant complètement cerné, va même jusqu’à déclarer qu’il prétend avoir fait appel aux élus du personnel et des IRP pour l’aider… (Ndlr : c’est le désespoir qui lui fait dire un peu n’importe quoi…) À un moment donné, il est interrogé par Maître Topaloff sur un point extrêmement troublant. En Mars 2012, à 6H00 du matin son domicile est perquisitionné par les forces de l’ordre. Et lors de cette perquisition, il est découvert une photocopie papier de la plainte déposée peu de jours avant dans son domicile, alors que même le déposant de la plainte ne possède pas de copie de cette plainte…. La plainte ne sera communiquée aux différentes parties qu’en Juillet 2012… Or Monsieur Wenes en possède une photocopie dès Mars 2012. Comment expliquer cela ? Et M. Wenes de répondre : «Je ne sais pas du tout, je ne sais pas comment cela s’est retrouvé chez moi» (Ndlr : Y-a-t-il eu fuite du commissariat ? fuite du Tribunal, du Greffe ? Piratage des systèmes informatiques des tribunaux par une bande de barbouzes… Barbouzes de FT ou d’un 2ème bureau ? Nous n’en saurons pas plus. Mais le simple fait que ce point ait été soulevé et cette révélation faite indique que constitutivement, on est dans le malsain dans cette affaire…) Puis M. Wenes est interrogé sur les road-shows. Il rappellera que c’est au cours de ces road-shows avec des investisseurs que le chiffre de réduction des effectifs de 22.000 sera lâché, et que lorsqu’on annonce un chiffre conne ça, ensuite il faut le réaliser. (Ndlr : donc cela en revient à reconnaître que c’est bel et bien un objectif de déflation d’effectifs qui doit être tenu…) Ensuite, lorsqu’il déclare qu’il vaut donner plus d’autonomie sur le terrain, il se fait reprendre de volée par Maître Topaloff sur les fameux scripts imposés sur le terrain au mot près, qui retire toute autonomie aux agents… (Ndlr : il est comme cela M. Wenes, il refait la réalité dans le monde merveilleux de Mickey, mais sur le terrain, c’est l’inverse qui se passe…) Il en sera de même sur les PIC et les affichages de performances individuelles comparées, dont M. Wenes indique que la région pilote était la DT Est. Pour lui, c’est pour faire de l’émulation, pas pour brimer les agents. Mais dans le réel le but était de semer la zizanie dans les équipes, repérer les LOW PERFORMERS, les déstabiliser pour ensuite les éjecter des services, ce qu’il reconnaîtra de fait, avec ses mots à lui…Il y a toujours comme un Miroir Magique où la pratique est l’opposé de la théorie évoquée dans le Tribunal…
- À 11H35, M. Moulin est à la barre. Il s’inscrit en faux et minimise systématiquement son rôle. Il conteste avoir été le DT Pilote des PIC… Il explique que c’étaient les Directeurs Métiers qui avaient tous les pouvoirs sur la PIC. (Ndlr : On se demande, à l’en écouter à quoi il servait, en temps que DT Est…) Puis, il part dans un baratin fumeux sur la PIC et curieusement il déclare que la PIC était surtout dans les agences, le commercial… Mais que ce n’était pas partout ! (Ndlr : M. Moulin ment comme il respire. La PIC était instituée, calculée, affichée partout dans tous les services qu’ils soient commerciaux, techniques, logistiques, RH, PARTOUT ! Ce poison était imposé partout par ces gens-là ! Que l’on arrête de nous bobarder comme cela parce que cela commence à bien faire !)
- À 14H02, sont visionnés des petits films burlesques produits par les Prévenus, sur la réussite de quelques essaimages et départs de l’entreprise pour la fonction publique ou autre chose…
- À 14H20 Mme Dumont revient à la barre quelques minutes commenter les films burlesques. Je n’ai rien noté de ses salades car il s’agissait de redite.
- À 14H27, M. Yves Mainguy est à la barre. Il est une des victimes reconnue de cette époque. M. Mainguy est cet agent entré aux PTT en 1973, qui est très vite devenu un développeur informaticien, qui a travaillé sur les débuts du Minitel, qui a créé une application spéciale pour M. le Premier Ministre Laurent Fabius, qui a reçu plusieurs prix et récompenses pour services rendus aux PTT, à France-Télécom et au pays, puis, après avoir été bien utilisé pour concevoir des programmes informatiques pour la cellule FAST dont un demandé par M. Didier Lombard lui-même, M. Mainguy a ensuite été cassé, brisé, broyé, détruit méthodiquement par France-Télécom… Il a été déclassé sans raisons, déplacé à droite à gauche, laissé isolé dans un bureau seul, après lui avoir retiré son équipe de 23 agents, éjecté sur un plateau, transformé en garde-chiourme chargé de fliquer des agents… Bref. Tout cela pour faire un Moins Un, pour tenir l’objectif du Moins 22.000 agents… Comme tous les témoignages des victimes, c’est difficile à écouter, car on se dit « mais c’est du délire, si l’on en faisait un film, on dirait que cela n’est pas possible, que le scénario serait bâclé… » Et pourtant non, tout est vrai… Il a fini par se retrouver au SNE, un plateau surnommé le Mouroir des Cadres… Il fallait être présent à l’audience pour voir ce que le système a fait de cet homme. C’est lamentable… D’ailleurs l’on a ressenti la gêne qu’il y avait sur les bancs des coupables… M. Mainguy explique qu’il a été sauvé par les psychiatres, même si c’est compliqué, qu’il a beaucoup de séquelles, qu’il ne peut plus aller au fond des choses et mener les choses au bout… Il expliquera qu’il ira jusqu’en justice, 6 ans de procédure, car France-Télécom ne voulait pas reconnaître l’imputabilité de sa maladie due au service… Bref, un exemple parmi d’autres du résultat de ce plan social dissimulé déployé à France-Télécom pendant les années de plomb.
- À 15H55, M. Wenes est à la barre. Il déclare d’entrée : « À M. Mainguy, je voudrais lui présenter mes excuses à titre personnel. Je pense qu’il ne méritait pas cela. »… Mais le répit ne dure qu’un instant… Il ajoute : « Je maintiens que ce qui est arrivé n’est pas une conséquence de NExT et RAF. On s’en rend compte de par la grande variété des cas.» (Ndlr : il considère que ce qui est arrivé à M. Mainguy est bien malheureux mais il n’admet pas que cela puisse être entraîné par le système que l’État-major a instauré…) Il ajoute : « Je n’accepte pas que l’on parle des gens comme d’une case excel dans un tableau ». Il ajoute : « Ce n’est pas l’organisation qui est cause. Les problèmes sont dus à des personnes qui, à un moment donné, prennent de mauvaises décisions, et je pense que c’est pour ça que l’on arrive à des gâchis». (Ndlr : il défend pied à pied son organisation en chargeant les exécutants de tous les maux… C’est sa défense…) Il précise, au cours des débats, qu’il ne se sent pas comme un Capitaine ou un Général, mais qu’il se voit comme un skipper sur un bateau. Dans un échange, il déclare : « Je ne suis pas dans le déni » (Ndlr :… Que dire…) et ajoute : « J’ai conscience que les changements étaient d’une telle ampleur que cela allait créer de l’inconfort voire des situations extrêmes ». Et de conclure par : « Aucune alerte ne m’est parvenue en 3 ans » (Ndlr : tout ce qu’il dit se contredit d’une phrase à l’autre. En effet, il n’est point de pire aveugle que celui qui ne veut rien voir… Du coup je me dis et me redis donc qu’il fallait vraiment les sortir d’urgence de France-Télécom pour faire cesser ce délire cosmique…)
- À 17H00, M. Jean-Pierre Nouaud est à la barre. Il est un ancien Directeur Régional Martinique et Guyane, qui a eu le malheur de tomber entre les fourches caudines de M. Barberot et qui a été poussé à signer un CFC malgré une carrière incomplète, menacé de poursuites disciplinaires s’il ne signait pas dans les 48 heures son protocole de départ. (Ndlr : à mon avis, il a subi un gros coup d’esbroufe de la part de l’équipe des truands RH, et il s’est laissé impressionner et il a cédé en signant. Je le dis car l’on a essayé jadis, à mon petit niveau de me faire signer plusieurs fois par intimidation des documents qui m’auraient compromis, sous la menace, sous le chantage, et en invoquant de soi-disant lois ou décrets qui n’existaient pas. Tout le monde n’est pas aussi solide que moi au niveau mental, et la plupart des gens oublient que les gens que tu peux avoir en face de toi vont aux toilettes comme tout le monde et ne valent pas plus que toi…) En nous racontant les misères qu’il a subies, il nous confirme, en tant qu’ancien Directeur Régional que les primes étaient fortement indexées sur les départs de personnels, par n’importe quel moyen, qu’il fallait déflater les effectifs par n’importe quel moyen, quitte à harceler les personnels éligibles au CFC. Il précise qu’à son avis (Ndlr : qui est aussi le nôtre), Messieurs Lombard et Wenes ont usurpé leur pouvoir, que France-Télécom ne leur appartenait pas, et qu’ils ont utilisé des méthodes de voyous. Il précise que M. Wenes, à cette époque, était dans une fureur permanente et que tous les cadres avaient peur de lui. Il explique que les pires méthodes étaient utilisées pour déplacer ou virer des personnels, supprimer leurs postes, et que les Directeurs étaient tenus par des Contrats de Performance et d’Objectifs de déflation des effectifs. Enfin, il explique que les organigrammes étaient faux, car en fait tous les mauvais coups étaient pilotés et dirigés directement par Paris.
- À 18H30, M. Jacques Moulin vient à la barre qui conclura cette journée par son baratin habituel qui ne valait pas le coup de prises de notes.
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- 3 juin 2022. Une journée très pénible où se tiennent l’audition de familles de deux suicidés.
- À 9H15, Juliette Louvradoux est à la barre pour nous parler de son père Rémi Louvradoux, disparu dans des circonstances dramatiques, qui s’est tué par le feu… Elle raconte leur descente aux enfers, car toute la famille a plongé… Ce jour-là, les lunettes noires étaient vraiment une nécessité. Ce qui est arrivé à ce pauvre Rémi Louvradoux en devient même une caricature. Ils lui auront vraiment tout fait… Tout est dans le dossier de l’instruction. Elle raconte aussi ses derniers souvenirs avec son père, qui comme il le disait, a été mis à la poubelle ; elle décrit les séquelles traumatique dont elle est victime… Elle rappelle que personne de France -Télécom à l’époque n’est venu souhaiter les condoléances à la famille… Elle rappelle que les prévenus sont responsables de ce qui est arrivé et qu’il doivent assumer les conséquences de ce qu’ils ont fait, même si cela ne réparera les cendres de son père… Elle reparle de son père et dit que son immolation fut un cri de douleur pour lui et pour tous les autres.
- À 9H50 : Mathieu Louvradoux est à la barre pour nous parler de son père Rémi. La Mort de Rémi a été un de ces suicides emblématiques qui ont profondément marqué les esprits dans tout France-Télécom. Il convient de le rappeler. Il rappelle qu’il avait 11 ans quand le drame est arrivé et que cela fait 11 ans que c’est arrivé… Il explique les misères subies par son père, explique les conséquences sur sa santé et celle des siens, il raconte, comme pour sa sœur, ses études contrariées par le drame. Il raconte qu’il s’est reconverti dans des métiers où il peut aider, porter secours, « réparer »... On sent bien qu’il a été marqué par le drame. Devant un tel déballage de malheurs qui sont tombés sur son père et sur eux, on en reste pétrifié d’effroi… Il demande que le jugement de première instance soit confirmé et qu’il ait valeur d’exemple. D’ailleurs, le Présidente du Tribunal a été très impressionnée par les déclarations de Mathieu et l’a félicité plusieurs fois pour la force et la rédaction de son témoignage, digne, comme elle le dit, de la meilleure plaidoirie d’avocat. Mme la Présidente du Tribunal déclarera : « On a envie de vous donner une robe d’avocat quand on vous entend ! » (Ndlr : et c’est tellement vrai ! Il y a des jours où l’on regrette que les procès ne soient pas enregistrés.) À l’issue des déclarations de Mathieu Louvradoux, son avocate Maître Boulet précisera qu’elle n’y est pour rien dans la rédaction des déclarations des deux enfants de Rémi, ce qui n’en donnera que plus de force. L’avocate précisera certains faits et certaines preuves qui étayent que tout avait été vraiment fait pour broyer cet homme, pour le pousser au départ en lui lessivant le cerveau. Et il est parti, avec de l’essence et un briquet…
- À 10H20, M. Jean Perrin est à la barre, pour évoquer la mémoire de son frère Robert Perrin, entré à France-Télécom en 1976, et tous deux travaillaient à France-Télécom. M. Jean Perrin est cet alsacien jovial, heureux de vivre qui est resté traumatisé par la mort de son frère, à cause de tout ce qu’il a subi, et aussi de ce que lui a aussi subi. Il explique qu’à partir de 2006, des changements bizarres se sont produits. Ils se retrouvaient convoqués tous les 2 jours en réunion, où on leur bourrait le crâne pour démissionner, pour partir dans la fonction publique, pour un PPA ou n’importe quoi d’autre, mais l’essentiel était de partir de France-Télécom… Ils se retrouvaient régulièrement dénigrés, se faisaient traiter de vieux, qu’il fallait partir… Les managers semaient la zizanie dans les équipes pour tout déstabiliser, pour provoquer des départs. « Ils devaient faire du moins », précise-t-il clairement. Il explique que son frère s’est retrouvé déstabilisé et a commencé à tomber malade, puis est revenu, et est retombé malade, puis à la fin il s’est suicidé avec un fusil. M. Jean Perrin exprime sa colère en pensant que lui a perdu son frère tandis que les coupables, eux, sont vivants, que dans leur famille, ils sont vivants, eux ! Il rappelle les responsabilités des dirigeants qui ont envoyé se former 4000 managers pour harceler et virer des gens ! Il rappelle ce qu’avait dit Didier Lombard sur la souffrance des salariés, qu’il compatissait. Il hurle de douleur : « Mais il se fout de qui ! Ils n’ont jamais reconnu quoi que ce soit !». (Ndlr : oui, ce qui est arrivé n’est jamais de leur faute… Ils ont tout organisé pour éjecter des gens par des détours artificieux mais ils ne reconnaissent jamais l’avoir fait… Et la suite va nous donner le loisir de le vérifier…)
- À 10H45, les auditions des deux familles de suicidés sont terminées. Une ambiance de mort règne dans le Tribunal. C’est très lourd. Je suis planqué derrière mes deux paires de lunettes noires… Nous sommes tous sonnés… Après un long silence, Mme la Présidente du Tribunal demande qui veut prendre la parole. Je pensais sincèrement que personne n’oserait la prendre après ces trois témoignages accablants. Les avocats ne prennent pas la parole. C’est logique. Quant aux prévenus, je pensais qu’ils n’oseraient pas non plus. Mais Jacques Moulin souhaite réagir… Pfffff… Je me demande ce que Monsieur Moulin va encore oser nous sortir comme conneries…
- À 10H46, M. Jacques Moulin prend la parole. Il revient sur le suicide ce M. Perrin. En fait il essaye comme toujours de se donner le beau rôle, qu’il a fait dans le social, et que même s’il n’était plus DT-Est au moment des faits, il avait demandé à ce que le Directeur d’Unité – Guy Salziger, présente ses condoléances à la famille… Mais rien n’a été fait en ce sens et M. Moulin s’en émeut et s’en étonne… (Ndlr : il n’y a que lui qui soit surpris, car jamais personne de France-Télécom ne venait présenter de condoléances… Quel crédit accorder aux déclarations de Bonimenteur Ier ? Je ne sais pas…) Comme d’habitude, le monsieur essaye de faire accroire au Tribunal qu’il a tout bien fait, qu’il a aidé les personnels, qu’il a toujours tout fait les choses bien. Je trouve ses déclarations indécentes. Je crois que l’on a été à beaucoup à se penser : « mais ferme-la et va t’asseoir ! »)
- À 11H20, M. Louis-Pierre Wenes veut prendre la parole. Il va lui essayer expliquer qu’il compatit mais que ce n’est pas lié à NExT… Ce qu’il dit est indéfendable. Il se fait tailler en pièces par la Cour : même Mme la Présidente du Tribunal le contredit dans ses dénégations. Ça chauffe, le loulou ne supporte pas d’être pris en défaut. Wenes craque et déclare : « Mais on n’est pas tous des salauds chez les managers dans France-Télécom !». (Ndlr : Lou-Lou, tu commences pas à comprendre ?) Il insiste et finalement craque : « On n’a pas fait une politique pour virer Monsieur Louvradoux ! ». L’avocate de la famille Louvradoux sort alors la preuve qui le finit, à 11H40 : un mail saisi lors des perquisitions où de hauts responsables se concertent pour faire Moins Un avant une date butoir, et que le Moins Un désigné et bel et bien nommément Monsieur Rémi Louvradoux… Cerné de toutes parts, M. Wenes crie : « Je n’en peux plus », se ferme comme une huître et repart enfin s’asseoir.
- À 11H40, Mme Brigitte Dumont prend la parole. Dans sa nov’ langue de Grande Prêtresse de ACT, elle passe 20 minutes à tenter de se justifier à expliquer que tout le monde a tout fait bien, Par contre lorsqu’elle se fait cuisiner par la Cour et les avocats sur ce qui est arrivé à Monsieur Louvradoux, comme le blocage de ses multiples candidatures pour partir dans la fonction publique, elle s’enfonce dans la lise… Elle tente des explications qui ne veulent rien dire et qui gonflent tout le Tribunal ou presque… Tout est de cet acabit, et ne nous apprendra comme à son habitude, rien de plus. Parler pour ne rien dire semble la vocation de cette dame.
- À 12H05, M. Didier Lombard prend la parole en conclusion de cette pénible journée. Finalement, il est le seul qui, parmi les coupables en appel, réagira avec une certaine décence. Il n’essaye pas de se dédouaner. Il explique qu’il faut comprendre l’émotion suscitée ce matin. À la famille Louvradoux, il déclare qu’il ressent une émotion intense. À la famille Perrin, il déclare ressentir une grande émotion en tant que technicien, car M. Lombard est aussi technicien, et comprend les difficultés d’un technicien en cours de changement de métier. Il conclut en déclarant qu’il s’est déjà exprimé en première instance et qu’il ne voulait pas se défausser en déclarant qu’il n’était pas là et qu’il précise qu’il ne veut pas polluer la grande émotion d’aujourd’hui.
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- 8 juin 2022. Journée consacrée à l’audition de 4 Parties Civiles. On peut résumer qu’il s’agit de la mise au rebut de 4 personnels de France-Télécom, que l’on pourrait croire invraisemblables si l’enquête de Police et les perquisitions n’avaient pas étayé tout cela. Il est curieux de constater que dans certaines situations vécues par d’autres, j’aie pu retrouver des analogies avec ce qu’il m’arriva jadis. Les esprits naïfs y verront une coïncidence. Pour résumer la journée, chaque personne va expliquer ce qu’il lui est arrivé. Tout est dans le dossier d’instruction, et ainsi je ne ferai figurer que ce qui m’a frappé l’esprit.
- À 9H15, audition de M. Jacques Salmon. Il avait témoigné en 2019 en première instance. À cette époque-là, à la barre, M. Salmon était très désorienté, nous nous en souvenons tous, il tenait des propos à la limite de la cohérence, l’on avait peine à le suivre, ce qui donna lieu à des situations burlesques qui avaient eu le mérite de détendre l’atmosphère, mais il ne fallait pas omettre pour autant que son état, à l’époque, anormal, était le résultat d’une déstabilisation mentale qu’il avait subie à France-Télécom. Ce que je retiendrais de son intervention ce jour, 3 ans plus tard, c’est la cohérence de ses propos, en contraste total d’avec sa première audition qui laissait apparoir un homme jadis totalement déboussolé. En tous cas, M. Salmon, reclassé Technicien des Installations de Télécommunications, désormais en retraite, va mieux aujourd’hui, on sent qu’il a réussi à remonter la pente. Excepté au moment où il parle de ses passages dans les hôpitaux, il est alors victime d’une grande émotion qui le submerge, un souvenir du traumatisme qui à ces moments-là est très dur à supporter. Il est vrai qu’il a eu à subir de multiples « procès de Moscou » de la part de sa hiérarchie, qu’il fut muté dans un nouveau service, laissé sans formations, que des jours de congés lui ont été volés, qu’on lui refusait à lui seul des congés… Enfin, M. Salmon a subi, à Paris, la totale, en termes de manipulations de la part du système RH de France-Télécom, et d’ailleurs la hiérarchie de cette époque essayera même de le faire révoquer sans raison valable, ce que le Ministre en charge des Télécommunications refusera d’avaliser. De plus, il lui aura fallu mener un long combat de 6 années devant les juridictions pour faire reconnaître l’imputabilité au service de ses problèmes de santé. J’ai en outre retrouvé plusieurs points communs avec ce qui m’arriva jadis. Je ne suis donc pas surpris par ce qui lui est arrivé.
- À 11H05, M. Noël Rich est à la barre. Noël, c’est cet ancien agent du 12, de 1991 à 2006, qui à la fermeture du 12 a été muté au 1013 (les dérangements) avec ses collègues, et qui, comme il le déclare a été mis au rebut (Nous n’étions plus rien, comme il précise). Noël n’a pas structuré son témoignage comme le font les autres victimes. Il a préféré parler de ce qu’il se passait autour de lui, de ce qu’il constatait d’absurde dans ce système, plutôt que de s’apitoyer sur son sort. Il est une des victimes qui, dans un moment de désespoir avait tenté de mettre fin à ses jours dans un des bureaux de son Centre Téléphonique. Mais pourtant, il essaye de venir en aide aux autres. Malgré son équilibre précaire, il se dévoue aux autres, notamment aux personnes en fin de vie, en soins palliatifs, il fait des formations dans le milieu paramédical pour venir en aide aux autres. On y retrouve une certaine analogie avec le fils cadet de feu Rémi Louvradoux, qui veut aider les autres. Comme s’ils cherchaient tous deux, à sauver, à « réparer ». Mais pourtant ils ne sont coupables de rien, eux ! Sans sombrer dans la bondieuserie des grenouilles de bénitier, il est vrai que Sainte Thérèse déclarait jadis : « Je veux passer mon ciel à faire le bien sur la Terre ». Et Noël Rich est un peu comme ça. Son témoignage, a été très pudique, exprimé avec une certaine distance, une grande tenue qui force le respect. D’ailleurs lorsqu’il a été interrogé, notamment par Maître Esclatine (Avocat de M. Didier Lombard), on le sentait lui-même impressionné. Je suis, moi aussi, resté assez impressionné lorsqu’il parlait des humiliations reçues, de s’être fait plus ou moins traiter d’illettré, lui et ses collègues du 12, de l’infantilisation des processus de travail apparus à cette époque. Sa description des fameux scripts qui étaient imposés… Et s’inscrivant en faux face à M. Louis-Pierre Wenes qui avait déclaré un jour précédent que même les pilotes d’avion avaient des scripts. Oui, avant de prendre l’envol, oui, il y a une liste de points à vérifier, mais pour décoller et prendre l’envol, il n’y a plus de script. C’est ensuite au pilote de piloter, pas à un script de piloter un avion ! Il revient sur les grands principes édictés et rappelés au Tribunal par M. Louis-Pierre Wenes, et précise que si certains principes vu d’en haut ne sont pas les plus mauvais, l’ennui est que lorsqu’il sont appliqués en descendant dans la hiérarchie, à la fin l’on se retrouve sur le terrain devant une bouillie infâme, incompréhensible, mise en œuvre par des managers qui n’ont pas le niveau, qui ne comprennent même pas ce qu’ils font. Quand M. Rich demandait une explication sur tel ou tel problème, on lui répondait : « Ne te pose pas de question, suis le script ! ». Une telle réponse aussi imbécile n’est pas sérieuse, mais c’est le genre de stupidités qui étaient répondues par sa hiérarchie. Il évoque aussi un point émouvant, par rapport au suicide de feu Michel Deparis… Il précise qu’à cette dramatique époque, à Marseille, il y avait un Directeur d’Unité en fonction… Et que ce Directeur d’Unité est aujourd’hui encore en activité, désormais en Auvergne, et ce Directeur d’Unité est actuellement SON Directeur d’Unité. Je le sais, car il en m’en a plusieurs fois parlé, il a du mal à supporter cet état de fait… Penser au nom même de son Directeur d’Unité le rend mal à l’aise, et déclarera à la Cour : « Quand j’entends son nom, à chaque fois, j’entends le glas sonner et je sens l’odeur de la mort…». Grand froid dans la salle d’audience. Il décrira aussi les refus de formations par sa hiérarchie, les humiliations diverses… Tout cela est déjà versé au dossier, et entre les mains de la Cour. Son témoignage était émouvant, avec son écharpe autour du cou dont les prénoms de plusieurs suicidés de France-Télécom sont brodés dessus, et la cravate noire, sobre, comme lui, que je lui ai prêtée… Noël c’est ce mec vraiment spécial, qui, nonobstant tout ce qu’il s’est pris dans la face pense encore à aider les gens, les malades, les mourants… Je ne sais pas comment il parvient à ce qui constitue à une forme de sacerdoce… La Cour remerciera M. Rich de la dignité de son témoignage à la barre.
- À 14H15, M. Jean-Pascal Aveline est à la barre. M. Aveline est un Inspecteur des PTT qui, pour résumer sa situation a été muté d’office par sa iérarchie, dès qu’il a été élu Délégué du Personnel (France-Télécom violant ainsi toutes les lois de protection des élus) et subira, en réalité 10 ans et demi de QHS à Chartres, laissé seul pendant 5 ans au 3ème étage d’un immeuble d’un centre abandonné, contre une chaufferie, puis 5,5 ans de plus au second étage de cet immeuble vide. Lui, dans une pièce avec un bureau, sans même un téléphone. Une mise au placard de « première classe » pour le pousser à démissionner, à perdre la raison ou à se suicider. Mais, il se trouve que M. Aveline, est un homme posé, réfléchi et visiblement au mental solide, et ainsi il a tenu le choc durant ses 10 années de placard, jusqu’en Novembre 2017, où sa situation redeviendra normale. Pour l’anecdote, M. Aveline a exercé, par moment, quelques missions temporaires plus ou moins à la hauteur de son grade d’Inspecteur. Plutôt moins que plus… Il a notamment été obligé d’enfiler des perles, ou plutôt des petites de bagues autour de fils électriques. Il a en a enfilé comme cela pendant un an environ dix-neuf mille… Ce travail, indigne d’un Inspecteur, sera ensuite confié à des handicapés mentaux en instituts… C’est assez sidérant, mais voilà… Il sortira des échantillons de ces toutes petites bagues, ces perles, et les montrera à la Cour. Je crois que la Cour en est restée bouche-bée… Comme nous tous…
- À 15H20, M. Vincent Talaouit est la barre. Vincent est un Ingénieur, Architecte Réseau, en charge de Recherches dans la Branche Innovation, donc très gradé, jeune, prometteur, et qui a été lui aussi broyé par la machine NExT, car il fallait, même dans la Recherche, faire du Moins, en termes d’effectifs… Il ne sera pas le seul, puisque 2 autres confrères, Ingénieurs contractuels, feront l’objet de cet acharnement… Il explique les méthodes d’évaporation des effectifs pendant les transferts. pendant les déménagements, des employés disparaissent du lieu de départ sans pour autant réapparaître dans le lieux d’arrivée. Sur leur équipe de 13 Ingénieurs, 3 devaient ainsi « disparaître »... Aussi, on leur présenta un organigramme futur avec 10 cases au lieu de 13, mais les cases étaient vides… D’où un jeu de chaises musicales malsain… Alors, comme tous les gens à qui un tel « bateau » arrivait, il commençait à dérailler… Mais comme il l’explique à la barre, il a été sauvé par l’enquête de Police et les perquisitions, qui ont permis de découvrir un ensemble de documents saisis tout simplement édifiants, qui prouvent que tout un ensemble de la hiérarchie locale ont comploté, ont ourdi un complot de la pire espèce pour tenter de forcer à la démission de M. Talaouit et deux de ses collègues. Il reviendra aussi sur le suicide d’un autre collègue ingénieur qui fut, à un moment donné, le seul à venir encore lui parler quand il était mis au placard… Il racontera en outre avoir été sidéré des horreurs qu’il a entendues à l’École du Management France, étant un des 4000 managers de l’élite… Cette infâme EMF où l’on formait des Managers à virer des gens, à les pousser à la démission… Il détaillera les jeux de rôles malsains dans cette école… Il précisera la rétrogradation dont France-Télécom a essayé de lui faire subir, passant d’Architecte Réseau confirmé, en charge d’un gros projet de convergence des réseaux de télécommunications pour prévoir les réseaux de demain, pour se voir proposer un poste du niveau d’Ingénieur Débutant, en en dehors de son domaine de la Recherche… Bref, une série de grand n’importe quoi, pour le pousser au départ, à la démission ou au suicide… Le tout étayé par un tas de documents saisis lors des perquisitions de Police qui prouvent toute l’incroyable machination mise en œuvre pour le pousser à la démission… Si les preuves n’existaient pas, nous pourrions tous croire que Vincent souffrirait de délire de persécution aigu ! Le tout dans un très bel imbroglio juridique savamment organisé et entretenu par tout un tas de services hiérarchies et RH qui se renvoyaient la balle de manière coordonnée (les mails saisis en témoignent)…
- À 17H20 puis à 17H55, MM. Louis-Pierre Wenes puis Didier Lombard passeront chacun quelque 5 minutes à la barre pour tenter d’expliquer la situation de M. Talaouit, et déplorer que cette situation soit arrivée, mais rien de bien convaincant. Face à tant de preuves saisies par la Police, difficile de faire des miracles.
- En conclusion de cette journée, nous avons eu un agent de la catégorie B, (Tint), puis un agent de la catégorie C (1.3/2.1), puis un agent de la Catégorie A (Inspecteur) et enfin un Ingénieur très haut gradé CDI qui ont tous les 4 été placardisés et/ou humiliés, poussés au départ. Comme quoi, aucune des catégories de personnels n’était à l’abri… Que de ressources perdues… Que d’énergie, pour ces agents, dépensée à défendre leur peau au lieu de l’offrir à France-Télécom…
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- 9 juin 2022. La journée débute par l’audition d’une partie civile, puis d’un témoin produit par la Défense, puis le visionnage de films de propagande de France-Télécom jadis, dont certains franchement burlesques, et enfin par quelques interventions de prévenus à la portée assez limitée.
- À 9H10, M. Jean-Paul Portello est à la barre. M. Portello est un technicien, ancien élu du personnel qui se retrouve payé à rien faire par France-Télécom depuis 12 ans, suite à la démission de M. Didier Lombard. Il lui est depuis lors interdit d’entrer dans un centre téléphonique, ses badges étant désactivés. il est en quelque sorte payé à ne rien faire par Orange depuis 12 années. Il déclare que sa hiérarchie de l’époque l’aurait accusé d’avoir été à l’origine de la démission de M Lombard. Cela semble assez grotesque mais après tout… Ce qui est assez curieux, c’est qu’à quelques jours de son témoignage à la barre, M. Portello, mis au placard depuis 12 ans, reçoit une curieuse lettre RH qui d’un seul coup semble se ré-intéresser à lui. le mystère de ce curieux hasard appert vraiment surnaturel… L’on puisse penser que comme à l’époque des suicides il a organisé beaucoup de grèves, qu’il ait été mis au placard pour l’éloigner du service. Il est vrai que ce qu’il raconte à la barre semble tellement incroyable que je me suis pensé assez vite, que si j’étais la Cour, je demanderais à auditionner au pied levé le représentant du Groupe Orange… Et c’est ce qu’il se passera à la fin de l’audition de M. Portello. M. Portello relate en outre la crise des suicides, les gens qui faisaient des crises de nerfs de pleurs dans les services, le suicide de M. Jean-Paul Rouanet qui a mis le feu aux poudres en Savoie. La venue de M. Lombard sur place, et la froideur et le manque d’empathie de la haute direction… Finalement, M. Didier Lombard déclarera qu’il acceptait une des 12 propositions exigées par M. Portello, syndicaliste local, de mettre fin au Time To Move des Managers (ce fameux Time To Move qui est censé n’avoir jamais existé, d’après les prévenus, et qui était nié avoir existé à l’époque des faits, par les Directions qui siégeaient dans le Comités d’Entreprise…). Il raconte que M. Didier Lombard déclarera au cours de la discussion à Annecy : « C’est vrai que ça n’avait pas beaucoup de sens, le Time To Move…». M. Portello décrit que le TTM a entraîné un gros turn-over de managers, et que sont vite arrivés des managers qui ne connaissaient rien aux métiers de leurs agents, que ces managers n’étaient pas reconnus par les employés comme capables, mais seulement reconnus par la Direction qui les mettaient à tel ou tel endroit, pour être de bons petits soldats… M. Portello précisera au cours des débats que la médiatisation de la crise sociale a France-Télécom a été le seul moyen pour que cela s’arrête enfin (Ndlr : c’est bien le fait que la Direction ait été découverte publiquement qui a fait que la situation ait pu être stoppée…)
- À 10H35, M. Nicolas Guérin, Représentant du Groupe Orange au Procès, prend la parole. Il tient à modérer les propos de M. Portello sur sa situation. Oui, il est vrai que M. Portello est dans une situation inhabituelle, mais que d’autres personnels sont éloignés du service depuis la crise sociale. M. Guérin précise que M. Portello a reçu plusieurs propositions de travail, mais que comme il les avait déclinées, la situation était figée, mais que M. Portello avait eu l’aval d’Orange pour faire des études complémentaires, à sa volonté. M. Guérin précise que justement, il ne voulait pas que les personnels éloignés des services soient réaffectés de force, contre leur gré, mais voulait au contraire débattre avec ces personnes avant de décider d’un commun accord ce qu’il convenait de faire... (Ndlr : au final, espérons que la Cour sache démêler cet imbroglio qui dure tout de même depuis 12 ans.)
- À 11H05, M. Charles-Henri Filippi vient à la barre. Il est un témoin produit par M. Didier Lombard. Il a été un Administrateur Indépendant de France-Télécom. Banquier de profession. Personnage plutôt sympathique, bien élevé, il débute son témoignage par des généralités, mais, au milieu de ses banalités, il confirme une chose intéressante et une seule : que France Télécom a été sauvé parce que l’État à tout simplement engagé sa signature pour sauver la Maison. (Ndlr : En effet, ce qui été créé par la volonté de l’État ne peut vivre que par la volonté de l’État ; ce n’est donc pas la Bourse ou les banquiers et autres rapaces tels les assureurs, ou les hedge funds qui puissent décider si France-Télécom, entreprise créée par l’État, sur les décombres de l’Administration des P et T, doive vivre ou mourir. Finalement, le témoignage de M. le banquier aura servi ç au moins une chose…). Puis, il évoque des signaux faibles apparus au Conseil d’Administration une fois en Juillet 2008, puis plus rien jusqu’à l’éclatement de la Crise des Suicides à France-Télécom où l’affaire sort au cours du Conseil d’Administration du 15 septembre 2009. Il soutiendra mordicus qu’entre ces deux dates, jamais il n’a été au courant de rien. Il se répétera plusieurs fois sur ce point. Il tente subrepticement et systématiquement de rabattre la faute sur les syndicats, dont les Administrateurs Salariés n’auraient, selon lui, et s’appuyant sur les Procès Verbaux, jamais fait remonter que les choses allaient très mal dans France-Télécom. Il affirme aussi, avec calme et distinction que : « la Politique sociale à France Télécom n’a pas été radicale…». et aussi que : « France Télécom a pu sauver beaucoup d’emplois, grâce à sa politique sociale » Il ajoute encore : «Il y a eu, à France-Télécom, un compromis social…» (Ndlr : là je me dis que M. Filippi est une sorte d’Administrateur-Touriste en balade à France-Télécom… Il n’est jamais au courant de grand chose… Je me dis que quelque chose ne tourne pas rond… Que l’on ne vit pas sur la même planète…) Il précise encore qu’il ne comprend pas pourquoi la crise sociale n’est pas remontée plus tôt. Il ajoute que les signes précurseurs ne sont pas remontés jusqu’au Conseil d’Administration de manière adéquate… (Ndlr : je me dis que M. Filippi n’est décidément pas au courant de grand chose à France-Télécom…) Puis il recommence à se répéter, il tourne en boucle, répète mes mêmes choses au moment de répondre aux avocats des Parties Civiles, on n’apprend rien de plus, il est alors 12H05, et je me dis qu’en rabâchant et en se répétant, il va nous manger une heure de temps pour ne rien dire de plus. Je pars me restaurer avant tous les autres, car je n’ai pas de temps à perdre en radotages. Mes confrères me confirment une heure plus tard que mon pressentiment était vrai, et qu’en fait il accusait immanquablement les syndicats de n’avoir pas fait leur travail de remontée d’information… (Ndlr : un Grand Argentier qui accuse les syndicats de petits personnels de tous les maux, pour défendre un ami Patron… Quoi de plus naturel entre gens de bonne compagnie ? À quoi a servi M. Filippi dans ce procès ?)
- À 14H10, est projetée une première série de mini films de propagande de France-Télécom à la Gloire de M. Louis-Pierre Wenes, dans une émission intitulée Questions Directes, de Septembre 2007 à Septembre 2009. Bon, ce sont des films de propagande, plutôt bien tournés. M. Wenes « présente bien ». On voit qu’à cette époque, il sait encore s’habiller avec élégance, il est bien maquillé (peut-être un peu trop de fond de teint, dirois-je). Il y a des émissions plutôt pas mal. Disons que c’est pour sa défense, il essaye de se montrer sous un jour un peu plus sympathique… Un peu plus avenant. C’est de bonne guerre. Il a raison de tenter le coup…
- À 14H45, est projetée une seconde série de mini films de propagande, mais là, on vire dans la catégorie burlesque ! L’émission est intitulée les 3X5. Et alors, parmi ces émissions, il y en une qui a mobilisé toute notre attention car elle y cumule tout : M. Wenes qui discute avec M. Jacques Moulin. Il s’agit d’une conversation mi-burlesque, mi-Le Parrain, assez mal jouée, où lors de la discussion le film les charge complètement : M. Moulin dans la flagornerie permanente que l’on lui connaît de longue date, et M. Wenes pour ses propos assez glaçants (avec un sourire figé assez tendu) sur le fait qu’il ait appris que certains managers ne tenaient pas de réunion hebdomadaire avec leur équipe… Et là, ce petit film, pourtant produit par la défense suffit à expliquer à lui seul les pressions exercées jadis sur les managers locaux pour tenir des réunions à répétition… Et le zèle incommensurable de M. Moulin alors devenu DRH à cette époque… Vraiment, parfois on se demande qui conseille les prévenus… J’ai été surpris que ce film burlesque (déjà vu en 2019), ait été produit par la Défense car il m’appert plutôt accablant…
- À 15H20, fin des films burlesques, dont certains nous ont fait franchement rire. Au moins, cela aura détendu l’atmosphère… Serge Gainsbourg disait à juste titre : « la connerie, c’est la décontraction de l’intelligence». M. Louis-Pierre Wenes fait un saut à la barre, pour déclarer qu’il aurait aimé que la totalité des films (Ndlr : à sa Gloire) soit diffusée, et pas certains extraits seulement… Interrogé par la Cour, il précise qu’aucune remontée grave ne lui avait jamais été faite lors de ses visites sur sites… (Ndlr : on imagine un agent au bout du rouleau lui cracher le morceau devant le Directeur Territorial, le Directeur d’Unité, le Directeur de Département, le DRH du coin, le N+2 et le N+1 placés à 2 mètres, et le tout filmé par deux caméras… Pour le coup, un vrai suicide social pour l’agent…)
- À 15H40, M. Jacques Moulin veut prendre la parole. Il revient sur un des petits films burlesques sur la situation au Creusot (une ville dont le centre a été liquidé et les équipes déplacées) pour préciser que tout a été signé par 5 syndicats de salariés sur 6, et qu’il avait (Ndlr : comme d’habitude) tout bien fait tout bien.
- À 16H15, Mme la Présidente du Tribunal donne lecture de pièces ; puis Mme Brigitte Dumont vient à la barre, où elle va pour la énième fois, rabâcher sa grand-messe, son catéchisme managérial ACT, où elle exprime, une fois de plus, sa fixette qui est d’accompagner les gens. Elle répète à l’envi qu’il fallait accompagner les gens (Ndlr : vers la sortie de France-Télécom…), et qu’à un moment « le » projet de départ devenait « son » projet (Ndlr : à force de matraquage idéologique ? Sidérant aveu…). Je me demande d’ailleurs à ce moment-là… Mais qui sont ces gens bizarres dont l’obsession était d’accompagner les gens vers la sortie ? Ce travail était-il bien légal ? Nous, les personnels, que nous soyons fonctionnaires de France-Télécom ou CDI, nous sommes entrés sur concours ou sur entretien dans une entité pour servir, travailler, assurer des fonctions, des tâches, produire, dépanner, vendre, concevoir, etc. Nous ne sommes pas entrés dans France-Télécom pour être pris par le bras par des inconnus pour être accompagnés vers la sortie. « Touche moi pas ! Lâche-moi les baskets ! Et va faire un vrai travail au lieu d’emmerder les gens qui travaillent vraiment s’il te plaît ! Vade Retro satanas ! » Je me pose en ce jour du 9 juin la question toute simple : dans une entreprise de Télécommunications où nous, les agents, sommes tous présents pour travailler, c’est quoi ces boulots contre-nature qui consistaient à vouloir accompagner des fonctionnaires de l’état assermentés vers la sortie ? Personne d’autre que moi s’est-il posé cette question si simple ? À un moment donné il faudrait sortir de cette hypnose collective…
- À 16H50, sont traités les éléments de personnalité de M. Jacques Moulin. Je n’ai pas noté par écrit ces éléments, car ils sont en rapport avec sa vie privée et de famille. Par contre j’ai tout de même trouvé assez gonflé que M. Moulin ait essayé de faire pleurer dans les chaumières sur la situation qui lui échoyait, en raison des poursuites judiciaires, car en effet, si ses revenus de salaire ont baissé depuis sont départ pour l’IDATE, nous apprenons qu’il touche depuis lors, une très grosse prime annuelle, renouvelée miraculeusement chaque année, une prime tellement grosse qui lui compense tout ce qu’il a perdu en quittant France-Télécom. Je propose d’ouvrir une télécagnotte pour venir en aide à M. Moulin, tellement il nous a trop fait pleurer, tellement c’est la misère financière pour lui… Alors je me rappelle en conclusion de cette journée plutôt burlesque et invraisemblable que comme l’avait dit en 2019, Mme le Juge Cécile Louis-Loyant aux condamnés : «Vous êtes condamnés, mais pensez que vous, vous êtes toujours vivants, et que vous avez toute votre famille avec vous…»
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- 10 juin 2022. La journée consistera en l’audition de 3 parties civiles. Une journée très dure.
- À 9H10, Mme Ghislaine Régnier, veuve de M. Jean-Marc Reigner est à la barre. Elle se déplace très difficilement avec une béquille car elle s’est blessée la cheville la veille. Elle tiendra à témoigner debout de ce qui est arrivé à son mari (quand ils se sont connus, il avait 17 ans et elle en avait 16), et des conséquences sur sa famille. Elle explique que son poste était menacé de disparition et que son mari devait s’adapter à l’informatique et à de nouvelles technologies, sous peine, sinon, de se retrouver muté et parqué sur une plateforme téléphonique… Possibilité intolérable pour un agent des lignes de 30 ans d’ancienneté, habitué à bouger… Le problème est que M. Reigner avait du mal à comprendre l’informatique, il s’est mis la pression, parce que la pression était mise par son supérieur, qui lui même subissait des pressions hiérarchiques et qu’il devait les répercuter… Mme Régnier explique clairement que les responsables de cette situation sont les responsables de France-Télécom, les prévenus, qui ont tout organisé d’en haut pour que tout soit répercuté sur les agents, par l’intermédiaire des managers. Elle accuse les prévenus d’être directement responsables de la mort de son époux, qui avait fini par sombrer dans une profonde dépression, alors qu’il ne souffrait pas d’antécédents psychiatriques, et qu’il était dans son métier un agent reconnu par ses confrères comme étant d’une grande compétence professionnelle, et aussi reconnu par les habitants de sa ville, car son épouse y possédait un bureau de tabac, et qu’il allait réparer tous les habitants du coin… Elle confie son trouble en parlant de son fils, et de ses deux petits-enfants qui commencent par poser des questions sur : « Pourquoi on n’a pas de papy ? Où il est papy ? » Gros malaise dans toute la salle… Elle cite les derniers mots de son mari parti se suicider par arme à feu : « à tout à l’heure ! »… Quand son mari a été retrouvé mort par son propre fils et un ami, ensuite, elle explique que l’encadrement de France-Télécom a été minimal, minimaliste, pour un agent réputé et de 30 ans de carrière, c’était très peu de choses qui ont été faites… Elle cite notamment M. Jacques Moulin qui n’était pas venu la voir… En effet c’était M. Salziger qui était venu ; M. Moulin qui 3 jours plus tôt avait été muté à Paris sur le poste de DRH OPF… M. Régnier a en quelque sorte été détruit par la rumeur de la disparition de son poste à venir, et son impossibilité à trouver une porte de sortie… Sa femme précise qu’il souffrait le martyre, notamment au retour d’une formation de Bordeaux où il s’était écroulé, et a sombré en dépression. Il n’était plus le même. Elle affirme que son mari n’a pas voulu se tuer mais qu’il voulait simplement arrêter de souffrir et que la seule issue pour lui était la mort. Elle dénonce une nouvelle fois le gâchis, et accuse les dirigeants de l’entreprise de n’avoir vu que leur seul intérêt personnel dans tout ce qui est arrivé, que : « ce n’est pas un manager qui peut prendre seul des décisions comme ça. » Elle trouve très choquant que le 3 juin 2019, en première instance aucun prévenu n’ait reconnu sa responsabilité dans ce qui est arrivé, que personne parmi eux n’ait eu un seul regard pour elle, qu’ils aient juste baissé la tête et se soient tus. Enfin, Mme la Présidente du Tribunal discute avec Mme Régnier sur sa situation actuelle, et là, l’on apprend qu’elle a pu continuer à tenir son commerce encore 8 ans après la mort de son mari mais qu’elle ne pouvait plus, et qu’elle a cessé son activité… Qu’elle n’avait pas droit au chômage et qu’elle s’est retrouvée seule avec 535 euros par mois de pension de réversion pour vivre et qu’en fait c’est son fils qui doit suppléer financièrement… L’émotion dans la salle est à son paroxysme. Elle termine son témoignage assise… Pour écouter les réactions des 3 personnes suivantes.
- À 9H55, M. Didier Lombard prend la parole et évoque M. Reignier, il explique qu’il était un Lignard et que les lignards tiennent le squelette de France-Télécom, son réseau et qu’il n’aurait jamais été question de l’envoyer sur une plateforme… Il fallait le faire évoluer avec les nouvelles technologies sur son métier. Il conclut par : « M. Reigner était un homme extraordinaire. » (Ndlr : oui, il était un homme extraordinaire mais il est mort à 51 ans, avant le temps normal, et tout cela à cause d’une politique déployée par l’employeur qui était en quelque sorte extraordinaire elle aussi… Et des Lignards poussés vers les plateformes et vers la sortie, il y en a eu un peu partout en France à cette époque-là, nous en avons tous connus. Alors je veux bien que M. Lombard essaye de vouloir dire des choses gentilles, mais les faits sont hélas têtus…)
- À 9H57, M. Jacques Moulin prend la parole et déclare compatir à la douleur de la famille Reigner. Ensuite, il explique qu’il a privilégié une réponse de proximité après le suicide de M. Reigner, etc. etc…
- À 10H05, M. Nicolas Guérin, Représentant du Groupe Orange, prend la parole. Il est très ému, et il va faire une déclaration claire, nette et sans ambiguïté. Il explique que la mort de M. Régnier est parmi les suicides qu’il y a eu, un de ceux qui a beaucoup marqué. Il exprime, au nom du Groupe Orange les regrets profonds de l’Entreprise. Il ajoute : « Madame, nous reconnaissons la culpabilité de l’entreprise dans la mort de votre mari. L’entreprise se sent coupable de la mort de votre mari ». Malgré l’émotion qui m’étreint, je mesure immédiatement la portée de cette déclaration. Il ne s’agit pas de reconnaître une responsabilité, mais pour le Groupe Orange de reconnaître LA culpabilité pleine et entière de ce drame, d’où l’importance de cette déclaration. Par cette déclaration, le Groupe Orange n’aide pas les prévenus mais les laisse à leur triste sort se débrouiller seuls devant la Cour.
- À 10H10, la fin de cette première audition est actée par Mme la Présidente du Tribunal. Alexandre Régnier vient chercher sa mère et la porte, aider par je ne sais qui, car elle ne parvient presque plus à tenir debout, elle est effondrée, en quasi-prostration, en quasi-tétanie. On ne sait pas quoi faire… On ne peut rien faire… Une famille brisée est passée près de nous, qui nous a frôlés… Nous sommes comme sonnés, déboussolés… Le malaise est tellement persistant dans la salle, il est partout, indicible, mais incroyablement présent. Nous sommes beaucoup à être à cran… Vivent les lunettes noires… Même la Présidente, très-émue, semble bloquée, puis dans un élan-réflexe déclare une suspension immédiate de séance, sans limite de durée annoncée. La suspension durera de facto 25 minutes. Pénétrer à nouveau dans la salle sera très dur, mais le procès doit reprendre. Le travail doit continuer, c’est la règle et il faut nous y tenir…
- À 10H35, M. Georges Lloret est à la barre. Georges est ce manager de France-Télécom rentré en 1982 dans l’Administration, et qui été placardisé suite à un cancer, dont il a pourtant réussi à guérir, après seulement 2 mois avoir été opéré avec succès… Il débute en expliquant que depuis la condamnation des prévenus en 1ère instance, il allait mieux, mais qu’avec l’appel, il revit tout ce qui lui est est arrivé et que du coup il ne dort plus en ce moment. Il va énoncer l’ensemble des misères qui lui sont arrivées, y compris avoir été menacé d’être sanctionné disciplinairement par un Médecin du Travail de France Télécom (Ndlr : vendu à la hiérarchie). Tout ceci est consigné dans les documents de l’enquête. Il condamne le déni, l’amnésie des prévenus, mais rappelle que les faits sont là… Qu’ils ont bel et bien conçu le Plan NExT et le Programme ACT pour pouvoir dézinguer des agents et les éjecter en dehors de France-Télécom. Il s’exprime sur M. Didier Lombard, Commandeur de la Légion d’Honneur, qui a pourtant failli à son devoir de protection des fonctionnaires et des salariés de France-Télécom. Il fustige la vision microscopique du bien-être des salariés que M. Lombard avait lui-même reconnue… Il rappelle que cela a entraîné un désastre, que nous avons tous été affectés… Il redit que ce nouveau procès est pour lui un fardeau, qu’il voudrait pouvoir passer à autre chose et que ce procès en Appel le bloque. Il retrouve ici, au Tribunal, ses compagnons de misère, comme il le dit. Il explique qu’il s’est accroché à son poste car il ne voulait pas partir, qu’il était rentré par choix (pour les technologies modernes) à la DGT en 1982, qu’il avait une carrière complète à faire à France-Télécom, et qu’il ne voyait pas pourquoi il aurait dû devoir partir, dégager, pour satisfaire à un plan de réduction d’effectifs déguisé, car précise-t-il, il aimait son boulot. Il parle aussi du Time To Move. Il explique qu’à Marseille, tout le monde appelait cela le Tire Toi Maintenant. Il explique qu’un jour, c’est son manager qui est venu lui dire que lui aussi (son chef) devait se Tirer Maintenant… Et qu’il fut muté dans la région de Lyon, à 350 km… (Ndlr : le fameux Time To Move des managers, qui soi-disant, d’après les prévenus, n’existe pas…) Il n’empêche qu’un jour dans une réunion, M. Lloret se retrouve devant un tableau où à l’UAT, son unité, ils devaient éjecter 41 personnes, que c’était leur quota de gens à éjecter… Georges s’insurge contre Louis-Pierre Wenes qui déclara un jour, pendant l’enquête : « M. Lloret n’aurait jamais dû devenir Manager…», et Georges d’ajouter : « Mais qui est ce Monsieur Wenes qui se permet de déclarer cela sans me connaître ? Tout cela parce qu’il a un diplôme de psychanalyste ? Il ne me connaît pas, mais il déclare ça comme ça, sans connaître mon parcours, ce que j’ai fait dans ma vie… » Et précise qu’il est un fonctionnaire qui a passé des concours ! Et de rajouter : « Mais alors, puisque M. Wenes se permet de raconter n’importe quoi sur mon compte, moi je vais vous préciser que ces personnes, ces responsables de France-Télécom, ils ne sont pas capables d’être des dirigeants de sociétés, des chefs d’entreprise, ils n’ont pas le niveau d’être des patrons ! » (Ndlr : 100% d’accord avec M. Lloret, il ne s’agit pas d’avoir un titre, encore faut-il pouvoir assumer la charge.) Puis, il explique, en réponse à une question de la Cour, qu’il a caché pendant plusieurs années ce qui lui est arrivé à son épouse et à ses filles, à faire semblant que tout allait bien (Ndlr : le syndrome de Maître Cornille), jusqu’au jour où il a craqué et où il a voulu mettre fin à sa vie, et là, il a tout déballé à son épouse… Mais ils ont décidé de le cacher aux enfants. À une autre question, sur les accompagnements, il a répondu sans ambiguïté que : « le seul accompagnement, c’était la porte, pour nous éjecter de l’entreprise », et dénonce le harcèlement quotidien pour partir, les humiliations, les Espaces Dégagements etc… (Ndlr : en résumé, Georges Lloret est un homme qui est resté marqué par ce qui lui est arrivé jadis, mais qui a décidé de ne pas se laisser faire et de se battre pour survivre et pour ne pas donner raison à cette équipe démoniaque. Nous ne pouvons que l’en féliciter.)
- À 12H05, M. Nicolas Guérin, Représentant du Groupe Orange prend la parole brièvement pour témoigner du respect qu’il éprouve pour Monsieur Lloret.
- À 12H07, Mme Samira Guerrouj est à la barre. Elle est en invalidité, en fauteuil roulant, elle ne travaille plus mais elle fait toujours partie de l’effectif du Groupe Orange. Elle a un niveau d’étude élevé (deux DESS), elle a commencé à travailler dans le privé, puis sa société a été rachetée par Orange, alors opérateur d’origine britannique, où la culture d’entreprise était très dynamique, à l’anglo-saxonne. Puis Orange a été absorbée par France-Télécom. Elle explique à la barre que la mentalité n’était pas du tout la même et que cela a été difficile de faire son trou, qu’elle a trouvé un bon poste (en fait elle a créé un service de traitement national des réclamations les plus difficiles à traiter, qui était le dernier échelon après que tous les autres niveaux aient échoué pour dépanner des clients) mais qu’ensuite elle a commencé à être victime de harcèlement moral de la part de son manager, qu’elle est devenue corvéable à merci, et qu’elle a eu le malheur de tomber entre les mains de la DRH Evelyne Malach et qu’à partir de là, cela a été la descente aux enfers. Samira a en fait refait à la barre tout le périple de son malheur, qui est consigné dans les documents de l’Instruction. Elle précise qu’elle ne prend connaissance de l’existence du Plan NExT et du Programme ACT qu’au tribunal, au début du 1er procès en 2019. C’est là qu’elle réalise qu’elle a été victime d’une machination destinée à la broyer pour faire du Moins Un. Après avoir expliqué sa descente aux enfers, son isolement, les pressions reçues, les magouilles dont elle a été victime, elle explique à la Cour qu’elle n’a plus de vie… Qu’elle a tenté deux fois de se suicider et que si elle est encore vivante, c’est grâce à sa sœur, présente dans la salle. Elle explique que toutes les portes se sont retrouvées fermées devant elle, qu’elle était devant un mur, elle détaille un événement, quand elle a essayé de rencontrer M. Jacques Moulin, alors DRH OPF, mais qu’à Arcueil, on lui a juste envoyé un « comité d’accueil » pour la jeter dehors…, et ce qu’elle souhaite, c’est que le jugement de première instance soit confirmé et que les dédommagements soient plus importants, vu tout ce qu’ils ont commis. Elle ajoute qu’il faudrait que ce procès ait valeur d’exemple, et que la Loi évolue pour que des dirigeants ne puissent plus agir dans l’impunité en commentant de tels actes. (Ndlr : taper au porte-monnaie les coupables, c’est ce qui leur ferait le plus mal, aussi, un relèvement des dommages et intérêts serait une bonne chose pour les victimes. Enfin, pour la protection des personnels par la Loi, que font les politiciens censés nous représenter ?)
- À 13H15, M. Jacques Moulin niera à la barre avoir reçu cette alerte… S’ensuivra un échange entre Mme la Présidente, l’avocate de Mme Guerrouj, Mme Guerrouj, sur l’email qui prouve que ce serait bien Mme Guerrouj qui dit bien la vérité. Affaire à suivre (ce era confirmé quelques jours plus tard, le mail existe bien…) (Ndlr : je me souviens que lorsque j’avais écrit par e-mail à la Directrice de la DT d’IDF, je n’avais jamais reçu de réponse en quoi que ce soit… Donc je ne suis pas surpris par le récit de Mme Guerrouj.)
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- 15 juin 2022. Une journée pataude au Tribunal.
- À 9H15, M. Lombard est à la barre pour l’analyse de sa personnalité. On apprend qu’il est Ingénieur depuis 1967 au CNET. Il déclare : «À l’époque, j’ai prêté serment, c’est très important». (Ndlr : il est toujours curieux pour moi, qui suis fonctionnaire de l’État, de voir comment ces Hauts-Fonctionnaires se souviennent soudain qu’ils sont fonctionnaires et qu’ils ont prêté serment, alors que ces mêmes personnes ont toujours tout fait depuis les années nonante pour nous faire oublier, à nous, les fonctionnaires plus jeunes qu’eux, que nous sommes des fonctionnaires et non pas des salariés lambda. Ils nous ont vraiment vendus pour un plat de lentilles, si je me permets cette comparaison…) Ensuite, que le lecteur ne compte pas sur moi pour détailler la vie de famille de M. Lombard, ses revenus etc. Tout au plus résumerai-je qu’après son départ contraint et forcé de France-Télécom, M. Lombard a été manger à tous les râteliers dans un tas d’organismes, de conseils d’administration divers jusqu’à l’âge limite de 75 ans. Au passage, il nous a reparlé de l’effet Werther, et du fait aussi qu’en Suède et en Norvège, la presse ne parle que très peu des suicides, car cela encouragerait d’autres à se suicider. Grosso-modo, l’on devine que ce serait à cause des journalistes qui parlent des suicides, qu’il y a eu une vague de suicides… Toujours la même défense soit c’est la faute des journalistes, soit des syndicats…
- À 9H45, M. Louis-Pierre Wenes est à la barre pour l’analyse de sa personnalité. En dehors de ses histoires de famille, d’argent etc, dont je ne parlerai pas, nous apprenons quelques informations. Tout d’abord, M. Wenes adore le travail du bois, il est une sorte de menuisier amateur, il a construit très jeune une charpente d’habitation. Le bois est son hobby, et M. Wenes a bien le droit d’avoir un hobby. Aussi, comme me le faisait remarquer un confrère, il pourra fabriquer des cercueils en sapin du plus bel effet, avec de belles moulures. Cela finit toujours par servir au moins une fois. Nous apprenons aussi que c’est M. Thierry Breton qu’il connaissait, qui lui a conseillé de venir à France-Télécom pour devenir Directeur des Achats… (Ndlr : ah ! les Amis ! Les conseilleurs ne sont pas les payeurs, c’est bien connu. Parfois il ne faut pas écouter ses amis)… Il est Ingénieur de l’École Centrale. Il est travailleur, son épouse qui le conseille, a fait une carrière dans les RH et le coaching… (Ndlr : du coup, l’on comprend mieux la genèse des fameuses cellules d’écoute proposée par une relation de Madame, le Psychologue de foire Guinchard et tous ses gadgets bizarres… Comme quoi, il faille tout écouter pendant le procès…). Puis, Monsieur Wenes se livre à une ode à la Retraite à 60 ans ! La fameuse retraite à 60 ans que tous les politicards ou presque veulent repousser à 65, 67 voire 70 ans. En effet, comme il a perdu un de ses frères à l’âge de 50 ans, il a réalisé que la vie est courte, comme il le dit, et que du coup, il avait décidé de partir à la retraite à 60 ans (Ndlr : tout le monde le sait – «La Vie commence à 60 ans ! quand on la connaît mieux qu’avant…»)
- À 10H10, Mme Brigitte Dumont est à la barre pour l’analyse de sa personnalité. Nous y apprenons qu’elle est entrée dans France-Télécom par la filiale France Câbles Radio (FCR) en 1991, par un relation d’amitié. Elle débute dans la fonction RH en 2000. Elle déclare avec le plus grand sérieux à la Cour : « J’aime le dialogue social » (Ndlr : avec un gourdin façon Capitaine Caverne ?). Nous apprenons aussi qu’elle est Chevalier de la Légion d’Honneur depuis 2009. Non pas pour services rendus dans la catastrophe survenue à France-Télécom (Ndlr : ouf, nous avons eu chaud), mais qu’elle a été décorée en raison de son investissement bénévole dans plusieurs associations d’aides aux enfants défavorisés, de banlieues ou d’ailleurs, de la diversité, des femmes, etc. (Ndlr : là, nous sommes plusieurs parties civiles à nous dire : «Ah ! Si elle avait pu nous aider aussi, c’aurait été super !») Enfin, ouf, nous apprenons enfin que Mme Dumont est enfin partie à la retraite en Février 2021. (Ndlr : visiblement, personne n’a poussé de force vers la sortie Mme Dumont, à contrario comme furent poussés vers la sortie avec des carrières incomplètes des milliers d’agents de France-Télécom par son Programme ACT, dont elle incarne assurément le rôle de Grande Prêtresse incontestable !) Enfin, elle explique que ce procès est pour elle une épreuve et que tout cela est très difficile à supporter. (Ndlr : et pour nous, agents de l’État, cela a été très difficile de supporter leur politique infâme de plan social officieux de réduction d’emplois de 22.000 têtes de pipe et de 10.000 reconversions forcées complètement délirantes. Nous avons dû les supporter, eux, et leur politique tordue pendant plusieurs années et nous en payons le traumatisme chacun à notre manière, alors, il leur faut devoir supporter le choc en retour de toutes ces procédures judiciaires depuis déjà plusieurs années.)
- À 11H10, Madame Nathalie Boulanger est à la barre pour l’analyse de sa personnalité. Nous apprenons qu’elle est Ingénieur des Télécommunications depuis 1985 date de son entrée dans l’Administration des PTT, spécialisée en mathématiques (Ndlr : l’on comprend pourquoi ce fut à elle que M. Wenes lui confia le soin de pointer les départs partout dans les entités et les DT… Elle sait faire les comptes, car elle aime les chiffres…) Ensuite, nous apprenons qu’elle participe à plusieurs associations d’aide aux jeunes en difficultés, de la diversité, des quartiers etc… Bref, comme Madame Dumont, Madame Boulanger aime aider les gens en difficulté en dehors de France-Télécom. (Ndlr : c’est bizarre ces personnes qui aiment aider les gens en dehors de France-Télécom… Ah ! si cela avait été la même chose DANS France-Télécom…). Mais à un moment donné Madame Boulanger va commettre une déclaration qui a une certaine importance. Elle va un peu se confier à la barre et déclarer que l’ORTC a été pour elle une remise en cause personnelle, quand elle découvert tous les drames en cette occasion… Elle ajoute : « On a quand même raté quelque chose, à l’évidence» et ajoute : « Je me sens à titre personnel en responsabilité humainement et moralement par rapport à tous ces drames qui sont arrivés » Elle indique se poser des questions sur : « Comment j’aurais pu faire autrement…». Il convient de préciser que jusqu’à ce jour, Madame Boulanger est la seule qui commence timidement à reconnaître un certain degré de responsabilité dans ce qui est arrivé de dramatique à France-Télécom. Soit son début d’aveu très partiel est une stratégie de défense calculée pour tenter de la faire passer pour une gentille personne qui s’est trompée à un moment donné et qui n’a pas compris mais qui essaye désormais de faire amende honorable, soit ce demi-aveu est strictement sincère. Quelle que soit la vérité, elle est la seule à faire ce type de déclaration et il faut quand-même le souligner…
- À 11H55, vient à la barre une Témoin de Moralité produite à la demande de M. Louis-Pierre Wenes. Il s’agit d’une employée ayant travaillé à France-Télécom sous les ordres de M. Wenes, et elle ne va en dire pendant 10 minutes que du bien, qu’il était très travailleur (ce qui est vrai) et qu’il réfléchissait à un tas de choses, qu’il était très actif pour traiter beaucoup de sujets en même temps et qu’il avait une acuité pour identifier et résoudre des problèmes. 10 minutes plus tard, je déduis que nous n’apprendrons rien de ce témoin, et du coup, je pars déjeuner et ainsi éviter la cohue au restaurant et au retour au Tribunal… Ayant un emploi du temps très chargé, je n’ai pas de temps à perdre avec des témoignages gadgets hors sujet.
- À 14H25, Mme Brigitte Dumont est à la barre pour l’interrogatoire récapitulatif des griefs… Et cela ne va pas être triste ! Mme la Présidente cite les faits qui lui sont reprochés, une vraie liste longue comme le bras… La cour lui pose une question simple : « Êtes-vous Madame ACT ? » (Ndlr : c’est la question qui tue…) Et là, Mme Dumont repart dans ses déclarations qui partent dans tous les sens… À un moment donné les 3 juges n’en peuvent plus, Mme Dumont leur ressort son catéchisme de langue de bois comme jamais… C’est extraordinaire… Elle louvoie, elle noie le poisson et répond toujours à côté… Ensuite la Cour la coince sur son fameux CV personnel saisi en perquisition, où elle indique avoir réalisé l’objectif de -17000 agents : Objectif Atteint ! Mme Dumont raconte alors n’importe quoi, elle est coincée et la Cour ne gobe pas ses sornettes… Elle ose déclarer qu’il ne s’agissait pas d’un suivi quantitatif… Elle déclare que ce CV n’en était pas vraiment un, elle minimise le document qui l’accable… Elle ose déclarer que jamais au grand jamais elle n’a travaillé sur un programme de déflation… (Ndlr : qui peut la croire ?). Elle redit qu’elle n’avait aucune responsabilité dans le suivi de ACT, et là, la Cour la reprend de volée en lui rappelant qu’elle avait participé à 22 réunions relatives au déploiement du programme ACT en France, en s’exprimant en début de réunion, au moment le plus important. La Cour ajoute que dans les PV saisis de ces réunions, on y retrouve tout au long de ces compte-rendus même quand elle n’est pas là, ses propres tournures de phrase que la Cour a appris à reconnaître, et la Cour le précise bien publiquement! Cela en devient pathétique. La pauvre Madame Dumont se fait contredire systématiquement par la Cour… Elle sera aussi contredite méthodiquement à propos de la GPEC qui a foiré en 2006, transformée en Décision Unilatérale… Et Madame Dumont de systématiquement tenter de rhabiller la mariée et déclarer que la GPEC était très bien alors qu’il s’était agi d’un échec cuisant, évidence notoire qu’elle refuse de reconnaître pendant un quart d’heure ! Mme la Présidente du Tribunal déclare le truc qui tue : « Madame Dumont, la Cour constate qu’à chaque fois que nous vous posons une question simple vous êtes incapable de nous répondre simplement et que vous nous produisez un éventail de réponses…». La Cour a compris que Mme Dumont est une baratineuse, ni plus, ni moins… Quand Maître Topaloff l’interroge, et notamment sur ses responsabilités, elle lui demande si elle était prête à reconnaître, comme l’a fait Madame Boulanger, une certaine part de responsabilité dans ce qui est arrivé à France-Télécom… Et là, ne rêvons pas… Elle ne reconnaît rien et déclarera même : « J’ai fait le maximum de ce que je pouvais faire…» Elle ajoute toutefois qu’elle se reconnaît dans les déclarations de M. Guérin sur la culpabilité de France-Télécom dans certains drames, et elle ajoute : « Je pense qu’insuffisamment de personnes ont été accompagnées individuellement » et au terme d’une tournure dont elle a le secret rabat la faute sur les méchants syndicats sur ce qui est arrivé, que les Espace Développement ont été sabordés par les syndicats (Ndlr : elle ne le dit pas comme cela mais c’est ce que cela veut dire)… Elle ajoute aussi que les réorganisations n’étaient pas faites pour le plaisir… (Ndlr : Je n’en suis pas si certain, car en restructurant sans arrêt et n’importe comment, tu rends les gens fadas et tu les pousses au départ de France-Télécom…) Enfin, Mme l’Avocate Générale manque de faire rire toute la salle quand elle s’interroge à haute voix sur toutes ces incroyables difficultés de transmissions de l’information dans France-Télécom… (Ndlr : Pour une société de télécommunications, cela fait tache… Bienvenue à France-Télécom !)
- À 17H05, Mme Nathalie Boulanger est à la barre pour l’interrogatoire récapitulatif des griefs… Sa déclaration importante ayant été faite le matin, le reste ne l’est pas autant. Au fil de son interrogatoire, Mme Boulanger parle d’une voix très douce (que la Cour constatera aussi) une voix très relaxante qui donnait envie de faire dodo. Elle insiste sur ce qu’elle a essayé de faire, la création du Baromètre Salariés, la mise en œuvre des fameuses cellules d’écoute… mais comme le rappelle la Cour, Madame Boulanger essaye parfois de faire admettre des choses un peu trop grosses, comme le fait par moment d’agir un peu à l’insu de son plein gré (comme à la maison de la chimie), pour se dédouaner des griefs reprochés… Mais la Cour ne semble pas se faire circonvenir facilement car il est alors rappelé que Madame Boulanger avait la vue panoramique sur la situation des effectifs au jour le jour dans chacune des 11 DT… Donc difficile de faire celle qui ne savait pas grand chose… La Cour parle aussi d’une certaine Schizophrénie dans France-Télécom (Ndlr : Bienvenue dans France-Télécom !) Madame Boulanger déclare alors : « J’ai fait tout ce que je pouvais faire dans la limite des contraintes qui m’étaient imposées…» Et de broder encore une fois sur les cellules d’écoute, un moyen novateur qui en son temps n’a pas été compris, etc. Mais ce qui est amusant c’est que la Cour lui rappelle que c’est elle qui avait simplement utilisé la bonne vieille règle de 3 dans chaque DT : en effet, pour assurer la tenue de l’objectif (nié) de réduction d’effectifs en France, Madame Boulanger avait tout simplement appliqué la règle de 3 pour chaque DT, ce qui donnait pour chaque DT le chiffre de personnels à dégager d’une manière ou d’une autre, par la porte ou par la fenêtre… (Ndlr : qu’importe, diantre ! Qu’ils se barrent, c’est tout ce que l’on veut ! On veut nos Moins 22.000 pour les Banques, pour la Bourse !) J’ai ensuite raté les dernières minutes de blabla qui concluait l’interrogatoire de Mme Boulanger qui ne nous aura pas appris beaucoup de choses, à part que Madame l’Ingénieur Mathématicienne connaît et maîtrise donc la règle de 3 utilisée pour liquider 22.000 emplois dans France-Télécom…
- À 18H15, Monsieur Nicolas Guérin, Représentant du Groupe Orange au procès, est venu nous parler de ce qu’il se passe à Orange à propos de l’affaire. Il nous apprend certaines informations, nous donne des chiffres, des dates.
- Nous apprenons qu’à date, il reste 350 dossiers précédemment rejetés par le comite de réparation qui doivent être réexaminés. Il comprend qu’en cas de refus d’indemnisation, cela puisse être pris par les personnels comme une seconde trahison. Il ajoute que 1400 entretiens ont déjà eu lieu devant le Comité de Réparation ; que ce Comité est formé de personnes extérieures à Orange, que 13 réunions se sont tenues avec les syndicats pour les tenir informés même si les syndicats n’ont pas agréé le fonctionnement du comité. M. Guérin s’engage à fournir des bilans chiffrés au plus vite, et que le réexamen des dossiers encore en souffrance sera achevé en Juillet 2022. Il évoque aussi les difficultés pour Orange dans le suivi et le devenir des personnels éloignés du service depuis déjà plusieurs années et s’engage sur un bilan pour évaluer ce qui aura pu être fait pour ces personnes. Il indique que la période de 2007 à 2010 a été retenue par le Comité de Réparation, soit un intervalle plus large que la période de Prévention retenue par le Tribunal. Il indique que la saisine du Comité de Réparation se fait en complétant un formulaire, et qu’ensuite la procédure était prévue initialement pour se dérouler par écrit, puis qu’elle a été ouverte aux auditions orales et que cela avait pu aider beaucoup de personne que de venir parler directement, se confier sur ce qui leur était arrivé. Sur ce Maître Topaloff tient à remercier vivement M. Guérin, pour ce qui a déjà été fait avec ce Comité de Réparation créé dès l’automne 2019, sur ce M. Guérin indique devoir refuser les remerciements car, comme il le déclare : « C’était notre devoir de le faire ». Sur ce Mme l’Avocate Générale demande si, au niveau des amendes à verser, si toutes les victimes avaient été payées, sur ce M. Guérin répond que oui, tout le monde a été payé, sauf M. Salmon, car il n’avait plus d’avocat, mais que depuis quelques jours M. Salmon a remis un RIB et que le payement sera très rapidement effectif. Elle demande aussi si une action récursoire est envisagée par Orange pour récupérer l’argent versé au victimes, auprès des condamnés en première instance. Sur ce, M. Guérin précise que pour l’heure rien n’était décidé et pense attendre la fin de tous les procès présents et/ou à venir, car l’on ne sait pas s’il va y avoir un éventuel procès en cassation, son résultat et un second procès en appel…
- À 18H30, l’Avocate de M. Olivier Barberot est à la barre pour 2 ou 3 minutes d’une déclaration / conversation incompréhensible pour moi. De toute manière, cette déclaration n’a qu’une portée très limitée car nonobstant les déclarations délirantes de M. Barberot dans son courrier transmis et lu au début du procès en appel, icelui n’a pas fait appel du jugement de première instance l’ayant condamné, donc M. Barberot est coupable, a reconnu sa pleine culpabilité définitivement et c’est cela qui compte, au delà de tous les exercices de styles. Voici qui conclut cette journée pataude.
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- 16 juin 2022. Une journée gag. Au moins j’aurai moins de travail pour la relater. Finalement l’intervention la plus instructive aura été la première.
- À 9H10, M. Guy-Patrick Cherouvrier est à la barre pour l’entretien de personnalité. Mme La Présidente du Tribunal soulignera le parcours de M. Cherouvrier, comme représentatif de l’ascenseur social typique. Et il est vrai que le détail de sa vie le prouvera. Il aura même travaillé dans les petits boulots en été, pendant les vacances, et il parviendra à devenir Ingénieur, ce qui relève d’une certaine performance, étant issu d’un milieu populaire (mais non misérable). L’entretien qui débute ce matin sera au démarrage très laborieux. Sans vouloir faire dans le larmoyant, on sent que M. Cherouvrier est très fatigué. (Ndlr : il n’est pas secret que M. Cherouvrier souffre d’une longue maladie depuis maintes années, et honnêtement, je ne pense pas qu’il simule. Même si, à notre humble avis, cela ne retire rien à ses responsabilités dans l’accident industriel survenu dans France-Télécom durant ces années de plomb.) Interrogé sur son départ en retraite, il répond qu’il s’agit d’un mix entre ses problèmes réels de santé et aussi d’un désaccord avec M. Olivier Barberot, le DRH du Groupe, par rapport aux propos de ces derniers, que M. Cherouvrier trouve devenir inconvenant (sur le fait de devoir déstabiliser les personnels). M. Cherouvrier déclare qu’il n’était plus d’accord avec M. Barberot, dans le contexte qu’il voyait évoluer défavorablement… Il précise qu’il repense aux propos de M. Barberot qui dégoisait à qui-mieux -mieux sur le fait de réduire de 22.000 agents les effectifs… Ce qui a torpillé, comme M. Cherouvrier le précise, la GPEC de l’année 2006. Il précise en outre : « Je suis conscient que les marges de manœuvres, je ne les avais plus, et que du coup je ne voulais plus rester à ce poste.»… (Ndlr : là on rejoint le passage il y a quelques jours où il affirmait avoir été plus ou moins poussé à prendre sa retraite, mais où M. Cherouvrier n’a finalement pas craché le morceau…). À un moment donné il va déclarer à la cour : « Je comprends qu’il y a des drames très graves que j’ai découverts pendant les auditions. Je ne me revendique pas victime, ce qui serait indécent, mais je me suis senti humilié car ce que l’on me reproche, c’est l’inverse que de mon comportement. ». Il ajoute : « vous ne le savez pas, mais j’ai déjà payé chèrement toute cette affaire. J’ai déclenché un premier cancer en 2008, en pleine crise, et j’ai ensuite rechuté et j’ai dû subir de nombreuses opérations car le cancer est revenu est s’est généralisé ». Il ajoute : « pour moi, ce n’est pas la retraite que j’aurais penser mériter. Je ne peux même plus voyager, je ne peux rien faire etc… ».
- À 9H55, M. Guy-Patrick Cherouvrier reste à la barre pour l’interrogatoire récapitulatif des griefs. Il déclare rapidement : « Cette affaire de déstabilisation des salariés m’a ébranlé, et je l’ai dit à Olivier Barberot (Ndlr : qui avait prononcé ces mots). Sur ce, la Cour est embarrassée car M. Barberot n’est pas présent sur place pour le contradictoire… Alors du coup l’on ne sait pas si M. Cherouvrier charge M. Barberot parce qu’il n’a pas fait appel, ou par ce qu’il s’agit de la vérité… À un moment donné, il se plaint du 2ème procès qui l’humilie. Mais Mme la Présidente le reprend de volée et lui déclare que peut-être que les Parties Civiles veulent aussi obtenir des réponses, elles aussi, à ce qui leur est arrivé (Ndlr : eh oui, nous voulons que tout cet historique des événements soit régénéré par la Justice, car ce que nous avons vécu n’était pas normal…) Ensuite il se plaint, il déclare qu’il a été condamné dès le départ… (Ndlr : après ce qui a été saisi par la Police, ce qui a été établi en 1ère instance, qu’espérait-il d’autre ?)…Ensuite, il a été travaillé par la Cour et il va finir par reconnaître que les Low Performers ont bien été poussés vers la sortie… Il reconnaît que les -22.000 effectifs étaient un des objectifs du Programme ACT, mais pas l’objectif principal… (Ndlr : Pourtant, il est en désaccord avec M. Barberot, alors il faudrait savoir…) En fait, et pour résumer, M. Cherouvrier se fait coincer à chaque fois par la Cour… Coincé, il déclare à un moment donné : « Il y a toujours plusieurs vérités »… (Ndlr : ce qui est stupide, la vérité est unique… D’ailleurs, la Cour le reprend de volée et explique que la vérité judiciaire consiste à recomposer la Vérité, au mieux à partir des éléments de l’enquête…)
- En fait, pour éviter de tourner autour du pot, en réalité, voici ce qu’il se passe. Les Prévenus, condamnés en première instance, sentent que pour eux la situation est mal engagée, eu égard aux motivations de la première condamnation, et aux compléments d’analyses de la Cour d’Appel. Des paroles entendues de prévenus me laissent comprendre qu’ils anticipent une nouvelle condamnation pour ce qu’ils ont commis. D’ailleurs cela fait une bonne semaine que l’on commence à entendre parler, dans la Tribunal, d’un possible, voire probable, recours en Cassation… Car ils anticipent déjà leur recondamnation.
- La Cour évoque la réunion Réussir ACT du 9 mai 2007. À ce moment-là cela chauffe encore un peu et la Cour déclare à M. Cherouvrier que : « par moment l’on croit que vous allez enfin parler et « cracher le morceau » mais qu’ensuite vous vous refermez comme une huître». Sur ce il déclare qu’il avait plusieurs canaux de remontée des problèmes, par le CCE, le CCUES, la Médecine de Prévention, les Petits Déjeuners réguliers… Et pourtant, il ne savait jamais rien sur le malaise dans France-Télécom… Il se fait coincer par la Cour sur l’alerte émise au CNSHST en 2007. Il part dans des explications qui ne tiennent pas debout, notamment le transfert de cette alerte dans une obscure Commission Stress, sans aucun pouvoir, une sorte de voie de garage destinée à un enterrement de première classe…Sur les Cellules d’écoute du psychotique Guinchard, il les approuve. Sur l’observatoire du stress et des mobilités forcées, il ne l’approuve pas (car c’est syndical, bien sûr)… Sur ORGA Consultant, ce cabinet mystère que personne ne connaît, soi-disant, qui a travaillé autour du programme ACT, un dénouement va apparoir. En effet, la Cour lui demande qui est LA Cheffe de Projet de Réussir ACT… Icelui répond : M. Thierry Feurgart… Sur ce, la situation va chauffer avec la Cour, et il va d’abord déclarer qu’il s’agissait du premier chef de projet d’origine… Car en fait le chef de projet a changé assez vite… de LE il est devenu LA… Et la Cour de revenir à la charge… Et lui de commencer à répondre à côté… En blablatant… Et la Cour s’est sérieusement énervée, après cette manœuvre, M. Cherouvrier crache enfin le morceau : « Le 1er nom qui me vient à l’esprit est Mme Brigitte Dumont, mais comme elle a déclaré hier qu’elle n’était pas la Cheffe de Projet, je ne comprends pas… » Puis encore un peu retravaillé par la Cour, icelui déclare : « Mais ce que je sais c’est qu’à l’époque il n’y avait qu’un seul Chef de Projet Femme, dans les RH, et c’était Mme Dumont… » Ensuite, le reste n’est pas très important. Ce qui est important c’est qu’il ait craché le morceau sur le fait que Mme Dumont est bien la Grande Prêtresse du Programme ACT, il l’a, à notre avis, confirmé ce jour, nonobstant les dénégations de cette dame les jours précédents… (Ndlr : mais pourquoi ces personnes ne sont-elles pas fières de ce qu’elles ont commis ? Je ne comprends pas…) Ensuite, il y a eu les questions, qui sont arrivées par Maître Doumic, où entre la Cour et elle cela a une nouvelle fois chauffé… Mais le principal est fait : la Grande Prêtresse d’ACT est bien Mme Brigitte Dumont, devant laquelle nous nous prosternons, et visiblement, M. Cherouvrier, même s’il a été futé en rédigeant des notes de service RH volontairement ambiguës, la Cour ne semble pas dupe sur ses notes de services qui, si elles ne parlaient pas spécifiquement d’instaurer une rétribution de part variable des managers indexée sur la déflation des personnels poussés au départ, avait tout de même laissé toute latitude aux échelons locaux pour instaurer de telles primes. Les griefs nous semblent donc confirmés à l’issue de cet interrogatoire.
- À 11H52, le témoin de moralité cité par Mme Nathalie Boulanger est cité à comparoir. Il s’agit de M. Jérôme Faul. Il a connu Mme Boulanger jadis à France-Télécom, ils se connaissent bien et il va déclarer que Mme Boulanger est très gentille, etc, blablabli blablabla. C’est du hors sujet, qui n’amène rien au débat. Je le constate très vite, ceci ne sert à rien sur le fonds, et n’ayant point de temps à perdre, je décide d’aller déjeuner Au Vieux Châtelet tranquillement.
- À 14H25, rebelote. Nouveau témoin de moralité cité par Mme Nathalie Boulanger, M. D’Arbois… Là on est dans le monde merveilleux de Oui-Oui, où nous recevons un naïf qui à l’époque des années de plomb, n’a jamais rien constaté de bizarre… Il me fait penser à ce fondé de pouvoir dans ce film de Georges Lautner, Les tontons flingueurs… qui se retrouve sous la mitraille mais qui ne voit jamais rien… Sans intérêt…
- À 15H00, Nous avons désormais M. T. Corre, cité par Mme Nathalie Boulanger. Ancien syndicaliste CFDT (qui ne citera jamais son appartenance syndicale), il prend la défense de Mme Boulanger et dit ne pas comprendre pourquoi elle a été condamnée. Mais ce témoin n’est pas totalement déconnecté de la réalité. Il reconnaît clairement devant la Cour que la situation a déraillé dans France-Télécom et qu’il est arrivé des situations anormales et même que de situations individuelles fâcheuses au départ, le climat s’est dégradé et s’est ensuite généralisé à tout France-Télécom. Il s’en veut de ne pas l’avoir vu immédiatement, Mais au passage il parle des réunions du CCE auxquelles il participa jadis en tant qu’élu et en profite pour charger à fond les ballons les prévenus Lombard, Wenes, Barberot et Cherouvrier en déclarant que lors des réunions du CCE, il avait fait des remarques sur la situation grave dans France-Télécom, ainsi que d’autres élus, et que les 4 prévenus les écoutaient gentiment mais qu’ensuite il ne se passait jamais rien… C’est-à-dire que logiquement, ce témoin, fort intéressant à ouïr, aurait dû plutôt être produit par les parties civiles, alors qu’il a été produit par Mme Boulanger… Nous en restons bouche bée. Nous nous demandons ce qu’il se passe… Je vais émettre une hypothèse non vérifiée… L’on sait qu’entre M. Wenes et Mme Boulanger, il s’est produit une bizarrerie et que Mme Boulanger a été éjectée par M. Wenes sous prétexte de Time To Move… L’on puisse penser qu’elle se soit vengée en lâchant les chiens, en se disant : « Puisque vous m’avez fichu dans la mouise, et que vous m’avez lâchée, je vais vous le faire payer en vous chargeant à fond les ballons ». C’est une hypothèse que je formule, car nous savons que toute femme qui se sent trahie est capable de tout pour se venger… Nous verrons…
- Dans la conversation avec la Cour, M. Corre rappelle qu’avec la fin du CFC, cela allait être compliqué de poursuivre les départs de l’entreprise à la même cadence. Il évoque la seconde possibilité ouverte, celle du départ dans d’autres Fonctions Publiques, mais souligne un point complémentaire qui n’avait jamais été évoqué en 1ère instance, celle de la mise en concurrence directe au même moment d’avec les Fonctionnaires de la Poste, qui eux aussi cherchaient à quitter La Poste ! Donc, cette solution de départ et de déflation ne pouvait que se révéler mineure par rapport aux départs en CFC… Sans compter les compressions de personnels générales dans toutes les Administrations Publiques…
- Nota : à un moment donné, Maître Jean Weil est sorti du frigo et a posé une question bizarre au Témoin, je cite, de mémoire : « Pensez-vous que le travail dans les bureaux à France-Télécom soit comparable à Auschwitz ? » Tout le monde reste sidéré. Maître Weil, qui n’en est pas à son coup d’essai, nous a fait une rechute. Le point Godwin est à largement atteint. Il semble marqué par ce qu’il s’est passé en 1940, et nous pouvons le comprendre… Bon, nous sommes en 2022… À un moment donné, il faut essayer de passer à autre chose. Nous, agents de France-Télécom, aimerions bien aussi pouvoir passer à autre chose… Pourtant les prévenus et leurs avocats parlent déjà d’aller en cassation (tellement ils ont la conscience pas tranquille)…Nous connaissions « Vichy, ce passé qui ne passe pas. » Mais nous, nous, connaissons : « France-Télécom, ce passé qui ne passe pas non plus… »
- À 16H30, M. Jacques Moulin est à la barre pour l’interrogatoire récapitulatif des griefs. Nous le savons, M. Moulin est un gros baratineur. Un moulin à paroles. Je suis provençal, j’aime bien parler, mais lui, il est hors concours… Il a endormi le public y compris moi-même, et cette séance témestatique aura duré jusque 19H00. Plusieurs collègues et confrères ont déserté la salle… Le Monsieur n’arrête pas de parler, il parle, il parle, il parle, et c’est du baratin de vendeur de voitures. À un moment donné, la Cour déclare que, je cite de mémoire : « M. Moulin parle beaucoup et fait de belles phrases très longues, très élaborées, et que du coup, dans ses déclarations très longues, il y a beaucoup de fleurs mais que quand il y a trop de fleurs comme en ce moment, on n’arrive plus à distinguer le tronc principal des branches. » Cela résume tout. La Cour a compris, a déduit, comme moi-même, que M. Moulin (qui essaye de se défendre avec ce qu’il peut), est un gros baratineur qui concourt hors catégorie. Il nous aura endormi durant deux heures et demie. Il a un sacré talent hypnotique… Avec lui, pas besoin de Luminal pour dormir… Sacré Jacquouille, tu es un Témesta ambulant ! Mais j’ai comme un doute… La Cour semble entraînée à résister à ce type de stratégie… L’avenir nous le dira… Fin de cette journée…
Ci-dessus : votre serviteur particulièrement affaissé sur le banc dans une salle au trois quarts vide, à 18H39, pendant l’interrogatoire témestatique de M. Moulin.
Dessin Claire Robert – 16 juin 2022 – Coll. Claire Robert
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- 17 juin 2022. les deux ultimes interrogatoires des griefs. Pas d’avancée, les prévenus restent droits dans leurs bottes crottées. Au passage, la Cour précisera qu’à l’issue du procès en appel, il serait tout à fait possible que certains prévenus précédemment condamnés comme Auteurs des faits pourraient se voir recondamnés en Complices, mais que l’inverse était aussi possible, à savoir d’un condamné Complice pourrait se voir requalifié en Auteur des faits reprochés… Voilà qui peut donner à réfléchir à certain(e)s…
- À 8H35, M. Louis-Pierre Wenes est à la barre pour l’interrogatoire récapitulatif des griefs. Récapitulatif de son passage à France-Télécom qu’il quitte le 6 octobre 2009. Combatif à la barre, il nous fait penser à Rocky Balboa. Il commence son intervention par : « la Compassion ne règle pas la Souffrance». Il ajoute : « Je continue à affirmer qu’il n’y avait pas de malaise généralisé dans l’entreprise. » Voici qui donne le la dès le début de l’interrogatoire. Il précise : « je n’avais pas de remontées particulières, y compris par le Dispositif d’Écoute Salariés non plus… Au niveau des arrêts maladie, il n’y avait pas d’augmentation d’absentéisme constaté avec les années précédentes». Il ajoute : « je trouve que même s’il y a eu 2000 dossiers déposés devant le Comité de Réparation, cela ne fait jamais que 2000 pour 100000, soit 2% des personnels… Cela reste peu.» Il précise qu’à cette époque-là, les syndicats ont eu du mal à mobiliser, sous-entendu selon lui, que cela voulait dire qu’il n’y avait rien de grave dans l’entreprise. Pour se dédouaner, il explique que la circulation de l’information était difficile dans les institutions représentatives du personnel, y compris au plus haut niveau, car, selon lui, nous étions tous en apprentissage des nouvelles relations sociales mises en place il y a seulement peu d’années… Indirectement, il renvoie la faute de ce manque de dialogue social sur le dos des syndicats… C’est un des deux arguments que M. Wenes ait pu trouver pour se dédouaner de ses hautes responsabilités, que de rejeter la faute sur les petits élus syndicaux… Toutefois, il précise qu’il ne rejette pas la faute sur les syndicats, mais déclare simplement que cela a nui à l’efficacité (Ndlr : je dis blanc, mais je dis que je ne dis pas blanc). Il se victimise en déclarant qu’en 2009, il y avait besoin d’un coupable idéal et qu’il était tout trouvé, lui, n’étant pas du sérail, n’étant pas polytechnicien, cela devenait facile de le livrer en pâture. Il précise avoir été jeté en pâture dans la Presse qui en a fait ses choux gras et son bénéfice facilement. Il précise, au détour de la conversation avec la Cour que pour lui, ces histoires de grades de fonctionnaires et d’avancement à l’ancienneté n’ont pas lieu d’être, et que seules comptent les compétences. Sur ce, il sera repris par la Cour à propos des règles qui doivent s’appliquer statutairement, ce dont M. Wenes, au final ne disconvient pas… Interrogé sur les alertes, M. Wenes, cette fois-ci, par rapport au premier procès, change de discours. Il ne va pas cesser de charger M. Olivier Barberot, le DRH Groupe. Il précise que les alertes, c’était M. Barberot qui les recevait et qu’il ne les lui avait pas transmises ! Il précise : « C’est la DRH qui décide de tout, et moi, j’applique ». Il cite nommément Messieurs Barberot et Cherouvrier entièrement responsables de la politique RH à France-Télécom. M. Wenes essaye aussi de convaincre la Cour que de n°2 de France-Télécom, il ne serait, au final, qu’un tout petit exécutant devant obéir au doigt et à l’œil à Messieurs Barberot et Cherouvrier… (Ndlr : sur le coup, en direct, M. Wenes parle énergiquement, avec une certaine force orale de conviction. Il sait parler. Mais en toute objectivité, la relecture de mes propres notes laisse apparoir une reconstruction phantasmée de cette époque… Imaginer le N°2 de France-Télécom en petit soldat, m’est impossible à le croire…). Interrogé sur le pourquoi de la création du poste de DRH Opérations France en 2008, il précise que : « c’est M. Barberot qui décide de créer ce poste, parce qu’il estime que cela fonctionnera mieux comme ça, et c’est aussi Barberot qui choisit Jacques Moulin à ce poste, pas moi.» Ensuite M. Wenes livre son opinion sur la qualité des services RH de France-Télécom. Il pense qu’il faut posséder des qualités d’écoute dans son ADN pour être un bon RH. Il pense qu’une partie des managers RH n’a pas les qualités d’écoute exceptionnelle qui sont requises à un moment où France-Télécom est plongée dans un changement d’une telle ampleur, dans une situation inédite, avec une telle mission à mener à bien. (Ndlr : il en profite pour charger la barque des services RH pour mieux tenter de se dédouaner…) Sur ce, Maître Topaloff rafraîchit la mémoire de M. Wenes. Elle reparle de la séance du 15 décembre 2006 du CCE. Elle rappelle que les syndicats ont alors prévenu que la situation dans France-Télécom allait devenir intenable en raison des 22.000 départs à réaliser… Il rétorque du tac au tac : « Ce n’est pas ce que m’a dit Barberot. Je n’ai pas d’alerte de Barberot…» (Ndlr : Bref, tout est de la faute de M. Barberot, tandis que lui, M. Wenes, n’est jamais au courant de rien dans cette entreprise, lui, le n°2 de France-Télécom…) Ensuite, M. Wenes est plongé dans une de ses curieuses contradictions, lorsque Maître Topaloff lui déclare : «Monsieur Wenes. Si comme vous le dites, c’est M. Barberot qui décide de tout en matière de RH, pourquoi est-ce vous qui créez les Cellules d’Écoute, qui relèvent du domaine RH ?». Il ne répond rien… Il est embrouillé… Interrogé sur le suicide de Michel Deparis, M. Wenes reste évasif… Il ne comprend pas trop pourquoi il a pu se suicider, après tout ce qu’il a dû subir… Interrogé sur l’alerte donnée par les syndicats pendant le CNSHSCT en 2007, M. Wenes répond : « Je ne recevais pas les alertes des CHSCT» (Ndlr : le CNSHSCT est le CHSCT sommital de tous les CHSCT de France. Et il prétend qu’il ne recevait pas les alertes de cet organe important… C’est tout de même dur de gober ça…) Il reste tout aussi évasif quand on lui demande pourquoi avoir créé des Cellules d’Écoute, si tout allait si bien que cela à France-Télécom ? Il baragouine : « la vitesse de restructuration allait mettre des personnels dans l’inconfort et que c’était prévisible…» (Ndlr : donc il prévoit, il pressent, mais il n’a jamais de remontées en retour… Il sait par avance que cela va être dur pour beaucoup de personnels mais il n’est jamais étonné de n’avoir JAMAIS de remontées… Il veut encore nous faire gober n’importe quoi…) Il ajoute la phrase convenue prononcée par tous les autres prévenus : « On a fait tout ce qu’on a pu, on a fait le maximum pour aider les salariés…» Interrogé par M. L’Avocat Général, c’est la question qui tue : « À votre avis, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné à l’époque ? Ou alors, est-ce que tout a bien fonctionné ? ». M. Wenes répond : « Si c’était à refaire, je ferais quelque chose de décalé par rapport à ce que j’avais fait. Je forcerais le dialogue social avec les syndicats, quitte à m’y investir personnellement, même si ce n’est pas mon boulot, alors que c’est aux RH de la faire. Je mettrais les pieds dedans. » (Ndlr : Il enterre donc la DRH de France-Télécom en lui reprochant indirectement son incompétence…) Enfin, interrogé par son Avocate, Maître Beaulieu, M. Wenes réaffirme le plus grand bien des Cellules d’Écoute, du dispositif d’Écoute Salarié et de IDCLIC. Il est content de lui. Interrogé par Maître Cornon, M. Wenes répond : « À cette époque, je ne me suis jamais demandé si l’on avait une crise. Je ne me suis jamais posé la question.» (Ndlr : M. Wenes est très satisfait de tout ce qu’il a fait. Il ne doute de rien, pour lui, il ne s’est rien passé ou si peu, quelques cas individuels tout au plus…)
- À 12H00, M. Didier Lombard est à la barre pour l’interrogatoire récapitulatif des griefs. Il commence sa déclaration par un : «j’ai déjà beaucoup parlé devant vous, donc ce sera plus court que M. Wenes». Il revient sur l’annonce des 22.000 départs qui ont été point central dans les débats au cours des procès et et dans l’émotion des salariés… Monsieur Lombard, en fait au cours de ses déclarations, va nous dire des choses très curieuses… Une sorte de réalité-miroir provisoire… Ainsi, rapidement, quand on commence à parler du devenir des personnels à cette époque il déclare, non sans rire : « J’ai dit à tout le monde : on ne touche pas au personnel ». Puis il parle de ce que doit être un grand pays avec un réseau solide de Télécommunications, d’Énergie électrique, et de Transport… Il évoque la situation en fin 2005 quand il y a eu une énorme baisse de chiffres d’affaire sur le téléphone fixe, au profit de l’utilisation des Iphone et de Skype, et qu’il lui fallait trouver de nouveaux gisements de chiffre d’affaires par milliards d’euros et que la situation été rétablie lorsque l’on a créé la télévision par internet et les bouquets de chaînes TV Orange. Puis très vite, M. Lombard commence à tourner en rond dans ses propos et nie farouchement avoir voulu réduire le personnel. Il nie l’évidence, il nie les faits, l’annonce des -22.000 à laquelle il explique que ce n’était que le prolongement de la courbe des départs « naturels » de France-Télécom, et pas plus… Puis il commence un éloge du Corps Social de France-Télécom qui possède de grande qualités, des qualités tout à fait spéciales… Il vante même la capacité d’adaptation des personnels de France-Télécom, cite l’Automatisation passée du Téléphone, le Delta LP, l’arrivée de l’électronique en commutation, la Fibre Optique… Bref. Il flatte dur… Il brosse dans le sens du poil… Il parle même des Navires Câbliers, où en pleine tempête au milieu des océans, que ce sont des Fonctionnaires de France-Télécom qui réparent les câbles optiques coupés, dans des salles blanches, sur le pont des navires… Et d’ajouter qu’il ne comprend pas pourquoi il existe un racisme anti-fonctionnaire et le dénonce vigoureusement… (Ndlr : à cet instant-là, je pense que M. Lombard est dans la Transfiguration divine) Mais hélas, de Transfiguration il ne restera que mirage… Mme la Présidente du Tribunal revient sur la quadrature du cercle : la fin du Congé de Fin de Carrière (CFC), au 31 décembre 2006, et du coup le comment du rythme de départs des personnels fonctionnaires pour la plupart, puisse donc se poursuivre… Mais Didier nie, il pense que la fin du CFC n’est pas un problème… Interrogé par la Cour sur M. Guy-Patrick Cherouvrier, DRH France, il affirme ne pas connaître à l’époque le subordonné direct de M. Barberot… Cela semble difficile à avaler pour tous les présents dans ce Tribunal, y inclus les avocats de la Défense, et ajoute de surcroît qu’il ne l’a jamais rencontré à cette époque… Il ajoute que le choix de recruter M. Olivier Barberot en tant que DRH Groupe était un choix de M. Thierry Breton, il venait de Thomson, et que M. Barberot était un DRH de haut niveau… M. Lombard ajoute : « Pour moi, M. Barberot n’est pas coupable », et ce bien que M. Barberot ait accepté se condamnation. Et M. Lombard de répondre à la Cour assez médusée : «M. Barberot n’a pas fait appel car il préfère rester tranquille au soleil»... Ensuite, Maître Topaloff va lui remettre certaines vérités devant les yeux, en lui soulignant que pour faire 22.000 départs sans le CFC qui disparaît à la fin 2006, l’on se heurte devant le mur de la réalité… Mais rien à faire, M. Lombard est entré dans une phase de déni de la réalité. Il déclare de manière imperturbable : «Le CFC est un sous-problème !» Puis de partir dans un rappel historique que le problème est la pyramide des âges à France-Télécom, car en 1981, François Mitterrand (qu’il ne cite pas directement) avait la haute main sur le Ministère des PTT et qu’il a été procédé alors à d’énormes recrutements qui ont déséquilibré toute la pyramide des âges, et que le problème se retrouvait maintenant… Et cela pour motiver de devoir plus ou moins se séparer, on ne sait pas trop de quelle manière d’ailleurs, de 22.000 fonctionnaires très rapidement… Il précise même tout de go : « c’était un boulet, ce truc ! » Lorsqu’on lui demande comment il fait pour réaliser ces 22.000 départs, sans le CFC, il déclare de but en blanc, en guise de seule explication : « Je ne rentre pas dans les détails, à mon niveau…» (Ndlr : la nouvelle version du célèbre «Je m’en lave les mains» de Ponce-Pilate) Et d’ajouter, comme les autres prévenus l’on fait précédemment : «J’ai fait au mieux ce que j’ai pu à mon niveau, en augmentant significativement le Budget Formations»… Puis il chargé allégrement les Médias qui ont exploité les suicides à France-Télécom pour faire de l’audience… Il fait aussi allusion aux syndicats (en refusant de confirmer qu’il accuse des Syndicats) qui ont ouvert la porte du Centre Téléphonique Carnot à la télévision pour qu’elle filme l’agonie d’une salariée qui s’était jetée du dernier étage dans la cour intérieure… (Ndlr : la journée est train de finir dans la lise… On est rendu au niveau des égouts de Paris…) Sur ce, Maître Teissonnière prend le relais et pose une question très simple à M. Lombard : «Comment faites vous pour dire : On ne touche pas le personnel, et de l’autre quand vous déclarez : Je ferai les départs, par la fenêtre ou par la porte. N’y a t-il pas une contradiction ?» et M. Lombard de refuser de répondre sèchement… Interrogé sur l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées, il répond : « Aucun souvenir !»… Interrogé sur les articles de presse écrite sortis en 2007 et 2008, soit avant la médiatisation des suicides, M. Lombard répond : «Je ne me souviens absolument de rien !». Interrogé par Maître Riera sur l’opération de Cahors, que M. Lombard déclara que des personnes de ce centre avaient réussi à contourner les pare-feu de sa boîte e-mail (Ndlr : des téléphonistes hackeuses de la cinquantaine… Foutaise !), il évoquera qu’ils sont obligés de procéder à un tri de manière logique, depuis l’époque de Michel Bon, car sinon, cela ferait comme pour le courrier adressé au Président de la République, il en recevrait 100.000…
- À 8H35, M. Louis-Pierre Wenes est à la barre pour l’interrogatoire récapitulatif des griefs. Récapitulatif de son passage à France-Télécom qu’il quitte le 6 octobre 2009. Combatif à la barre, il nous fait penser à Rocky Balboa. Il commence son intervention par : « la Compassion ne règle pas la Souffrance». Il ajoute : « Je continue à affirmer qu’il n’y avait pas de malaise généralisé dans l’entreprise. » Voici qui donne le la dès le début de l’interrogatoire. Il précise : « je n’avais pas de remontées particulières, y compris par le Dispositif d’Écoute Salariés non plus… Au niveau des arrêts maladie, il n’y avait pas d’augmentation d’absentéisme constaté avec les années précédentes». Il ajoute : « je trouve que même s’il y a eu 2000 dossiers déposés devant le Comité de Réparation, cela ne fait jamais que 2000 pour 100000, soit 2% des personnels… Cela reste peu.» Il précise qu’à cette époque-là, les syndicats ont eu du mal à mobiliser, sous-entendu selon lui, que cela voulait dire qu’il n’y avait rien de grave dans l’entreprise. Pour se dédouaner, il explique que la circulation de l’information était difficile dans les institutions représentatives du personnel, y compris au plus haut niveau, car, selon lui, nous étions tous en apprentissage des nouvelles relations sociales mises en place il y a seulement peu d’années… Indirectement, il renvoie la faute de ce manque de dialogue social sur le dos des syndicats… C’est un des deux arguments que M. Wenes ait pu trouver pour se dédouaner de ses hautes responsabilités, que de rejeter la faute sur les petits élus syndicaux… Toutefois, il précise qu’il ne rejette pas la faute sur les syndicats, mais déclare simplement que cela a nui à l’efficacité (Ndlr : je dis blanc, mais je dis que je ne dis pas blanc). Il se victimise en déclarant qu’en 2009, il y avait besoin d’un coupable idéal et qu’il était tout trouvé, lui, n’étant pas du sérail, n’étant pas polytechnicien, cela devenait facile de le livrer en pâture. Il précise avoir été jeté en pâture dans la Presse qui en a fait ses choux gras et son bénéfice facilement. Il précise, au détour de la conversation avec la Cour que pour lui, ces histoires de grades de fonctionnaires et d’avancement à l’ancienneté n’ont pas lieu d’être, et que seules comptent les compétences. Sur ce, il sera repris par la Cour à propos des règles qui doivent s’appliquer statutairement, ce dont M. Wenes, au final ne disconvient pas… Interrogé sur les alertes, M. Wenes, cette fois-ci, par rapport au premier procès, change de discours. Il ne va pas cesser de charger M. Olivier Barberot, le DRH Groupe. Il précise que les alertes, c’était M. Barberot qui les recevait et qu’il ne les lui avait pas transmises ! Il précise : « C’est la DRH qui décide de tout, et moi, j’applique ». Il cite nommément Messieurs Barberot et Cherouvrier entièrement responsables de la politique RH à France-Télécom. M. Wenes essaye aussi de convaincre la Cour que de n°2 de France-Télécom, il ne serait, au final, qu’un tout petit exécutant devant obéir au doigt et à l’œil à Messieurs Barberot et Cherouvrier… (Ndlr : sur le coup, en direct, M. Wenes parle énergiquement, avec une certaine force orale de conviction. Il sait parler. Mais en toute objectivité, la relecture de mes propres notes laisse apparoir une reconstruction phantasmée de cette époque… Imaginer le N°2 de France-Télécom en petit soldat, m’est impossible à le croire…). Interrogé sur le pourquoi de la création du poste de DRH Opérations France en 2008, il précise que : « c’est M. Barberot qui décide de créer ce poste, parce qu’il estime que cela fonctionnera mieux comme ça, et c’est aussi Barberot qui choisit Jacques Moulin à ce poste, pas moi.» Ensuite M. Wenes livre son opinion sur la qualité des services RH de France-Télécom. Il pense qu’il faut posséder des qualités d’écoute dans son ADN pour être un bon RH. Il pense qu’une partie des managers RH n’a pas les qualités d’écoute exceptionnelle qui sont requises à un moment où France-Télécom est plongée dans un changement d’une telle ampleur, dans une situation inédite, avec une telle mission à mener à bien. (Ndlr : il en profite pour charger la barque des services RH pour mieux tenter de se dédouaner…) Sur ce, Maître Topaloff rafraîchit la mémoire de M. Wenes. Elle reparle de la séance du 15 décembre 2006 du CCE. Elle rappelle que les syndicats ont alors prévenu que la situation dans France-Télécom allait devenir intenable en raison des 22.000 départs à réaliser… Il rétorque du tac au tac : « Ce n’est pas ce que m’a dit Barberot. Je n’ai pas d’alerte de Barberot…» (Ndlr : Bref, tout est de la faute de M. Barberot, tandis que lui, M. Wenes, n’est jamais au courant de rien dans cette entreprise, lui, le n°2 de France-Télécom…) Ensuite, M. Wenes est plongé dans une de ses curieuses contradictions, lorsque Maître Topaloff lui déclare : «Monsieur Wenes. Si comme vous le dites, c’est M. Barberot qui décide de tout en matière de RH, pourquoi est-ce vous qui créez les Cellules d’Écoute, qui relèvent du domaine RH ?». Il ne répond rien… Il est embrouillé… Interrogé sur le suicide de Michel Deparis, M. Wenes reste évasif… Il ne comprend pas trop pourquoi il a pu se suicider, après tout ce qu’il a dû subir… Interrogé sur l’alerte donnée par les syndicats pendant le CNSHSCT en 2007, M. Wenes répond : « Je ne recevais pas les alertes des CHSCT» (Ndlr : le CNSHSCT est le CHSCT sommital de tous les CHSCT de France. Et il prétend qu’il ne recevait pas les alertes de cet organe important… C’est tout de même dur de gober ça…) Il reste tout aussi évasif quand on lui demande pourquoi avoir créé des Cellules d’Écoute, si tout allait si bien que cela à France-Télécom ? Il baragouine : « la vitesse de restructuration allait mettre des personnels dans l’inconfort et que c’était prévisible…» (Ndlr : donc il prévoit, il pressent, mais il n’a jamais de remontées en retour… Il sait par avance que cela va être dur pour beaucoup de personnels mais il n’est jamais étonné de n’avoir JAMAIS de remontées… Il veut encore nous faire gober n’importe quoi…) Il ajoute la phrase convenue prononcée par tous les autres prévenus : « On a fait tout ce qu’on a pu, on a fait le maximum pour aider les salariés…» Interrogé par M. L’Avocat Général, c’est la question qui tue : « À votre avis, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné à l’époque ? Ou alors, est-ce que tout a bien fonctionné ? ». M. Wenes répond : « Si c’était à refaire, je ferais quelque chose de décalé par rapport à ce que j’avais fait. Je forcerais le dialogue social avec les syndicats, quitte à m’y investir personnellement, même si ce n’est pas mon boulot, alors que c’est aux RH de la faire. Je mettrais les pieds dedans. » (Ndlr : Il enterre donc la DRH de France-Télécom en lui reprochant indirectement son incompétence…) Enfin, interrogé par son Avocate, Maître Beaulieu, M. Wenes réaffirme le plus grand bien des Cellules d’Écoute, du dispositif d’Écoute Salarié et de IDCLIC. Il est content de lui. Interrogé par Maître Cornon, M. Wenes répond : « À cette époque, je ne me suis jamais demandé si l’on avait une crise. Je ne me suis jamais posé la question.» (Ndlr : M. Wenes est très satisfait de tout ce qu’il a fait. Il ne doute de rien, pour lui, il ne s’est rien passé ou si peu, quelques cas individuels tout au plus…)
- Conclusion : la journée va se conclure à 13H30, de manière peu reluisante et sans panache aucun. À l’évidence, les déclarations à la Cour des deux impétrants sommitaux sont contredites par la réalité des faits, par la matérialité des preuves, et lorsqu’ils sont confrontés à la réalité, ils ne disent pas la vérité. C’est ce qui ressort de mes notes lorsque je les ai relues (qui n’ont retenu que les faits nous ayant semblé les plus importants). Nous avons donc :
- Un Numéro 1 qui ne s’occupait de rien, qui ne contrôlait rien, qui ne savait rien, mais prétend aujourd’hui qu’il aurait jadis exigé que l’on ne touche pas à un cheveu des personnels, tout en promettant à ses copains banquiers d’éjecter par n’importe quel moyen 22.000 agents…
- Un Numéro 2 qui ne décidait de rien, qui ne savait rien et qui était au garde-à-vous tel un Petit-Télégraphiste devant MM. Barberot et Cherouvrier…
- Se croient-ils crédibles ? Face à de telles dénégations, seul un recours aux services de Wonder Woman, munie de son Lasso de Vérité contraindra ces condamnés à rendre gorge de toutes leurs menteries en moins de 10 secondes…
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- 18 juin 2022. Le Tribunal de siège pas, mais je fais un bilan après la fin de tous les interrogatoires récapitulatifs des griefs. En sortant du Tribunal le 17 juin, avec des collègues Parties Civiles, on cause sur les marches du Palais en partant déjeuner Au Vieux Châtelet… Tous disent que les avocats des Prévenus ont été incroyablement mauvais…
- Eh bien, je ne souscris pas à cette opinion, et je le leur dis et voici pourquoi : lorsque je reprends les déclarations des 6 prévenus lors des interrogatoires récapitulatifs des griefs, et que l’on connaisse bien ce qu’il s’est passé dans France-Télécom, je réalise que les avocats des prévenus ne peuvent rien faire car ils n’ont rien en mains. Ils n’ont aucune bille pour défendre leurs clients. Ils se heurtent à la réalité des faits. Et ce qui les coince, c’est le fait que cette équipe de prévenus ait annoncé publiquement le 14 février 2006 la suppression de 22.000 emplois, sur la même courbe que celle des années précédentes, nonobstant la disparition du CFC programmée et connue au 31 décembre 2006. Alors en fin 2006, même s’il y avait eu ruée des préretraitables avant la fin du dispositif, ce qui a par ailleurs siphonné les départs en vraies retraites les années suivantes, ensuite, il restait encore 11.000 départs à accomplir entre 2007, 2008 et 2009… Et là, arithmétiquement parlant, cela ne passe pas avec des départs vraiment naturels et non contraints, sans la mise en œuvre du harcèlement systématisé et généralisé…
- L’on comprend alors mieux les déclarations de M. Barberot et Lombard expliquant jadis aux hauts cadres dans plusieurs réunions, dont celle de l’ACSED de 2006, qu’il allait falloir secouer le cocotier pour éjecter des personnels d’une manière ou d’une autre, et que personne dans le box des accusés n’ait en réalité officiellement réagi à l’époque contre ces propos. Ces propos, en ne les démentant jamais à l’époque, en ne les contrant pas à l’époque, en osant affirmer pour certains qu’ils n’en étaient pas informés, ont ainsi couvert les agissements de M. Barberot, car ils étaient tous pleinement d’accord, il ne pouvait s’agir que d’une action concertée, organisée et dûment approuvée par eux tous, pour que leur forfaiture faite à l’égard des personnels puisse fonctionner… Et leur responsabilité dans l’accident social, sanitaire et industriel majeur qui est arrivé est immense.
- Circonstance aggravante, l’essentiel des personnels maltraités étaient des fonctionnaires, qui ont prêté serment, et qu’en échange de leur engagement et de leur dévouement à l’État et au Service (du) Public, l’État avait l’obligation de les protéger intégralement ! Cela, ces Dirigeants l’ont totalement oublié ! Nous, agents de l’État, devons un dévouement poussé pour la bonne marche de l’État, à notre niveau, tandis qu’en retour, l’État a le devoir de nous protéger contre tout type d’agression. Et les personnes qui étaient dépositaires de la délégation donnée par l’État pour nous protéger, nous ont tous trahis, nous ont tous vendus pour un plat de lentilles, pour leurs primes indexées sur les départs forcés, sur leurs stock-option, sur leurs gras salaires, payés à ne rien fiche dans des bureaux feutrés, sauf à faire des règles de trois de niveau CE1 pour pousser des personnels dans le néant, de cocher des cases dans leurs tableaux excel de niveau maternelle, de bâtonner les départs sur leurs petites listes de marché, et de conditionner les masses bovines de Directeurs et autres Managers bouseux de France-Télécom à harceler les agents qu’ils devaient désigner pour être chassés de leurs services, et ce, sous prétexte de mise en mouvement, de fermetures de services incompréhensibles, de liquidations de bâtiments de télécommunications, et du faux prétexte tout trouvé de modernisation technologique…
- Nota : même les relégués comme moi qui travaillions au fin fond des sous-sols des centres téléphoniques avions su quelques semaines plus tard pour la fameuse déclaration de M. Lombard : «Nous ferons les départs par la fenêtre ou par la porte…»… Même au plus bas, avec mon grade de I.2, je l’ai su… Tout le monde le savait… Et tout le monde trouvait cela honteux… Et tout le monde savait que la chasse était désormais ouverte contre nous (j’ai entendu cette expression jadis de collègues qui disaient : « La chasse est ouverte ! »), et que seuls les plus solides survivraient, parce que la pression allait encore s’accroître encore plus durement que pendant la période Breton qui était déjà devenue très malsaine… Et les prévenus ne le savaient pas ? Mais qui peut croire les prévenus dans leurs déclarations irréalistes à la barre ?
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- 20 juin 2022. Premières Plaidoiries des avocats des victimes et parties civiles.
- À 13H40, Maître Sylvie Topaloff est à la barre. Elle va se livrer à une plaidoirie avec toute sa sensibilité que nous lui connaissons, tout en martelant des données, des faits logiques qui rappellent tout simplement les faits. Elle revient sur les propos de Mme Nathalie Boulanger qui a fait un premier pas vers la reconnaissance de ce qui était arrivé à France Télécom et qu’elle se sentait à titre personnel responsable humainement et moralement des drames survenus et ajoutait que désormais, il allait falloir vivre avec ça. Me Topaloff indique que par ses paroles, Mme Boulanger soulageait les Parties Civiles et les victimes par cette sorte de reconnaissance partielle, et qu’elle prend sa part dans ce qui est arrivé à France-Télécom, et du coup remercie à la barre Mme Boulanger pour ses déclarations. Ensuite elle compare avec le comportement des autres prévenus qui ne reconnaissent jamais rien, qui continuent leurs éternelles dérobades, que l’on tourne en rond, et que finalement l’on est dans un monde parallèle, un monde différent. Puis elle appuis sur le fameux chiffre clef des -22.000 emplois. Elle dénonce le comportement irrespectueux des prévenus qui nie l’évidence sur la réduction des personnels, les prévenus nient l’existence d’une crise à France-Télécom, qu’il ne se serait d’après eux, rien passé… Elle rappelle que beaucoup de documents émanant de France-Télécom, saisis en perquisitions prouvent pourtant le contraire… Les -22.000 sont un chiffre incontournable, qui ne peut pas être atteint par des départs strictement naturels, mais forcés d’une manière ou d’une autre. Et comme ce chiffre des -22.000 est omniprésent, tout tourne alors dans France-Télécom autour de la baisse des effectifs à atteindre coûte que coûte… Elle confirme que les Espace Développement étaient bien utilisés comme Espaces de Dégagements par l’entreprise pour éjecter des personnels. Elle revient sur la fin du CFC qui avait permis de faire les départs en 2006, puis qui disparaît… Elle insiste sur le fait que le CFC n’est pas la panacée exraordinaire que l’on dit. Déjà, se retrouver en préretraite à 55 ans, alors qu’à cet âge là, lorsque l’on est en forme, beaucoup de gens veulent encore travailler… Elle fait le parallèle avec les cadres dirigeants qui souvent cumulent plusieurs emplois ou activités jusqu’à un âge avancé (Ndlr : et toc !) Elle ajoute qu’avec ce chiffre de -22.000 ainsi que sur les 10000 mobilités et reconversions annoncés, ce sont 32000 qui sont menacées, mais la Direction ne dis jamais précisément quels services, quelles activités seront supprimées, car elle laisse planer le doute et ainsi ce sont les 100000 employés qui sont maintenues dans une inquiétude constante… Habille technique pour déstabiliser l’ensemble du corps social de France-Télécom… Me Topaloff précise que la gaffe commise par Didier Lombard en Octobre 2006 en parlant de faire les départs par la fenêtre ou par la porte et en fait révélateur d’une vérité, de LA vérité du plan qui a été monté, organisé par l’équipe dirigeante… Elle cite le philosophe Vladimir Jankélévitch : «Le gaffeur, d’un mot proféré, dérange les pieux mensonges qui ménageaient une situation délicate ou scabreuse…» Et M. Lombard est un gaffeur qui, finalement a bel et bien révélé publiquement ses intentions… Elle déclare : «La gaffe de Didier Lombard révélait la vérité, et la confiance de tous a été rompue.» Elle rappelle qu’au CCE du 29 mars 2006, un élu CGT prévenait officiellement de graves difficultés la Direction induites par ce plan de réduction d’emplois de -22.000 agents, et il disait à M. Barberot : «Ce que vous dites aux gens c’est que pour sauver l’entreprise, vous devez partir pour que nous évitions le malheur…» (Ndlr : je traduirais par : Tirez-vous, salauds de pauvres !) Me Topaloff dénonce que les prévenus parlent de volontariat, et démonte cette argumentation en rappelant les notions fumeuses et fausses du « volontariat mou » scandées alors, alors que si l’on force le volontariat, ce n’est tout simplement plus du volontariat. Elle explique que dès la conception du programme ACT, il y a des possibilités de dérives induites dans le programme lui-même. Il existe nombre de documents, d’écrits, d’e-mails, qui détaille la perversité du Programme ACT : «on va les brusquer un peu, on va les déstabiliser, les mettre en mouvement, on va utiliser les Espaces de Développement.» Me Topaloff déclare avoir de sérieux doutes sur la vertu affichée du Programme ACT. À ce titre, elle cite une pièce saisie dans l’ordinateur de M. Jacques Moulin, ce baratineur patenté que nous nous devons de supporter dans son verbiage sans aucun sens… Dans cet e-mail, on y lit : « il faut impulser une déstabilisation positive pour obtenir la mise en mouvement des salariés» (Ndlr : à ce moment-là, je comprends pourquoi M. Moulin, l’innocent aux mains pleines, a été condamné en 2019…) Il s’agit de méthodes dissimulées pour pousser les agents à partir… Me Topaloff reparle des PIC et des entretiens à répétition utilisés pour déstabiliser les agents les moins bien classés et ensuite, une fois bien essorés, à pouvoir les éjecter… Elle dénonce le système d’aveuglement volontaire mis en place pour ne rien voir de toutes ces horreurs… Et de dénoncer les Cellules d’Écoute comme n’étant que des bouts de scotch qui, par exemple n’auraient rien pu faire pour sauver les dames de Cahors… Elle dénonce les témoins de complaisance avec cette ancienne adjointe de M. Wenes qui est partie en essaimage pour faire des ateliers cuisine… Vision totalement déconnectée du réel que les petits personnels (Ndlr : pas les bobos de la haute société) ont eu à subir. Elle rappel que les premiers articles de presse parlant d’anomalies graves dans France Télécom datent de 2007, et non pas de 2009 lorsque l’affaire explose dans les médias… Puis, Me Topaloff, qui ne comptait pas évoquer en jour les situations individuelles explique qu’elle a changé d’avis hier car hier, il lui a été communiqué la veille de sa plaidoirie, une centaine de pages de documents par les Prévenus, où elle comprend que les Prévenus vont s’appuyer sur les courbes, les chiffres, les pourcentages comparés de suicides à France-Télécom et dans la population générale (qui est composée de jeunes, de vieux, de malades) pour tenter de prouver qu’il ne s’est rien passé. Elle explique que les suicides à France Télécom sont des suicides revendicatifs, les morts laissent des lettres accablantes qui chargent France-Télécom… Et elle va décrire le calvaire de 5 personnes, suicidées ou ayant tenté de se suicider : M. Lefrançois, M. Trottel, M. Dervin et M. Jean-Michel Laurent et M. Deparis. (Ndlr : tous ces cas sont traités dans l’ORTC, et ce sont des situations qui sont tellement caractéristiques, exagérées, délirantes que si nous ne savions pas que cela a été prouvé par les enquêtes de polices, nous croirions juste à un mauvais téléfilm des années 80…) En conclusion de sa plaidoirie, Me Topaloff demande que tous les prévenus soient condamnés à nouveau et que soit retenue contre eux la Responsabilité Personnelle pour les actes commis et leurs conséquences. «Il doivent répondre de ce qu’ils ont commis, ce sont des faits personnels, positifs et conscients commis par les prévenus.»
- À 15H10, Maître Teissonnière est à la barre et prend la suite de Me Topaloff. Me Teissonnière va traiter de questions de procédures, à coup d’articles de lois très compliqués, et n’étant pas juriste je ne comprends pas ce qui est dit. C’est la partie technique de la Justice. Puis il évoque la Vallée du Changement, ce concept sorti par un cabinet conseil sur commande de France-Télécom, et parle de la Nov-langue digne d’Orwell, la nov-langue totalitaire destinée à masquer la vérité des malversations que l’on commet… Il explique bien que M. Salziger a bien précisé que la réalité était un plan de réduction des effectifs, il ajoute que M. Cherouvrier, prévenu, a lui mêle déclaré qu’il s’agissait d’un plan de compression de personnels et que tout le monde le savait… Une certaine Marie-Jo Ruaudel, haut cadre, le confirme aussi, etc… Il s’agissait donc bien d’un objectif et non pas d’une trajectoire, et que tout ce vocabulaire orwellien était destiné à masquer les vraies intention de la Direction. Il dénonce en outre les phrases violentes prononcées à l’ASCED en Octobre 2006 (Par la fenêtre ou par la porte) et l’image de meurtre que cela véhicule, et que tout cela était destiné à créer un électrochoc et déstabiliser, en s’attaquant à la morale commune de la solidarité. Il dénonce en outre les démissions en série qui se sont produites durant ces années de plomb. Il termine en évoquant le Médecin du Travail Cazobon qui dans le documentaire de Serge Moati, est assez jovial, puis qui s’effondre à la fin de son intervention lorsqu’il repense à tous les drames et les situations invraisemblables qu’il a dû supporter…
- À 16H20, Maître De Castro plaide rapidement à propos des 118 parties civiles, c’est à dire les parties civiles récolées juste avant le début du procès. Il y a un passage technique de juriste que je ne comprends pas, puis, il explique que France-Télécom a déjà reconnu et indemnisé le préjudice de 1308 personnels à hauteur de 16000 euros par personne, soit plus que les 10000 euros des 118 parties civiles, et que du coup, si les 118 parties civiles qui ont fait l’effort de s’engager dans la procédure se retrouvaient exclues, cela aboutirait à un paradoxe injuste, où les plus courageux n’auraient droit à aucune indemnisation et reconnaissance… Et ainsi, Me De Castro demande la recevabilité de ces 118 parties civiles (ce qui fut accepté en première instance).
- À 16H30, Maître Frédéric Benoist est à la barre. Il va livrer une plaidoirie très soignée, particulièrement méthodique, et citant à chaque argument une pièce numérotée du dossier. Un travail d’orfèvre, il faut le reconnaître. Il explique que Mme Topaloff a parlé de déni des prévenus. Il précise que c’est bien pire que cela, car le déni est un réflexe involontaire, tandis que dans la situation présente les prévenus sont bien conscients de ce qu’ils ont commis. Il précise : «ils savent ce qu’ils font, ils se moquent de vous et de nous tous». Il dénonce une pluie de mensonges incessants de la part des prévenus, mais qu’heureusement, ces mensonges ont été pulvérisés par la réalité du dossier et toutes les preuves. Il dénonce que les prévenus n’arrêtent pas de charger Olivier Barberot, qui a accepté sa culpabilité… Il précise que le plan destiné à virer 22.000 salariés était connu de tous les prévenus, alors que M. Wenes soutient à barre qu’il ne savait rien, qu’il ne faisait qu’exécuter les ordres de M. Barberot… Pourtant, en Octobre 2006, à la fameuse réunion de l’ACSED, lorsqu’il est demandé à M. Wenes comment et où allaient se faire les réductions d’effectifs, celui-ci répond alors : «Je vous répondrai quand je le saurai». Et de dénoncer l’amateurisme de la Direction qui a fait n’importe quoi… Il explique que ce qu’à fait la Direction, c’est de gaver les personnels avec l’objectif de déflation des effectifs, en généralisant la pression partout, dans tous les services, à tous les niveaux… Les managers ont été programmés pour faire le sale boulot. La technique était de dégoûter les agents. Les prévenus savaient tout cela, ils ont conçu, approuvé et déployé leur plan en toute connaissance de cause. Ils ne voulaient pas réagir car ils ne voulaient pas entendre. Quant à l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées, les prévenus, qui nie le connaître à l’époque des faits, mentent encore et encore, car s’ils ne le connaissaient pas, ils ne l’auraient pas fait interdire dans l’Intranet du Groupe France-Télécom en l’inscrivant dans la liste noire comme s’il s’agissait d’un site pornographique… Il fustige une nouvelle fois les prévenus qui chargent M. Barberot qui a décidément le dos large ! Il dénonce les mensonges des prévenus en rappelant l’alerte de 2007 au CNSHSCT laissée lettre morte par la Direction, Il rappelle les premiers articles dans la presse française économique (et pas l’Humanité) dès 2007 sur la situation sociale inquiétante dans France-Télécom, que la Direction nie avoir eu connaissance… Ainsi que l’appel de tous les syndicats qui dénoncèrent dès 2008 la situation dans France-Télécom… Me Benoist ajoute : «à ce niveau-là, ce n’est plus de la défense, c’est de la défausse !». Il ajoute que pour chaque suicide, la Direction ne pouvait pas ne pas savoir. Et de fustiger la violence de M. Lombard qui a ainsi craché sur les syndicats en les accusant de tous les maux… En fait, M. Lombard aurait voulu que les syndicats se taisent et laissent faire. Me Benoist rappelle que le déclenchement de la crise médiatique le 14 juillet 2009 est survenue suite au suicide de M. Deparis, et qu’elle n’avait pas été planifiée par quiconque… M. Lombard reproche aux syndicats d’avoir osé parler… Ensuite Me Benoist va évoquer comment la Direction a toujours tout fait pour bafouer et salir la mémoire des morts, en faisant circuler des rumeurs, en instillant des ragots invérifiables. Il dénonce alors un Harcèlement Post Mortem. Il rappelle que Mme l’Inspectrice du Travail Catala, qui a alors 27 années d’ancienneté, n’a jamais vu de telles lettres aussi accusatoires contre un employeur dans toute sa vie. Me Benoist va ensuite développer les cas de ses clients victimes, Mme Cassous, et de sa maman qui, 13 ans plus tard reste trop choquée pour venir témoigner à la barre, puis de M. Lloret, présent dans la salle, qui avait craqué quelques minutes lors de la plaidoirie de Mme Topaloff en réentendant certains événements passés. Il explique que M. Lloret avait pensé qu’au final, les prévenus auraient fini par reconnaître leurs responsabilités dans les drames survenus et avait même préparé une lettre de réconciliation si les prévenus reconnaissaient leurs torts. Il n’en sera donc rien, étant donné que les prévenus ne reconnaissent jamais rien. Puis Mme Benoist traite du sujet du PSE. En effet, concernant les CDI, la loi est claire. Quand il n’y a plus de possibilité de reclassement dans l’entreprise, les salariés de droit privé sont licenciés. Et de dénoncer que France-Télécom et sa Direction n’ont respecté aucune loi en vigueur et ce pour 3 raisons :
- 1) Une volonté évidente de frauder, car comme en 2006 la situation de difficulté économique de France-Télécom n’aurait jamais pu être plaidée aux prud’hommes (donc PSE impossible)
- 2) Un PSE, cela coûte cher, car il faut indemniser les personnels, or M. Barberot déclare en 2007 que le CFC coûte 900 millions d’euros par an, et qu’il ne peut pas (ne veut pas) payer car il préfère donner l’argent aux actionnaires…
- 3) La Direction ne veut pas « s’emmerder » avec les syndicats, il faut parler, négocier, faire des réunions, et ça, la Direction n’aime pas parler aux syndicats…
- Me Benoist conclut cette journée en expliquant que le principe était tout simplement d’acculer les personnels au départ pour qu’ils démissionnent (il détaille qu’à cette époque, les démissions se sont multipliées par 6, et les licenciements augmentèrent de +50%… Et évoque une note surréaliste des services juridiques de l’époque qui prévient que tout ce que l’entreprise peut faire c’est pousser les gens à démissionner et booster les licenciements, quitte à faire des transactions négociées en croisant les doigts pour que tout aille bien…)
- À 13H40, Maître Sylvie Topaloff est à la barre. Elle va se livrer à une plaidoirie avec toute sa sensibilité que nous lui connaissons, tout en martelant des données, des faits logiques qui rappellent tout simplement les faits. Elle revient sur les propos de Mme Nathalie Boulanger qui a fait un premier pas vers la reconnaissance de ce qui était arrivé à France Télécom et qu’elle se sentait à titre personnel responsable humainement et moralement des drames survenus et ajoutait que désormais, il allait falloir vivre avec ça. Me Topaloff indique que par ses paroles, Mme Boulanger soulageait les Parties Civiles et les victimes par cette sorte de reconnaissance partielle, et qu’elle prend sa part dans ce qui est arrivé à France-Télécom, et du coup remercie à la barre Mme Boulanger pour ses déclarations. Ensuite elle compare avec le comportement des autres prévenus qui ne reconnaissent jamais rien, qui continuent leurs éternelles dérobades, que l’on tourne en rond, et que finalement l’on est dans un monde parallèle, un monde différent. Puis elle appuis sur le fameux chiffre clef des -22.000 emplois. Elle dénonce le comportement irrespectueux des prévenus qui nie l’évidence sur la réduction des personnels, les prévenus nient l’existence d’une crise à France-Télécom, qu’il ne se serait d’après eux, rien passé… Elle rappelle que beaucoup de documents émanant de France-Télécom, saisis en perquisitions prouvent pourtant le contraire… Les -22.000 sont un chiffre incontournable, qui ne peut pas être atteint par des départs strictement naturels, mais forcés d’une manière ou d’une autre. Et comme ce chiffre des -22.000 est omniprésent, tout tourne alors dans France-Télécom autour de la baisse des effectifs à atteindre coûte que coûte… Elle confirme que les Espace Développement étaient bien utilisés comme Espaces de Dégagements par l’entreprise pour éjecter des personnels. Elle revient sur la fin du CFC qui avait permis de faire les départs en 2006, puis qui disparaît… Elle insiste sur le fait que le CFC n’est pas la panacée exraordinaire que l’on dit. Déjà, se retrouver en préretraite à 55 ans, alors qu’à cet âge là, lorsque l’on est en forme, beaucoup de gens veulent encore travailler… Elle fait le parallèle avec les cadres dirigeants qui souvent cumulent plusieurs emplois ou activités jusqu’à un âge avancé (Ndlr : et toc !) Elle ajoute qu’avec ce chiffre de -22.000 ainsi que sur les 10000 mobilités et reconversions annoncés, ce sont 32000 qui sont menacées, mais la Direction ne dis jamais précisément quels services, quelles activités seront supprimées, car elle laisse planer le doute et ainsi ce sont les 100000 employés qui sont maintenues dans une inquiétude constante… Habille technique pour déstabiliser l’ensemble du corps social de France-Télécom… Me Topaloff précise que la gaffe commise par Didier Lombard en Octobre 2006 en parlant de faire les départs par la fenêtre ou par la porte et en fait révélateur d’une vérité, de LA vérité du plan qui a été monté, organisé par l’équipe dirigeante… Elle cite le philosophe Vladimir Jankélévitch : «Le gaffeur, d’un mot proféré, dérange les pieux mensonges qui ménageaient une situation délicate ou scabreuse…» Et M. Lombard est un gaffeur qui, finalement a bel et bien révélé publiquement ses intentions… Elle déclare : «La gaffe de Didier Lombard révélait la vérité, et la confiance de tous a été rompue.» Elle rappelle qu’au CCE du 29 mars 2006, un élu CGT prévenait officiellement de graves difficultés la Direction induites par ce plan de réduction d’emplois de -22.000 agents, et il disait à M. Barberot : «Ce que vous dites aux gens c’est que pour sauver l’entreprise, vous devez partir pour que nous évitions le malheur…» (Ndlr : je traduirais par : Tirez-vous, salauds de pauvres !) Me Topaloff dénonce que les prévenus parlent de volontariat, et démonte cette argumentation en rappelant les notions fumeuses et fausses du « volontariat mou » scandées alors, alors que si l’on force le volontariat, ce n’est tout simplement plus du volontariat. Elle explique que dès la conception du programme ACT, il y a des possibilités de dérives induites dans le programme lui-même. Il existe nombre de documents, d’écrits, d’e-mails, qui détaille la perversité du Programme ACT : «on va les brusquer un peu, on va les déstabiliser, les mettre en mouvement, on va utiliser les Espaces de Développement.» Me Topaloff déclare avoir de sérieux doutes sur la vertu affichée du Programme ACT. À ce titre, elle cite une pièce saisie dans l’ordinateur de M. Jacques Moulin, ce baratineur patenté que nous nous devons de supporter dans son verbiage sans aucun sens… Dans cet e-mail, on y lit : « il faut impulser une déstabilisation positive pour obtenir la mise en mouvement des salariés» (Ndlr : à ce moment-là, je comprends pourquoi M. Moulin, l’innocent aux mains pleines, a été condamné en 2019…) Il s’agit de méthodes dissimulées pour pousser les agents à partir… Me Topaloff reparle des PIC et des entretiens à répétition utilisés pour déstabiliser les agents les moins bien classés et ensuite, une fois bien essorés, à pouvoir les éjecter… Elle dénonce le système d’aveuglement volontaire mis en place pour ne rien voir de toutes ces horreurs… Et de dénoncer les Cellules d’Écoute comme n’étant que des bouts de scotch qui, par exemple n’auraient rien pu faire pour sauver les dames de Cahors… Elle dénonce les témoins de complaisance avec cette ancienne adjointe de M. Wenes qui est partie en essaimage pour faire des ateliers cuisine… Vision totalement déconnectée du réel que les petits personnels (Ndlr : pas les bobos de la haute société) ont eu à subir. Elle rappel que les premiers articles de presse parlant d’anomalies graves dans France Télécom datent de 2007, et non pas de 2009 lorsque l’affaire explose dans les médias… Puis, Me Topaloff, qui ne comptait pas évoquer en jour les situations individuelles explique qu’elle a changé d’avis hier car hier, il lui a été communiqué la veille de sa plaidoirie, une centaine de pages de documents par les Prévenus, où elle comprend que les Prévenus vont s’appuyer sur les courbes, les chiffres, les pourcentages comparés de suicides à France-Télécom et dans la population générale (qui est composée de jeunes, de vieux, de malades) pour tenter de prouver qu’il ne s’est rien passé. Elle explique que les suicides à France Télécom sont des suicides revendicatifs, les morts laissent des lettres accablantes qui chargent France-Télécom… Et elle va décrire le calvaire de 5 personnes, suicidées ou ayant tenté de se suicider : M. Lefrançois, M. Trottel, M. Dervin et M. Jean-Michel Laurent et M. Deparis. (Ndlr : tous ces cas sont traités dans l’ORTC, et ce sont des situations qui sont tellement caractéristiques, exagérées, délirantes que si nous ne savions pas que cela a été prouvé par les enquêtes de polices, nous croirions juste à un mauvais téléfilm des années 80…) En conclusion de sa plaidoirie, Me Topaloff demande que tous les prévenus soient condamnés à nouveau et que soit retenue contre eux la Responsabilité Personnelle pour les actes commis et leurs conséquences. «Il doivent répondre de ce qu’ils ont commis, ce sont des faits personnels, positifs et conscients commis par les prévenus.»
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- 22 juin 2022, suite des Plaidoiries des Parties Civiles et des Victimes. Notre but n’est pas de résumer les nombreuses plaidoiries de cette journée, mais de rapporter ce que j’en ai ressenti et déduit.
- À 9H15, Maître Anne Dumas, avocate de M. Noël Rich est à la barre. Elle rappelle le parcours de Noël, l’altruisme de Noël, et ce même après avoir vécu tout ce qu’il a vécu, il continue encore aujourd’hui à aider les gens dans le désarroi. Elle explique avoir été sidérée et indignée par les propos des prévenus lorsque notamment M. Lombard affirme qu’il avait sauvé France-Télécom. Elle émet deux hypothèses : «soit nous avons tous été pris pour des imbéciles, soit ils sont tous déconnectés du réel, et vivent au pays de Candy.» Elle fustige les Prévenus qui demandaient, en somme, aux personnels d’exprimer leur détresse auprès de ceux qui en étaient la cause, et précise que la plupart des agents ne voulait pas quitter France-Télécom. Elle rappelle la masse d’éléments, de preuves saisies par la Police qui établissent que le harcèlement avait bien été organisé à haut niveau de France-Télécom, et déplore le cadrage des propos des prévenus au procès, en deçà des propos des prévenus interviewés dans le Documentaire de Serge Moati… Elle précise que ce que l’on voit dans le tribunal n’est que la partie émergée d’un iceberg et qu’il y a beaucoup plus de victimes, qui ne sont pas allées jusqu’à ester en justice. Elle précise que France-Télécom/Orange n’a pas fait appel et a accepté la condamnation pour harcèlement institutionnalisé, et ajoute que M. le DRH Barberot a laissé tomber son appel et a accepté sa condamnation pour les mêmes motifs, ce qui fragilise les autres prévenus en appel. Maître Dumas demande la confirmation des peines en Appel, et demande la Réformation du Jugement, ce qui revient à demander que les dommages et intérêts soient revus à la hausse. (Ndlr : vue l’insensibilité des prévenus, qui nient tout en bloc, le pécuniaire serait seul capable de les émouvoir…)
- À 9H40, Maître Cécile Boulet, avocate de la famille de M. Rémy Louvradoux † est à la barre. Elle va revenir sur le cas de Rémy, qui s’est suicidé par le feu. Cette histoire est très dure. On apprendra que Rémy transportait un jerrican d’essence dans le coffre de sa voiture de service depuis 3 jours… Elle ironise sur la nouvelle campagne publicitaire de France-Télécom en 2008, au moment de la mort tragique de Rémy : «Plus loin ensemble»… Elle revient sur le fait que les prévenus ont pleinement conscience, qu’à l’époque, dès 2006, de ce qu’ils ont fait, organisé, et que les preuves foisonnent… Elle précise les alertes ignorées pendant plusieurs années par les dirigeants… Elle nous rappelle que M. Stéphane Richard demande l’ouverture d’une enquête très rapidement. Rémy est le 18ème suicide de la vague, et cela n’avait jamais été fait avant Rémy, sous le règne de M. Lombard… Le suicide a été reconnu imputable au service, et rappelle la violence extrême de ce suicide, par le feu, et qu’il s’agit en quelque sorte d’un acte révolutionnaire (un peu comme la Révolution de Jasmin), un geste de combattant de l’humaniste, le sacrifice ultime de soi pour aider les autres. Elle parle de rite sacrificiel et parle de « la hongra ». L’avocate était très émue lors de sa plaidoirie, elle épaule cette famille depuis maintenant plus de dix ans…
- À 10H10, Maître Camille Berland, avocate de la famille de M. Reigner † et de Mme Courrier est à la barre. Elle va rappeler le parcours et les épreuves des deux agents et des familles. Concernant M. Reigner, nous nous souvenons de la venue de Mme la veuve Reigner à la barre, et ce que nous avons vu, entendu, et en quelque sorte vécu par procuration il y a dix jours est suffisamment dur pour y ajouter des commentaires supplémentaires… Pour en revenu à France-Télécom, Elle se demande, puisque France-Télécom possède un squelette, fait de lignards et de techniciens, mais où donc est passée la tête ? Car les prévenus nient être pour quoi que ce soit dans ce qu’il s’est passé. Elle dénonce les objectifs inatteignables, destinés à déstabiliser les personnels, les doubles écoutes cachées, la PIC qui humilie les agents. Pourtant les documents en possession de la Cour ne laissent pas de doute sur les desseins de l’équipe dirigeante de l’époque. Elle ajoute que dans les films de propagande à la gloire de M. Wenes, les 3X5, M. Wenes le dit clairement à l’époque : « Les petits sites ferment et il y a 3 solutions pour les salariés : 1) le passage à la sous-traitance de l’activité, 2) le transfert des salariés sur un gros site pour poursuivre l’activité, 3) changement de métier.» (Ndlr : finalement la propagande a parfois du bon, pour les Parties Civiles). Elle demande donc la confirmation du jugement en première instance.
- À 10H35, Maître Agnès Cittadini, avocate de la CGT est à la barre. J’ai personnellement apprécié la plaidoirie de Maître Cittadini, car elle a développé l’aspect de la mauvaise gestion RH qui était réservée aux Fonctionnaires de France-Télécom et appuyé sur les nombreux manquements de la Direction concernant le respect des lois et règlements statutaires que France-Télécom n’a plus appliqué. En effet, elle expliquera bien que tout était géré de travers, comme si nous étions des salariés de droit privé, alors que statutairement, il y a des règles à respecter pour nous respecter, car un fonctionnaire n’est pas un salarié. Elle dénonce en outre que tout était minutieusement organisé pour nous harceler, en isolant les personnels, en brisant les collectifs, puis à pouvoir s’attaquer facilement aux plus fragiles un par un. Elle affirme que le harcèlement est juridiquement acquis dans cette affaire, car les prévenus ont tout organisé. Elle demande confirmation du jugement, et adresse au nom de la CGT, une pensée aux victimes et à leur famille.
- À 11H45, Maître Blandine Sibenaler, avocate de la CFTC est à la barre. Elle va comparer astucieusement le fait que si France-Télécom avait besoin de s’adapter, tous les autres opérateurs de télécommunications étaient soumis aux mêmes nécessités, mais qu’il n’y a qu’à France-Télécom qu’un tel plan basé sur le harcèlement généralisé ait été mis en place. Elle explique que jamais les prévenus n’ont su expliquer comment ils pouvaient maintenir une telle cadence de départs de France-Télécom après la suppression du CFC… Elle dénonce l’arbitraire de la sélection des « volontaires » au départ… La stigmatisation par la PIC, les Espaces de Développement, ou plutôt de Dégagement, où il était risqué de se rendre, sous peine d’être ensuite marqué, catalogué. Elle fustige M. Moulin, qui essaye de se présenter comme un modèle de vertu… Et de dénoncer vigoureusement la posture de Mensonge des prévenus et de leurs déclarations difficiles à entendre pour les victimes… Elle insiste sur l’élément intentionnel, et précise qu’il n’est pas nécessaire pour être constitutif de harcèlement… Elle demande la confirmation du jugement de première instance. (fin à 12H20).
- À 14H10, Maître Jonathan Cadot, avocat de la CFDT et de l’UNSA est à la barre. Il a fait une plaidoirie longue, très technique et avec une certaine aisance qu’il convient de souligner. Il a pris de l’assurance avec le temps. Il va reprendre toutes les déclarations des prévenus qui ont été traitées devant le tribunal et qui foisonnent un peu partout dans les documents saisis par la police… Et nous expliquer qu’effectivement, toute la violence, toutes leurs intentions de harceler les personnels pour les pousser au départ sont présentes. Que tout a été planifié… Que les Prévenus savaient ce qu’ils faisaient… Cite une par une toutes les alertes une par une qui ont été faites par les élus et ou les syndicats, que la Direction de l’époque les a ignorées… Et que ceci est accablant… Il dénonce le fait qu’après la dénonciation de la GPEC infâme de 2006 par la CGT, que M. Cherouvrier refuse de rouvrir les négociations comme cela aurait dû se faire, sous prétexte qu’il n’avaient plus le temps. Il dénonce les déflations imposées partout, en même temps, à tous les niveaux, dans une sorte de règle de trois primitive, appliquée indistinctement (Ndlr : Mme Boulanger l’a reconnu devant le tribunal) , et que les objectifs de diminution des effectifs étaient rémunérés… Il fustige encore la Bataille d’Angleterre et la Courbe du Deuil propagées dans les EMF, écoles de lavage de cerveau des managers, à l’opposé des départs volontaires dont se gobergent les prévenus (Ndlr : puisque soi-disant, les agents étaient volontaires…). Il dénonce, lui aussi, l’absence de réponses aux alertes ou les réponses bidon de la direction… Il reparle d’Alès en 2007 et des mannequins pendus devant l’entrée de l’Agence… Et la non réaction de la Direction à cette époque. Puis, il parle de M. Nicolas Guérin, représentant du Groupe Orange au procès en appel, et évoque, sans agressivité, son numéro d’équilibriste, avec toute sa bonhommie que l’on lui connaît, toute sa bienveillance, obligé de faire le grand écart entre les prévenus et les victimes, mais qui incarne quand même la voie de la sagesse, il faut le reconnaître, précise-t-il… Puis il rappelle la condamnation du Groupe Orange, qui n’a pas fait appel, ainsi que celle de M. Barberot qui a retiré son appel. Il évoque le fait que la condamnation d’Orange c’est quelque part la condamnation de l’outil de travail, que ce n’est pas l’idéal, mais que derrière il y a eu des actes, des décisions et donc des responsables de cette situation et fustige les écran de fumée des prévenus qui racontent n’importe quoi… Ensuite, il évoque le décompte morbide des suicides auquel la Défense des prévenus souhaite se livrer la semaine prochaine dans leurs plaidoiries, en précisant que la plupart des suicides survenus à cette époque à France-Télécom ont été des suicides vindicatifs, dûment motivés par des lettres d’adieu sans équivoque et que cela c’était exceptionnel. Il revient sur le fameux effet Werther, si cher à M. Lombard. Il précise que si effet contagion il y a, il faut qu’il existe des souffrances communes… Donc il démontre que l’effet Werther, s’il existe dans France-Télécom, est accablant contre les prévenus. Et de préciser que la souffrance a irradié l’ensemble du personnel. Il conclut par la demande confirmation des condamnations des prévenus, en précisant que le Groupe Orange doit retrouver sa dignité.
- À 15H55, l’Avocat de Mme Lacassagne-Diaz est à la barre. Après avoir décrit la situation de sa cliente qui se faisait notamment insulter par toute l’équipe à son retour de détachement, car cela faisait perdre la prime de réduction des effectifs à son manager, il demande la confirmation des condamnations et de l’indemnisation reçue par sa cliente en première instance.
- À 16H30, l’Avocate de Mme Samira Guerrouj est à la barre. Elle évoque ce qui est arrivé à Mme Guerrouj, femme alors dynamique, en 2007 et 2008 et qui a été broyée par la machine. Elle ne s’en est jamais remise. L’avocate explique qu’il s’agit désormais d’une affaire de principe et de dignité, car Mme Guerrouj a tout perdu, et il ne lui reste plus que sa dignité aujourd’hui. L’Avocate explique que quand Samira Guerrouj se rendait à l’Espace Développement, au moins, ça la faisait sortir de son bureau borgne, et qu’elle pouvait au moins voir les oiseaux par les fenêtres… Dix ans plus tard elle n’a jamais pu revenir au travail et a été marquée à vie par ce qu’elle a subi.
- À 16H50, Maître Zuccarelli, avocat de M. Roland Defrance, est à la barre. Il défend M. Roland Defrance, ce cadre qui travaillait à Avignon et que, pour l’accompagner vers la sortie, on l’avait muté à Marseille, à Nedelec, dans des parties désaffectées, pour trier des archives moisies, travail bien en deçà de ses qualifications… Je me souviens qu’il avait produit des photos de ce trou à rats, et de la réaction des avocats de la Défense qui mettaient en doute la véracité des clichés car il n’avaient pas été pris par un huissier… Mais M. Defrance l’avait fait au départ juste pour les montrer à sa famille… L’Avocat demande la confirmation du jugement et des indemnités versées à son client.
- À 17H05, Maître Guélé, avocate de M. Bruno Amiel est à la barre. Elle explique les mutations multiples et forcées, son épuisement et l’apparition d’une maladie cardio-vasculaire (HTH) apparue à cette époque, conséquence de ce qu’il a subi, par le ruissellement des ordres qui venaient d’en haut…
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- 23 juin 2022. Suite et fin des Plaidoiries des avocats des Parties Civiles.
- À 14H15, Maître Riera est à la barre, pour Force Ouvrière. Il va argumenter sur la commission des faits de harcèlement systématisé et institutionnalisé qui a eu cours pendant les années de plomb. Il explique que ce procès est singulier, qu’il est nécessaire pour la réparation des préjudices au bénéfice des victimes et Parties Civiles de ce procès, qu’il est nécessaire pour la réponse sociale que la Cour doit apporter, et pour obtenir réparation pour l’ensemble des personnels de France-Télécom qui ont tous subi les conséquences de ce harcèlement. Il pose cette question : «Pourquoi, devant l’horreur, les prévenus n’ont-ils pas suspendu les restructurations mortifères ? Pourquoi n’ont-ils pas démissionné ?» Il va énoncer et expliciter les 4 étapes du plan machiavélique mis en œuvre dans France-Télécom.
- 1) La méthode de Gestion mise en place : ils ont déployé des moyens légaux et d’autres moyens, qui vont s’avérer illégaux, ce qui motive la présence devant cette Cour. Il décrit la distanciation qui a été volontairement mise en place entre l’échelon sommital et le terrain, pour en quelque sorte anonymiser et rendre plus facile la commission des mauvais coups. En effet, lorsque l’on est loin du malheur, il est plus facile de ne pas s’en sentir responsable, coupable, et donc de ne pas en être affecté… La distanciation sociale permet plus facilement de harceler à distance et de na pas voir les conséquences de ses propres horreurs. La Direction a tout organisé au sommet, et l’a fait appliquer sur le terrain par plusieurs échelons intermédiaires, par d’autres… ils ont créé un système organisé de désinsertion professionnelle, au niveau sommital, par le Plan NExT et le Programme ACT, qui ont organisé la violence des mobilités forcées, les restructurations désordonnées… Il dénonce le faux volontariat conçu spécialement pour déstabiliser le personnel, pour le fragiliser puis pour le pousser vers la sortie. Il insiste bien sur le fait que justement, comme il y avait les 22.000 suppressions à accomplir, il ne fallait pas du vrai volontariat mais du faux volontariat pour démolir le personnel. Il cite l’exemple du Docteur Morel qui, pour pouvoir enfin respecter le serment d’Hippocrate, a décidé de démissionner de son poste de Médecin de Prévention de France-Télécom.
- 2) L’ignorance volontaire de la souffrance des personnels. Le refus de voir ce qu’il se passait, la volonté des prévenus de persister dans leur politique de saccage du personnel. Maître Riera dénonce la pénombre, l’enfer social dans France-Télécom dans ces années-là. Il dénonce la Direction qui, à l’époque, ne prenait pas les temps sociaux nécessaires avant toute restructuration, alors que France-Télécom avait une grande culture d’entreprise qui est lui est propre, avec des fonctionnaires recrutés sur concours, une missions d’intérêt et de service public du téléphone prioritaire. Il dénonce le fait que la Direction a bafoué l’identité culturelle profonde de France-Télécom, et parmi celle-ci, celle du travail bien fait, et pas seulement celle des objectifs, du chiffre, des tableaux excel…
- 3) L’autisme de la Direction. Pourquoi avoir ignoré les alertes, les halte-au-feu des personnels, des syndicats, des médecins du travail, des IRP ? Tout simplement pour continuer, pour persister dans cette voir quoi-qu’il-en coûte. Il dénonce le fait de n’avoir rien vu, rien entendu, (volontairement pu pas) est une faute lourde pour une équipe de direction qui a le devoir de tout mettre en œuvre pour écouter ce qu’il se passe sur le terrain.
- 4) Le démantèlement du Collectif Humain dans France-Télécom. En effet, il souligne la destruction du lien social dans France-Télécom, par l’exercice de la violence sociale de manière méthodique impulsé par la Direction sommitale. Il souligne la présence des Signaux Forts, qui étaient uniquement économiques aux yeux de la Direction, et que la Direction savait entendre 5/5, et les Signaux Faibles, qui étaient uniquement sociaux aux yeux de la Direction, et que la Direction ne parvenait pas à entendre (0/5). Il explique que cette Direction a voulu détruire totalement l’identité culturelle de France-Télécom, et a utilisé pour cela le management par la terreur, les mobilités forcées qui ont été mises en œuvre par le Plan NExT et le Programme ACT, en s’affranchissant de tout respect des personnes, en n’anticipant plus les risques psycho-sociaux, avec toutes les retombées sur la santé des personnels que cela a pu entraîner, en s’affranchissant des règles sur la prévention en matière de santé et de sécurité qui auraient dû être planifiées AVANT toute restructuration comme la loi les y oblige pourtant.
- En conclusion, Maître Riera ne demande rien, mais rappelle seulement à la Cour, je cite, de mémoire : «Votre décision aura des conséquences sur la nécessité de faire primer le droit des hommes pour que demain la vie triomphe.»
- À 15H10, Maître Alvarez de Selding est à la barre. Elle plaide pour le CHSCT de l’Unité d’Intervention Affaires d’IDF, qui a eu à l’époque à subir un nombre effarant d’entraves à son bon fonctionnement, par son Président d’alors, le Directeur de l’Unité, Monsieur Daniel Tonarelli, notamment par des blocages et contestations systématiques d’expertises dans le cadre des 3 tentatives de suicides de cette unité survenues en 16 mois ! Je ne vais détailler la totalité des entraves, mais disons que M. Tonarelli tait particulièrement zélé et déchaîné. J’ai d’ailleurs croisé en tant qu’élu jadis du CHSCT de l’UI Paris, M. Tonarelli, car après son départ de l’UIA, il a été Directeur de l’UI Paris dont j’étais. Et il est vrai que ce monsieur était vraiment très spécial. Il manipulait les mauvaises blagues, l’humour noir, les provocations gratuites et les menaces dans une technique savante qui lui était très personnelle, et était assez incroyable à voir en tant que spectateur. Je me souviens durant les 6 mois de sa présence à l’UI Paris, avant qu’il fût exfiltré ailleurs en urgence, nous en étions, lui et moi, parvenus à une sorte de paix armée, avec chacun la menace tacite d’employer la bombe atomique si l’un essayait de torpiller l’autre. Une sorte d’équilibre de la terreur qui aura duré le temps de sa présence dans notre UI. Sur son humour, je dois avouer qu’il était vraiment hard, et qu’il indignait tout le monde sauf moi, car il me rappelait l’humour vitriolique de feu Thierry le Luron qui pouvait être d’une grande cruauté pendant ses spectacles. (Ndlr : Thierry, tu nous manques !). Ensuite, du côté de l’UI Paris, nous nous sommes récupérés un nouveau Dirlo, un nouveau pot-de-merde, alias Dédé la Sardine, comme nous le surnommions entre élus, qui, lui, reprendra contre moi les hostilités, aidé en cela par son âme damnée de DRH de l’époque que nous surnommions entre nous la Charcutière. Mais cela est une autre histoire qui dépasse ce procès, s’inscrivant tout de même dans l’ambiance générale corrompue de cette triste époque. Une fois M. Stéphane Richard aux affaires, et qui a eu un travail de nettoyage et de purge des écuries d’Augias impressionnant à accomplir, icelui fit voter des crédits pour réorganiser des petits pots dans les services (mon chef d’alors me l’avait révélé), tellement il n’y avait plus aucune vie sociale normale dans cette boîte… Mais pour reprendre un célèbre roman d’Agatha Christie, adapté avec tant de magnificence au cinéma en 1980 : Le Miroir de Brisa…
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Ci-dessus : votre bien dévoué à la Cour d’Appel de Paris, venu suivre le procès ; conservant une certaine bonne humeur même si cela signifie aussi de prendre sur soi… Et puis, Aux Vieux Châtelet vers midi, un répit…
Photographies C. R-V. – 25 mai 2022 – Coll. C. R-V.
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- 24 juin 2022. Journée d’importance majeure dans le procès en appel : les Réquisitions par les deux Avocats Généraux. Les deux Avocats Généraux, dès le début du procès, avaient beaucoup surpris voire inquiété sur les bancs de Parties Civiles, car d’un comportement plutôt timoré, posant parfois une petite question anodine par-ci par-là, sans que nous y trouvions une quelconque logique évidente, à nos yeux. Leurs Réquisitions, prononcées dans un phrasé très calme, sans aucun mot d’esprit, sans aucune polémique, ni même une seule moquerie, très argumentées et très déterminées va nous sidérer. À titre personnel, moi qui me suis intéressé depuis plusieurs années à la Crise Sociale dans France-Télécom, qui possède des documents dans mes archives personnelles, qui ai beaucoup lu sur le sujet, rédigé mes minutes du premier procès, qui ai assisté aux Réquisitions en première instance, qui m’intéresse au fait historique dans les Télécommunications depuis l’année 1996 soit dès ma titularisation, je croyais tout savoir de cette affaire, n’avoir plus rien à apprendre, et venais ici, en ce jour, uniquement pour y entendre une simple confirmation de ce que je savais déjà, de ce que j’avais vécu à l’époque des années de plomb, d’une sorte de répétition du passé d’il y a trois ans. La suite va me détromper lourdement et me prouver qu’à mon âge, aujourd’hui, j’ai encore appris… Je suis même tombé de haut, et au lieu de m’en réjouir de satisfaction que toute la vérité soit enfin révélée, décortiquée, détaillée, explicitée, j’ai en réalité reçu un véritable coup de massue vers 13H05, lorsque je réalise que la situation était encore pire que ce que j’avais constaté, déduit et reconstitué de cette époque. Les trois dernières heures des Réquisitions qui allaient suivre allaient s’avérer pour moi un calvaire à subir. Avec cette interrogation dont je fus saisi en plein Tribunal : « Comment ai-je pu tenir le coup à cette époque au milieu de cette machination démoniaque ?».
- À 9H12, Maître De Castro est à la barre durant deux minutes, et plaide par substitution pour M. Arzul, acte de pure forme nécessaire pour soutenir oralement en appel cet agent reclassé de France-Télécom.
- À 9H14, Maître Cittadini est à la barre durant deux minutes, et plaide par substitution pour M. Pain, acte de pure forme nécessaire pour soutenir oralement en appel cet agent de France-Télécom.
- À 9H18, M. l’Avocat Général débute ses réquisitions contre les Prévenus Auteurs. Il va s’occuper des cas Didier Lombard et Louis-Pierre Wenes. Les Réquisitions en appel ont été nettement plus sévères et révélatrices des agissements des deux Auteurs, des deux coupables. Le Parquet a accompli un travail d’orfèvrerie dans l’étude des preuves. Des preuves, des preuves, rien que des preuves pour requérir la confirmation avec aggravation des peines requises pour nos deux dirigeants «bien aimés»… En effet, une telle montagne de preuves est produite sans discontinuer que cela en devient choquant. Choquant que les deux coupables continuent de nier jusqu’à ce jour les faits qui leurs sont reprochés… Il débute par cette citation de Proudhon : «« La Justice est humaine, tout humaine, rien qu’humaine… » Or, les Prévenus dans ce dossier, ont oublié l’Humain.» Il s’adresse ensuite aux victimes, aux Parties Civiles, en expliquant que quoi que sera le jugement, rien ne pourra réparer l’absence des êtres chers, rien ne pourra supprimer les rancœurs des familles. Il ajoute que 3 cotes (D63/ D64 et D829) démontrent à elles seules la dérive qui a eu cours dans la Société France-Télécom, par la volonté de ses dirigeants… Il explique que le procès vise à juger uniquement le délit de Harcèlement Moral, car l’Instruction n’a pas retenu la mise en danger de la vie d’autrui, ni l’homicide involontaire. Il précise que le procès ne se limite pas aux seuls cas de suicides, de tentatives de suicides, mais concerne l’ensemble du corps social des salariés de France-Télécom. Il cite le suicide d’une femme de 42 ans, Sophie, et dénonce immédiatement la stratégie cynique d’exclusion mise en œuvre dans la société France-Télécom. Il explique que les Dirigeants voulaient sauver l’entreprise, et éviter la faillite de France-Télécom pour ne pas aboutir à la situation de faillite de la Sabena, de Swissair ou encore d’Alitalia. Une saine motivation en apparence. mais immédiatement, M. l’Avocat Général déplore que l’article L4121, sur la préservation de la sécurité et la santé physique et mentale des salariés ait été oublié. Il explique en effet, que la défense des Prévenus invoquant une Légitime Défense Économique est illicite et n’a jamais été acceptée auparavant dans n’importe quelle autre affaire que ce soit en France. (Ndr : la fin ne justifie pas les moyens…). Puis il en vient au Plan NExT qui est en partie, et en partie seulement, basé sur une réduction des effectifs de France-Télécom. Il explique que le Harcèlement Moral a été utilisé comme un outil industriel pour pousser des salariés hors de France-Télécom. Il ne faut pas penser que les prévenus puissent ignorer les répercussions de leurs décisions sur la santé des travailleurs pour en être exonérés. Il cite l’Article 222-33-2 et précise que cet article est bien légal, alors que les prévenus ont nié l’existence du harcèlement dont ils sont accusés, mais que ceci ne change rien. D’ailleurs la Cour de Cassation, le 25 octobre 2011, a bien constaté que cet article était bien conforme à la CEDH. De plus, si le texte de la loi sur le harcèlement a bien subi certaines modifications la 4 août 2014, cela n’a en rien changé l’esprit de la Loi, ni son application. Certaines clarifications ont été alors édictées sur la définition de ce qu’est le harcèlement moral, pour éviter certaines confusions, et rien de plus. Lorsque l’on institue une instabilité du travail, l’on a conscience que cela dégrade la santé et les conditions de travail, l’on a la conscience de le savoir. Quand l’on va user de méthodes sophistiquées pour licencier ou faire partir des personnels, cela devient du harcèlement moral. Il ajoute que 39 personnes (traitées dans l’ORTC), 1800 dossiers déposés en tout, c’est à la foi peu et beaucoup mais ce n’est pas à ce niveau que cela se passe. M. l’Avocat Général émet que : « les dirigeants ont été aveuglés par le sauvetage de France-Télécom à réaliser et ont mis en place une stratégie de harcèlement industriel pour y parvenir.» Puis il évoque la Loi du 27 juillet 1996, qui a préparé la transformation en société anonyme, tout en préservant le statut des Fonctionnaires de France-Télécom, qui a engendré une situation particulière dans France-Télécom, composée en 1996 de 94% de Fonctionnaires, dans une société anonyme, mais que cette situation pas facile était parfaitement connue de l’équipe dirigeante lorsqu’elle a pris ses fonctions. Puis M. l’Avocat Général passe à l’étude de la dette, qui était de 14 M d’euros en 1996, passant à 70 M d’euros en 2002. Le Plan NExT poursuit le plan Ambition, mais avec deux problèmes majeurs qui surviennent :(1) la pyramide des âges déséquilibrée à cette époque, (2) la fin du CFC au 31 décembre 2006, connue depuis 1996. Or, avec le maintien de la cadence de départs à ce rythme accéléré, l’on sait que la situation ne sera pas tenable, sauf à ne plus respecter la loi. De plus les personnels sont essentiellement des fonctionnaires, statutaires, qui ont fait un concours, et qui sont présents pour le service public. Le maintien de cette trajectoire de départs (22.000 en 3 ans), sans CFC, est intenable avec des moyens légaux… Or, cet Objectif devient Impératif pour sauver France-Télécom. Mais il explique qu’au début, France-Télécom avance masqué. M. l’Avocat Général explique qu’en 2005, rien ne laissait transparaître une telle volonté de procéder à des déflations de personnels. C’est le 14 février 2006 que l’information va être révélée dans la presse et va constituer un électrochoc. Les personnels tombent des nues, l’objectif devient prioritaire à ce moment-ci. M. l’Avocat Général précise que tout au long de ce procès, les prévenus ont tout fait pour tenter de dissimuler cet objectif impératif par des détours artificieux. Pourtant, il explique que l’objectif est bel et bien cité en tant que tel, en toutes lettres, dans le Document de Référence 2005 adressé à l’AMF, ou en toutes lettres y est précisé : -1.000 à l’étranger, -16.000 qui en réalité sont -22.000 +6.000 recrutements, donc dès le début, les intentions de procéder à une diminution des personnels est publiée, assumée par l’équipe dirigeante. Il dénonce ensuite la stratégie de la Direction qui avance masquée jusqu’au mois d’Octobre 2006 où, lors de la fameuse réunion de l’ACSED, la stratégie de la Direction est révélée, ouverte, assumée au grand jour. D’ailleurs c’est pour cette raison que quelques temps plus tard, M. Olivier Barberot qui se ravisera, exigera la destruction des enregistrements de cette réunion qui le dénonçaient clairement comme auteur de harcèlement moral à venir, pour pouvoir continuer à cacher la réalité : la mise en place d’une Stratégie industrielle raisonnée de Harcèlement Moral généralisé… En cela, les discours prononcés à la réunion de l’ACSED d’Octobre 2006 sont limpides. Il revient sur le CCE qui se tient le lendemain, 15 février 2006 et l’extrême mauvaise foi des dirigeants en cette occasion. Il cite M. Olivier Barberot qui parle et raconte n’importe quoi au cours de cette réunion en affirmant qu’il n’y a que 16000 départs, alors qu’il s’agit de faire 22.000 départs pour recruter 6000 arrivées, et que ce ne sont pas les personnels ayant été poussés au dehors de l’entreprise qui seraient ensuite réembauchés parmi… Il parle de continuer la déflation des effectifs grâce au CFC en 2007, alors qu’il sait très bien que le CFC disparaît définitivement au 31 décembre 2006. Concernant les départs dans la Fonction Publique, M. Barberot fabule totalement en présentant cette possibilité comme une solution valable et M. l’Avocat Général précise à titre d’exemple qu’en départ en FP, seules 53 personnes sont parties en 2006… Comparés avec les 4500 départs de France-Télécom à réaliser en 3 ans, cela ne veut rien dire, cela est intenable et M. l’Avocat Général d’imaginer M. Barberot en Moïse ouvrant la mer pour la traverser… En 2007, seulement 19 personnes partent en FP, ce qui souligne l’indigence de cette solution qui ne peut être comparée à l’ex-CFC. Après calculs, M. l’Avocat Général déduit qu’il reste au moins 13500 agents à faire partir de France-Télécom (Ndlr : hypothèse basse), sans CFC, avec très peu de retraites naturelles dans ces années-là (Ndlr : en raison d’une part du déséquilibre de la pyramide des âges, d’autre part en raison du siphonnage par le CFC et notamment sa dernière année d’existence en 2006, par effet d’aubaine ultime), et donc constate que c’est là que le Harcèlement Moral demeure la seule solution pour accomplir ces départs et respecter l’objectif des -22.000 annoncé dans les médias. Quant aux 10000 mutations/reconversions, M. l’Avocat général explique bien qu’il s’agit d’envoyer des lignards sur des plateformes d’appel, par force, pour remplacer des populations jeunes d’intérimaires qui eux-mêmes ne veulent pas rester sur ces métiers et quittent France-Télécom rapidement (Ndlr : ce phénomène de turn-over est en effet notoire, comme le souligne M. l’Avocat Général)… Comme le déclare M. l’Avocat Général, ce serait un peu comme si demain l’on réaffectait un astronaute de Kourou pour aller tailler les haies de la base de Kourou, ce qui ne serait pas très passionnant… Ensuite il revient sur M. Lombard qui affirma à la barre qu’il avait été rencontrer M. le Ministre en charge des Télécommunications, et que celui-ci l’aurait éconduit en quelques instants. M. l’Avocat Général ne veut pas croire en ce mensonge et le dit clairement, car cela est tout bonnement invraisemblable pour une société aussi importante en situation délicate, dont son PDG, Monsieur Lombard eût très bien pu rendre la chose publique dans les médias et ainsi compromettre le Ministre (Ndlr : ce qu’il n’a jamais fait… Donc…). Sur la GPEC 2006 qui a été rejetée, M. l’Avocat Général précise que c’est bien l’équipe dirigeante qui ne voulait pas la renégocier, car elle voulait continuer à dissimuler ses intentions et que surtout aucun syndicat, aucune IRP, ni même l’État ne viennent fourrer leur nez dans une GPEC illégale qui préparait le harcèlement moral à grande échelle… Le Plan NExT n’est pas non plus négociable pour une direction qui souhaite mettre en œuvre intégralement son harcèlement moral. En effet, la Direction refuse de mettre en place un PSE, ce qu’elle aurait pourtant dû faire pour les salariés de droit privé. Avec le Plan NExT, le salarié se retrouve sans aucune protection, dans une relation déséquilibrée, face à son manager qui a appris des techniques pour le berner, au travers des EMF. Les syndicats sont écartés, les IRP et l’État de même. L’Équipe Dirigeante voulait appliquer le Plan NExT coûte que coûte, pour réaliser les 22.000 départs et les 10000 mobilités forcées. L’équipe Dirigeante a procédé sur 4 fronts : (1) Isoler les salariés (vu plus haut). (2) créer les EMF. (3) Instituer une Part Variable en partie indexée sur les objectifs de déflation réalisés. (4) Liquider les équipes RH de proximité. Concernant les EMF, M. l’Avocat Général déclare que Didier Lombard se moque ouvertement de la Cour et ment en affirmant que pour former les 4000 meilleurs Managers de France-Télécom il avait été fait appel aux cabinets de consultants les plus médiocres… Il évoque ensuite le cabinet ORGA Consultant et son document Réussir ACT (cote D3368) poussant ouvertement les personnels à quitter France-Télécom vers la Fonction Publique en les déstabilisant. M. l’Avocat Général cite M. Yves Minguy (une victime reconnue) qui déclarait : «Je suis juste une statistique.» Concernant la Part Variable indexée en partie sur le respect des objectifs de départs hors de France-Télécom, il constate son existence, et que l’on a versé ces primes des plus hauts niveaux, jusqu’à des niveaux relativement bas de managers, pour motiver les managers à pousser leurs agents dehors. Il souligne que cette prime a été allouée pour la première fois aux RH, ce qui a perverti la relation entre agents et RH ainsi dévoyée. Quant au réseau RH de proximité, il est supprimé méthodiquement car il serait plus difficile pour des RH locaux connaissant les personnels de les chasser hors de France-Télécom, ce qui devient plus facile pour des RH traitant des dossiers d’anonymes, à distance, sans les connaître, sans les avoir jamais rencontrés… Il y a là mise en place d’un Harcèlement Scientifique réalisé par des Managers conditionnés par l’EMF, et en l’absence de RH de proximité, qui du coup ne peuvent pas interférer dans la réalisation du Plan NExt et du Programme ACT pour éjecter facilement des personnels isolés… Il explique aussi le principe de la mise en pression des managers eux-mêmes, pour les forcer à harceler les agents, sous peine d’être eux aussi harcelés et poussés vers la sortie s’ils ne s’exécutent pas. Pour mettre la pression aux managers, un suivi tatillon très régulier est institué. Il dénonce aussi la Méthode Jacques Moulin imaginée par son auteur pour pousser vers la sortie de manière très active les low performers, les mères de 3 enfants, les agents d’âge mûr… Il prend un autre exemple, à la DT Nord, 6 réorganisations en 7 mois seulement ! qui entraînera une déflation globale de 15% des effectifs… Il explique que le Time To Move permet aux managers de ne pas avoir le temps matériel de lier amitié avec leurs agents, pour ainsi être plus efficace pour les harceler et les chasser… Ensuite, il explique que la Direction va ignorer sciemment les alertes (Ndlr : et là, ça va virer au glauque). Il explique d’abord que les 39 cas de l’ORTC ne sont que le plus petit dénominateur commun mais qu’il y a eu beaucoup de victimes… Il explique aussi que France-Télécom Orange n’a pas fait appel, dans le but de tourner la page pour une motivation purement commerciale pour cesser la mauvaise publicité autour de France-Télécom avec toutes les répercussions sur le chiffre d’affaires. Puis, M. l’Avocat Général affirme que le CODIRGE (Comité de Direction Générale) possède une connaissance très fine de la situation sur le terrain, à contrario des dénégations des prévenus… 12H00 suspension de séance ; 12H30 reprise… M. l’Avocat Général va donner lecture d’un très intéressant Cahier à Spirale saisi par la Police au domicile de l’ancien Directeur Financier à l’époque des faits, M. Gervais Pélissier. Il y consignait précisément tout ce qu’il se passait dans les CODIRGE, au plus haut niveau de France-Télécom… Nous n’allons pas en être déçu… La lecture du Cahier à Spirale s’avère très révélateur… Les Dirigeants de France-Télécom savaient tout ce qu’il se passait très précisément dans France-Télécom… Ce cahier fourmille d’informations détaillées sur les agissements de M. Cherouvrier, de Madame Dumont, de M. Barberot, sur tout ce qu’ils organisaient pour déstabiliser les personnels, au travers des EMF chargées de conditionner les managers, par exemple… Il insiste sur les mensonges de Mme Dumont et de M. Cherouvrier qui présentaient à MM. Lombard et Wenes les points de blocage en réunion (les résistances au harcèlement en local). Dans ce Cahier à Spirales, tout y est consigné en détail, et l’on apprend que tout était remonté avec minutie à M. Lombard, y compris les suicides en 2007, 2008, avant même la grande médiatisation de Juillet 2009, alors que les prévenus mentent depuis plusieurs années en affirmant le contraire, qu’ils n’étaient au courant de rien ! Idem pour l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées, créé par SUD et CFE-CGC. Alors qu’il feignent de ne pas avoir connu son existence, en réalité le Cahier à Spirale le mentionne dès sa création rendue publique… Et comme par hasard, si personne ne le connaît, soi-disant, le site internet de cet Observatoire se retrouve bloqué dans l’Intranet interne de France-Télécom (Ndlr : classé dans la catégorie d’interdiction des sites pornographiques). Preuve de plus des mensonges des Dirigeants. M. l’Avocat Général revient sur le témoignage de M. Charles-Henri Filippi, le banquier (Ndlr : l’Administrateur-Touriste en balade à France-Télécom histoire de gratter quelques jetons de présence pour payer ses factures et menus frais), qui n’avait soi-disant rien vu, et résume la situation par : «Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir». M. l’Avocat Général précise que M. Lombard a voulu passer en force et déjà, pourtant, en 2004, Mme la Sénatrice Marie-Claude Beaudeau avait rendu un rapport décrivant une situation tendue dans France-Télécom… Tout était déjà en germe à cette époque, y compris le harcèlement. Ensuite sont traitées les Délégations de Pouvoirs, qui en fait n’en sont pas vraiment une, car le délégué est toujours soumis à un contrôle étroit du délégataire, (Ndlr : ce qui pour le coup ne veut strictement rien dire, mais cela se passait ainsi dans France-Télécom…) Ensuite, il insiste sur la fait que M. Barberot n’était pas le seul coupable… (Ndlr : il est alors 13H05 : en effet, tous les prévenus ont tout calculé, de manière concertée, ensemble, au plus haut niveau, et ils savent tout, ils sont au courant de tout… L’abondance des pièces citées, lues en audience, la cadence de lecture me donnent une sorte de vertige… C’est le coup de massue… Ils savaient tout de A à Z, de haut en bas, et de bas en haut…) Sur ce, concernant M. Didier Lombard, M. l’Avocat Général demande à la Cour de ne pas requalifier la qualité d’Auteur en Complice, car M. Lombard est bel et bien l’auteur des faits reprochés, sans ambiguïté, il est un Capitaine d’Industrie qui a ordonné, organisé et suivi de près la mise en application du Plan NExT et qu’il était parfaitement au courant de tous les problèmes qui existaient dans France-Télécom, et qu’il s’inscrit bient dans la co-action. Concernant M. Louis-Pierre Wenes, M. l’Avocat Général le décrit dans la dissimulation de ses intentions, dans la fausse modestie et qu’il constitue, avec M. Lombard et M. Barberot, le Triumvirat aux commandes de l’entreprise. Il n’est pas un salarié lambda, il a les épaules solides, M. Wenes est adoubé par M. Lombard, et que M. Wenes adhère totalement aux vues de M. Lombard, il en est même remercié car il devient par la suite Directeur des Opérations France, le n°2 de France-Télécom, suivant la volonté de M. Didier Lombard. Il ajoute que M. Wenes, sait tout, il est au courant de tout ce qu’il se passe dans les services, et d’ailleurs il précise que M. Wenes est alors le plus opposé à l’établissement d’un PSE, afin d’éviter que les syndicats, les IRP et l’Etat ne viennent fourrer leur nez et qu’ils ne puissent pas empêcher la mise en place du harcèlement moral dans France-Télécom. (Ndlr : il est alors 13H20 et l’ambiance devient ultra glauque dans la salle. J’éprouve une forme de dégoût qui ne me quittera plus tant que je serai dans la salle…) M. l’Avocat Général reprend la déclaration à la barre de M. Wenes qui expliquait se prendre pour un skipper chargé de sauver un bateau en pleine tempête, et explique qu’en fait M. Wenes est le skipper, qui, en pleine tempête, va jeter par dessus bord tous les marins capables d’accomplir la manœuvre salvatrice, pour pouvoir faire la manœuvre lui-même… (Ndlr : extraordinaire allégorie soulignant l’altruisme de M. Wenes – faire partager une bonne baignade en mer à 10 milles des côtes). M. l’Avocat Général revient sur les déclarations mensongères de M. Wenes lorsqu’il déclare que les EMF étaient des écoles qui ne servaient à rien, en expliquant que M. Wenes mentait car personne ne peut croire que M. Wenes, en son ancienne qualité de Directeur des Achats, et par sa personnalité même, puisse accepter que chaque année, 250 millions d’euros puissent être dépensés à fonds perdu pour un truc bidon… M. l’Avocat Général explique que ce ne sont que des fariboles de M. Wenes faites à la Cour… (Ndlr : j’ai maintenant des sortes de nausées, je me sens écœuré, je me sens alors très mal… ) Sur ce, M. l’Avocat Général évoque aussi les Cellules d’Écoute et déclare simplement : «Si tout allait si bien, que personne à l’état-major ne savait rien des problèmes sur le terrain, pourquoi avoir créé des cellules d’écoute ?». M. l’Avocat Général précise que les Cellules d’Écoute ont bel et bien été créées en réaction à la création de l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées (Ndlr : le timing parle pour lui… Et de me faire sourire quand les Prévenus déclarent tous, la main sur le cœur, que jamais, au grand jamais, ils n’avaient connu la création de l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées dès le début de son existence). Et de repréciser que M. Wenes, tout comme M. Lombard, savait tout ce qu’il se passait dans France-Télécom dans les moindres détails, et qu’à ce titre, à son niveau hiérarchique, et sans qu’il n’ait jamais manifesté le moindre désaccord avec M. Lombard, et qu’il ait au contraire appliqué le Plan NExT, M. l’Avocat Général demande que la qualification d’Auteur du délit de Harcèlement Moral soit maintenue contre M. Wenes….
- À 13H32, Mme l’Avocate Générale va requérir contre les prévenus complices, à savoir Mme Brigitte Dumont, Mme Nathalie Boulanger, M. Guy-Patrick Cherouvrier et M. Jacques Moulin. Déjà sidéré par les révélations de M. l’Avocat Général, nous allons descendre un peu plus dans le honteux, dans le malsain, dans le laid, dans la lise. Nous n’allons pas être déçu… En effet, nous avons eu droit, ces derniers jours, à des complices ayant tenté de se faire passer pour des gens très gentils, très sympas, sociables, qui avaient des états d’âmes, sous-entendu qu’il avaient une âme… Le seul problème est que ce que va nous expliquer Mme l’Avocate Générale est à l’opposé de ces portraits idylliques, à ces fables que l’on a tenté de nous faire accroire ces derniers jours sur ces gens bien, altruistes et bienveillants. Leur portrait va s’avérer virer à la galerie de tableaux de Francis Bacon, aux représentations des plus hideuses. Un véritable concours de laideur… Mme l’Avocate Générale explique tout d’abord que pour être complice, il faille accomplir au moins un acte positif, et qu’un seul acte positif aidant un Auteur d’un Harcèlement suffit pour devenir complice, en en étant pleinement conscient. Elle explique que la hiérarchie intermédiaire était aussi victime dans cette affaire.
- Puis commence l’examen du cas Brigitte Dumont. Madame Dumont est Madame ACT, qui a participé à de nombreuses réunions Réussir ACT, 22 participations au total. Dans son CV saisi par la Police, Mme Dumont se prévaut d’ailleurs de sa réussite personnelle du Programme ACT, en indiquant : Objectif atteint -22.000 effectifs et 10.000 mobilités forcées. Mme Dumont est l’Architecte du volet social du Plan NExT, c’est à dire le Programme ACT. Mme l’Avocate Générale ajoute que le domaine RH est bien le domaine d’expertise de Mme Dumont, et qu’elle en possède la maîtrise. Elle ajoute que la formation Réussir ACT est le moyen de parvenir au départ des 22.000 personnels, le tout rédigé en un modèle du genre de nov’langue Orwellienne, où par exemple, le verbe accompagner signifie en réalité déstabiliser. Elle ajoute que la formation Réussir ACT est à l’opposé du respect du véritable volontariat. Puis Mme l’Avocate Générale parle des « Valeurs » dont se prévaut (Ndlr : ou plutôt se goberge) Mme Dumont, « valeurs » qui ne prennent pas en compte le baratin au contenu abject que l’on retrouve partout dans un ensemble de formations, où l’on reconnaît bien la patte personnelle de Madame Dumont. Elle précise que Madame Dumont faisait bel et bien partie du comité directeur du cabinet ORGA-consultant (Ndlr : ce qu’elle niait encore il y a peu à la barre, en position de super-menteuse patentée), et que d’ailleurs, M. Cherouvrier le confirmera à la barre (Ndlr : dont il aura fallu pousser à bout l’impétrant dans ses derniers retranchements pour qu’il crache le morceau à la barre !). Madame Dumont savait très bien, toutes le preuves et les écrits le prouvent, que le volontariat ne pourrait pas tout et ne serait pas suffisant, et elle sait que tout son baratin, que tous les mots de sa nov’langue ne servent qu’à masquer les départs et les redéploiements forcés… Mme Dumont adhère pleinement au Programme ACT, et connaît très-bien le caractère de Dégagement des Espaces Développement qu’elle ne peut pas ignorer. De par ses fonctions, elle est au courant de tout ce qu’il passe dans France-Télécom. Et Mme l’Avocate Générale de citer moult exemples, en évoquant notamment les événements extrêmement préoccupants comme les mannequins pendus sur le site d’Alès. (Ndlr : à chaque fois, une pièce étaye chaque affirmation de l’Avocate Générale, une citation, un extrait, une cote…). Elle ajoute que Mme Dumont a toujours validé à haute voix tous les actes du Plan NExT sans jamais manifester la moindre réserve, le moindre doute. En outre, Mme l’Avocate Générale rappelle que Mme Dumont a signé une note de service en 2008 instituant la création d’un barème sur la Part Variable Manager indexée en partie sur des objectifs de déflation des effectifs, ce qui est purement et simplement illégal. Ceci est pourtant clairement interdit par la loi, mais elle l’a pourtant fait… De plus, elle sait que les Départs Naturels n’existent qu’en tant qu’élément de langage. Les conclusions de Mme l’Avocate Générale sont sans ambiguïté : Mme Dumont a sciemment apporté son aide, son concours actif au Programme ACT, tel que prévu dans les griefs de complicité et demande le maintien de la culpabilité au titre de complice de Harcèlement Moral (Ndlr : j’ai un moment cru que l’on avait frôlé la requalification en Auteur, tellement la charge a été forte… Dommage ! Mais nous aurons une bonne surprise à la fin de cette journée, tout de même).
- Ensuite le cas Nathalie Boulanger est passé au crible, et cela ne va pas être triste. Mme Boulanger est une dame qui essaye, depuis déjà deux bonnes semaines, de faire accroire au Tribunal qu’elle avait eu à cette époque des états-d’âme devant tout ce qu’il s’est passé de bizarre dans France-Télécom à cette époque, où elle était alors Directrice des Actions Territoriales. Mme l’Avocate Générale explique comment Mme Boulanger assurait elle-même un suivi extrêmement précis et concret des départs de salariés, en tenait la comptabilité très minutieuse, organisait pour cela des réunions de suivi avec chaque DT tous les 15 jours, puis toutes les semaines (pour accélérer le rythme et mettre encore plus de pression sur les Directeurs Territoriaux). Elle sait très bien que le Programme ACT ne respecte pas la loi, et que ce Plan NExT ne sert qu’à éjecter des personnels hors de France-Télécom, ou de les muter en dehors de tout cadre légal. Mme l’Avocate Générale précise que Mme Boulanger tenait le décompte des départs à accomplir et réellement accomplis à l’unité près, et assurait elle-même le suivi tatillon et assidu de chaque départ. De surcroît, il est établi que Mme Boulanger fixait elle-même les primes et les bonifications des Directeurs Territoriaux indexées sur les objectifs de départs, de déflation des effectifs en fonction de leur atteinte. Mme Boulanger établissait régulièrement des bilans ultra-précis, micrométriques, à l’unité près des départs et savait parfaitement que tout ceci était très déstabilisant pour le personnel, et la meilleure preuve c’est qu’elle a assuré la mise en place des Cellules d’Écoute et de l’Écoute Salariés. Mme l’Avocate Générale requiert en conséquence la confirmation de culpabilité en qualité de complice de Harcèlement Moral contre Mme Nathalie Boulanger, qui a toujours exercé avec application les tâches qui lui étaient dévolues, et sans que l’on ne puisse jamais établir qu’elle ait éprouvé à cette époque, le moindre état-d’âme (Ndlr : à contrario de l’aspect que la Prévenue essaye de nous présenter de sa personne, le Parquet décrit Mme Boulanger comme un monstre froid, un super-calculateur sans aucune âme, sans aucun affect, sans aucun sentiment ni bienveillance.)
- Ensuite, vient le tour du cas Guy-Patrick Cherouvrier. M. Cherouvrier, c’est le Monsieur devenu à la fin de sa carrière DRH France, on ne sait pas trop pourquoi/comment, et qui brille par son absence la plupart des jours dans ce Tribunal. Pour vivre heureux, restons cachés, et peut-être qu’ainsi, la Cour va-t-elle l’oublier. Mais non, il n’en sera rien. Mme l’Avocate Générale lui a préparé l’addition, et n’en aura pas omis une ligne… Mme l’Avocate Générale débute par le pedigree de M. Cherouvrier. Elle explique qu’il devient DRH alors qu’il ne possède pas de bases théoriques fondamentales suffisantes du domaine RH pour tenir le poste. Mme l’Avocate Générale rappelle que M. Cherouvrier n’a pas cessé au cours de ce procès ou du précédent, de se renier à de multiples reprises. Il a en effet changé plusieurs fois ses déclarations (Ndlr : explication de texte – M. Cherouvrier est une girouette patentée). Mme l’Avocate Générale explique que ses revirements successifs ne visent qu’à une chose : minimiser sa responsabilité dans le harcèlement moral imposé aux personnels de France-Télécom. Mais malheureusement, la DRH France qu’il dirige est une Direction très centralisée, et son nom apparaît partout dans toutes les procédures de déflation des effectifs… Mme l’Avocate Générale explique par ailleurs en ces termes que M. Cherouvrier possède une vision du Dialogue Social qui lui est toute particulière… Elle explique que la GPEC est pour Monsieur Cherouvrier une simple « caution légalité », une simple note de service, dira M. Didier Lombard, pour couvrir des mobilités toutes sauf volontaires. Un e-mail saisi par la Police le prouve, ainsi qu’une note de service signée de sa main… De surcroît, il a lui-même organisé le séminaire ACT en Mai 2007, où lors de celui-ci, il est clairement déclaré, explicité publiquement, que l’on doive créer une instabilité pour les salariés pour les mettre en mouvement… Puis Mme l’Avocate Générale revient sur les déclarations du DRH Groupe de l’époque, M. Olivier Barberot, à propos de l’annonce du Crash Programme avec son cortège de phrases d’intimidations, de menaces envers les personnels, et précise bien qu’aucune réprobation de la part de M. Cherouvrier ne sera retrouvée nulle part dans aucune pièce du dossier… Bien au contraire, Monsieur Cherouvrier signera la note sur la Part Variable Manager en 2007, indexée en partie sur la déflation des effectifs… De plus, il est établi sur pièces que M. Cherouvrier couvre et approuve les missions sans mission réelle, les missions sans poste. Mme l’Avocate Générale explique que sous le magistère que M. Cherouvrier, la fonction RH a été détournée de son objet, pour devenir une machine à Déflation des effectifs, et qu’à son poste de haute responsabilité, il ne pouvait pas ignorer les conséquences du Programme ACT sur les salariés de France-Télécom. Il est d’ailleurs établi qu’il a toujours refusé de prendre en considération les alertes multiples émanant de tous les corps sociaux (IRP, Syndicats, Médecins de Prévention), et cite à nouveau l’affaire des mannequins pendus sur le site d’Alès à titre d’exemple ignoré par lui. Pour conclure sur le cas Cherouvrier, par un bilan assez peu reluisant, représentatif du personnage : M. Cherouvrier n’a rien fait pour freiner la mise en place du Programme ACT ; bien au contraire, il a accéléré la déstabilisation des personnels par tous les moyens qu’il a pu utiliser à cette fin. À ce titre, Mme l’Avocate Générale demande la confirmation de culpabilité du Prévenu au titre de complice de Harcèlement Moral.
- Enfin, vient le cas de celui que nous attendions tous avec impatience, celui du cas Jacques Moulin. M. Moulin, c’est ce Directeur Territorial qui se présente comme le plus beau, le meilleur, qui réussit tout, qui est très social, qui conçoit plein de trucs bien, sauf, curieusement par moment, où son discours change de manière inexplicable quand il se déclare, sur certains faits précis, comme n’étant qu’un Directeur Territorial comme les autres, et ayant des résultats plutôt très moyens, voire passables. En effet, quand on « connaît » un peu le marlou, on se demande dans ces moments-ci : «Pourquoi cette modestie soudaine ? ». Mme l’Avocate Générale va nous en servir la raison véritable sur un plateau d’argent de chez Christofle de manière inespérée. En effet, M. Moulin, c’est ce personnage qui parle dans une langue incompréhensible, qui forme ses phrases en accolant des mots qui, aboutés ensemble, ne veulent rien dire, qui sort des réponses un peu comme des poupées russes en balade sur un manège ; bref, moi qui ai un certain âge, qui possède, sans être le Duc de Saint-Simon, une maîtrise de la langue française assez convenable, et qui ai un esprit assez cartésien, je dois dire que les discours de M. Moulin sont totalement dénués de sens, il me semble. Du coup, j’avais une crainte. La crainte que pour la Cour, les discours de M. Moulin ne soient pas même pas compréhensibles de ses éminents membres, et que, telle que la seiche lâchant son encre, l’impétrant parvienne à embrouiller complètement le Tribunal et puisse, par cette sorte de camouflage marécageux parvenir à circonvenir le cours de la Justice. Heureusement, le Parquet est parvenu à mettre à bas cette feintise. Tout d’abord, Mme l’Avocate Générale précise un fait. La conception du dispositif Intérim Développement par M.Moulin, n’est pas, et n’a jamais été l’objet des poursuites dans cette affaire. (Ndlr : il est bon de le rappeler car M. Moulin, en baratineur dûment identifié, essaye toujours de meubler le vide sidéral de ses déclarations en parlant, causant et revenant maintes fois sur son bébé dont il est si fier – Intérim Développement – alors qu’en fait, le Tribunal n’est point ici pour traiter de ce dispositif satellite en regard des vrais enjeux… En cela, Mme l’Avocate Générale envoie dès le départ une explication concernant les plus assidus à ce procès, qui ont vu le « phénomène » à l’œuvre dans ses diversions les plus ridicules…). Mme l’Avocate Générale cite les restructurations incessantes et désordonnées dans la DT Est dirigée par M. Moulin. Puis elle traite du cas du suicide de M. Robert Perrin pour décrire à la fois sa situation, mais aussi le comportement assez douteux de M. Moulin. En effet, le suicide intervient 3 jours après la promotion/départ vers Paris de M. Moulin et par contre a préféré envoyer un Directeur d’Unité nouveau venu, qui ne connaissait personne sur place pour entrer en contact avec la famille… Puis, Mme l’Avocate Générale va annoncer la couleur en démasquant M. Moulin le super-menteur… En effet, icelui se présente par moment comme un Directeur Territorial banal, comme les 10 autres, et plutôt moyen, aux résultats passables, car, comme il le dit, son territoire de l’Est n’est pas attractif (Ndlr : très sympa pour les gens de l’Est, mais passons sur ce mépris de plus)… Eh bien Mme l’Avocate Générale explique que de toutes les DT, c’est la DT Est dirigée par M. Moulin qui atteint les meilleurs objectifs avec 53% de succès, contre 34% en moyenne nationale ! (Ndlr : M. Moulin est en effet le meilleur en termes de réussite en matière de coups pourris (déflation des effectifs, restructurations, mutations forcées déguisées, etc… Un vrai Talent !)). Mme l’Avocate Générale précise bien que M. Moulin a activement participé au déploiement, à l’application du Plan NExT et du Programme ACT, en a fait sa priorité, et a réussi en cela avec grand succès ! Concernant la mise en œuvre à son échelle, M. Moulin a assuré le suivi des départs, et a assuré la mise en œuvre de la déflation des effectifs avec grande application. De son objectif d’atteindre les 100% de départs en CFC en 2006 pour les fonctionnaires éligibles, il parvient au meilleur résultat de toutes les DT avec 71% ! D’ailleurs, en 2008, il percevra deux très belles primes semestrielles de Part Variable (indexées sur les départs) de 28000 et 29000 euros ! La meilleure PV de tous les 11 DT ! Son salaire sera même augmenté de 9,5 %, en récompense de sa grande efficacité ! Ainsi donc, comme l’ajoute Mme l’Avocate Générale, M. Moulin constitue-t-il dans la DT Est, le relais incontournable de la politique de déflation des effectifs, dont il était parfaitement informé dès le départ, vu qu’il était présent lors de la fameuse réunion de l’ACSED en Octobre 2006. Mme l’Avocate Générale précise que M. Moulin cherche à se dédouaner de ses responsabilités en chargeant les Managers locaux quand des événements tournent mal (Ndlr : les succès c’est toujours lui, les échecs ce sont toujours les subalternes.) Concernant les Espaces Développement, et les Cellules d’Écoute, il maîtrise tout ces dispositifs, il en est une référence reconnue par ses pairs et ses supérieurs en matière de connaissance et qui le féliciteront publiquement au cours d’une réunion de top managers, et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il sera promu DRH des Opérations France, au départ de M. Cherouvrier courant 2008. À titre de précision, Mme l’Avocate Générale insiste sur la vision à géométrie variable qu’a M. Moulin sur ses pouvoirs à la DT Est. En effet, dans ses déclarations à la Cour, soit M. Moulin a des pouvoirs, soit il n’en a pas, quand cela l’arrange… Pour conclure sur le cas Moulin, Mme l’Avocate Générale insiste sur le zèle particulier du personnage, et qu’à ce titre il a été remarqué pour son efficacité par M. Olivier Barberot en personne, et fut félicité publiquement pour ses réussites lors d’une grand-messe à l’ACSED et, comme le déclare Mme l’Avocate Générale en ces termes : «Il a reçu, de la hiérarchie, tous les sacrements».
- En conclusion de cette journée de révélation, le Parquet va requérir des peines concernant les 6 prévenus « encore en course » dans ce procès en appel. Elle rappelle que le procès ne concerne pas seulement les 39 victimes listées dans l’ORTC, ni même les 118 Parties Civiles supplémentaires présentes dans la procédure (Ndlr : et certaines dans ce tribunal avec assiduité), mais de très nombreux employés ou d’anciens employés de France-Télécom. Elle dénonce la violation de la Loi par des méthodes interdites dans le but de réduire le personnel de France-Télécom, par la mise en œuvre d’une politique managériale illicite, en ayant dilué les responsabilités sur l’ensemble des échelons intermédiaires, et insiste sur la sape des services RH qui se sont retrouvés atomisés et dont l’objet a été finalement détourné. Mme l’Avocate Générale dénonce une politique managériale machiavélique, qui a fini par rendre fou les personnels. Puis, Mme l’Avocate Générale d’évoquer le grand âge de M. Didier Lombard (80 ans) et M. Louis-Pierre Wenes (73 ans) et déclarer qu’il ne faut pas en tenir compte, en regard de la gravité hors norme du délit commis et des effets à grande échelle que ce Harcèlement Hiérarchique industrialisé a produits, car cela constituerait une grande injustice pour les milliers de salariés victimes de leurs agissements.
- Concernant les deux Auteurs de Harcèlement Moral, MM. Didier Lombard et Louis-Pierre Wenes, le Parquet requiert une Peine d’emprisonnement d’1 an, dont 6 mois avec sursis (Ndlr : soit 2 mois de plus de prison ferme qu’en 1ère instance), la détention sous forme d’aménagement (Ndlr : bracelet électronique, au domicile) et confirmation d’une amende maximale de 15.000 euros.
- Concernant les quatre complices de Harcèlement Moral, Mmes Brigitte Dumont et Nathalie Boulanger et MM. Guy-Patrick Cherouvrier et Jacques Moulin, le Parquet requiert une Peine d’emprisonnement de 6 mois avec sursis (Ndlr : soit 2 mois de plus de sursis qu’en première instance) et le doublement de l’amende prononcée en 1ère instance, passant de 5.000 euros à 10.000 euros.
- En outre, Madame l’Avocate Générale demande, comme en première instance, la confiscation des scellés et conclut ses réquisitions en rappelant le respect dû à la mémoire de tous les agents de France-Télécom qui ont été contraints de quitter la société. À 16H05, fin de l’audience.
- Synthèse personnelle de cette journée de Réquisitions : le Parquet établit sans le moindre doute le délit de Harcèlement Moral systématisé décidé par le Triumvirat infernal, autocentré et autorégulé Lombard – Barberot – Wenes (le Bon, la Brute et le Truand, sauf qu’ici, il n’y a pas de bon), délit industriel majeur activement conçu, déployé et dûment contrôlé par les complices Dumont – la Grande Prêtresse d’ACT, Boulanger – le Super-Calculateur Centralisé qui ne bugue jamais, Cherouvrier – le DRH Godillot-Girouette et Moulin – le Zélateur-Baratineur né. De plus, le parquet constate moult mensonges et vaines tentatives de dissimulations de leurs intentions, de leurs actes, de leurs responsabilités dans l’affaire, il établit en outre le suivi tatillon des départs à l’unité près (ce qui signifie, d’après-moi, que nous nous sommes retrouvés pour une grande partie des effectifs avec une cible rouge peinte sur notre dos, prêts à être tirés comme des lapins le jour de la réouverture de la chasse), que la hiérarchie sommitale de France-Télécom (le Triumvirat) était, dès le début de la mise en place de leur harcèlement industriel, machiavélique, institutionnel et généralisé, parfaitement tenue informée de la situation sur le terrain par leur système de remontée d’informations, en tous points symétrique au système répercutant du haut vers le bas leur volonté politique d’exclure 22.000 agents de France-Télécom et d’en déplacer 10000 dans le but de les déstabiliser, d’avoir méfait et d’avoir persisté à méfaire en pleine connaissance de cause, de manière totalement éclairée nonobstant les conséquences dramatiques qui se sont produites au fil des mois, jusqu’à ce que le pot-aux-roses soit révélé le 14 juillet 2009 grâce à la médiatisation qui a braqué les projecteurs sur cette équipe de casseurs de banques. Et dire que ces hauts-cadres, qui se sont exclus eux-mêmes de la grande famille des Télécommunications françaises ne savent toujours pas, à en croire leurs fariboles, pourquoi ils ont été condamnés en 1ère instance. Affligeant.
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- 28 juin 2022. Courte journée de Plaidoirie : celle concernant le complice Jacques Moulin, plaidée par Me Antoine Maisonneuve (fils) puis par Me Patrick Maisonneuve (père), qui déclare, dans une interview au Figaro le 25 février 2022 : « La Vérité n’est pas l’affaire de l’Avocat ».
- À 13H40, Me Maisonneuve fils est à la barre. Il a la lourde tâche de commencer les plaidoiries des Six Saints Innocents, qui, comme nous le savons tous, sont innocents, car cela est bien connu, les Tribunaux ne sont fréquentés que par des citoyens honnêtes. Et pour meilleure preuve, le jour de l’interrogatoire de M. Moulin, entre la chaleur et ses déclarations témestatiques, j’oubliai ma Carte Bleue sur le distributeur de boissons, puis par une chaîne de personnes d’une grande honnêteté, je la récupérai intacte dès le lendemain 9H30, et sans aucune fraude commise. Ainsi, donc, par un fabuleux coup de chance, l’on puisse construire ou reconstruire un bien heureux raisonnement et en encore plus magnifique dénouement, où tout finit bien, entre gens de bonne compagnie. C’est d’ailleurs un peu ce que vont faire les deux avocats à la Cour d’Appel en ce jour où le merveilleux aura prévalu de bout en bout de leurs plaidoiries. Il débute par cette affirmation : «plus on avance dans le déroulement du temps, moins mon client est coupable.» En effet, Me Maisonneuve fils va appuyer sur le seul argument basé sur une constatation : Il est accusé de complicité de Harcèlement Moral pendant qu’il est DT Est, tandis que lorsqu’il devient DRH à la mi-2008, M. Moulin n’est pas poursuivi. Cet argument est d’une consistance ultra-light, car en réalité, la période de prévention se déroule de 2007 à 2008 incluses, soit deux années. Or, en fait, toutes les notes de services corrompues au niveau RH ont été signées avant son arrivée, par d’autres prévenus. L’on puisse supposer qu’en 6 mois, il n’ait pas éprouvé la nécessité de commettre une note DRH corrompue de plus, et c’est pour cette raison qu’il échappe aux poursuites en tant que DRH France. Et j’ai envie de dire : «Et Alors ?» Par contre, Me Maisonneuve fils omet les preuves citées par les Avocats Généraux. Me Maisonneuve parle aussi de, je cite de : «Délit de Harcèlement Moral façonné par les Magistrats Instructeurs». Sa plaidoirie sera du même acabit. Il ira même jusqu’à dire : «Mais pourquoi M. Moulin est-il le seul des 11 DT, et 23 DT (en considérant tous ceux qui ont occupé les 11 postes en 2 ans) à être poursuivi ? (Ndlr : mais peut-être parce qu’il y a des preuves qui ont été saisies par la Police ?) Il affirme qu’aucun des 120.000 e-mails saisis chez M. Moulin n’a pu être utilisé contre lui. Il affirme aussi que les Taux d’accomplissement des Objectifs de la DT Est n’étaient pas les meilleurs, contredisant en cela les déclarations des Avocats Généraux. Il affirme enfin que la Part Variable Manager n’était indexée qu’à hauteur de 4,74 % de la Part Variable totale. Voici donc ce que j’ai pu capter de la plaidoirie de Me Maisonneuve fils, alors que le dernier quart d’heure me voyait être sérieusement tenté par les bras de Morphée.
- À 14H45, Me Patrick Maisonneuve est à la barre. Il est un Ténor du Barreau, il a de la route, de l’expérience, et quand tout est mal barré, on voit qu’il a l’expérience pour rhabiller la mariée, battre les œufs en neige pour faire beaucoup de mousse. Alors Me Maisonneuve père débuter sa plaidoirie en nous prodiguant un cours de droit de base pendant le premier quart d’heure de sa plaidoirie, histoire de se chauffer, et de meubler le vide et de faire de la diversion. Lorsqu’il en vient au vif du sujet il commence par déclarer qu’ici personne n’ignore les drames , les événements tragiques, les horreurs qui se sont produites. Il explique que si les prévenus compatissent, ils se font traiter d’hypocrites, s’ils restent de marbre, il se font traiter de monstres froids. Il n’en veut pas aux Parties Civiles, mais par contre s’attaque bizarrement aux Avocats des Parties Civiles, qu’il accuse de choses, de trucs, de machins, qui ne veulent rien dire. Et de partir encore pour plusieurs minutes sur les Avocats des Parties Civiles qui s’indignaient à propos des prévenus qui essayaient de se défendre (Ndlr : en niant la réalité des faits…) Bref, beaucoup de généralités, de banalités dans cette plaidoirie… Il sort une Phrase choc pour tenter de donner mauvaise conscience aux Avocats Généraux et au Avocats des Parties Civiles : «Trop d’innocence tue l’innocence». (Ndlr : c’était un peu raplapla tout cela…) Ensuite, il se demande où est l’acte positif de complicité, et quand il a été commis. Puis, il revient sur le fameux dispositif Intérim Développement de Jacques Moulin, son bébé, pour dire que s’il n’est pas poursuivi sur ce dispositif, en réalité, il a été mis en examen au départ de l’enquête sur ce dispositif. (Ndlr : on puisse penser qu’au départ les suspicions d’illégalité sur ce dispositif aient pu être soupçonnées, puis constaté que ce n’était pas le cas, et qu’enfin l’enquête ait révélé l’existence d’autres délits… Et c’est justement ce que les Avocats Généraux ont constaté…). Me Maisonneuve père ajoute aussi : «En quoi est-ce un délit de compter les effectifs de sa Direction ?». (Ndlr : ce n’est pas un délit de compter, le délit, c’est de savoir par quels moyens tu as fait partir les gens de leur emploi…) Ensuite, on sombre un peu dans le grotesque, car Me Maisonneuve nous présente son client comme un grand ami du dialogue social en citant un grand nombre d’accords sociaux locaux signés par M. Moulin (Ndlr : on peut signer moult accords sociaux, puis s’asseoir dessus, c’est très facile à France-Télécom. Laissons la Cour analyser tout ceci, avant de rendre son verdict…) Et aussi de sortir l’argument Caliméro du chapeau : «Mais pourquoi M. Moulin est-il le seul des 23 Directeurs Territoriaux à avoir été poursuivi ?» (Ndlr : Mme l’Avocate Générale l’a expliqué, mais visiblement, ils n’ont pas tout compris). Ensuite il commence à faire du blabla sur le syndicalisme, les syndicalistes… Il évoque aussi qu’à l’arrivée de M. Stéphane Richard à la tête du groupe Orange, et pour participer à l’établissement du Nouveau Contrat Social, il n’a pas chassé M. Moulin. (Ndlr : en effet, il attendra qu’il soit mis en examen pour le bazarder dans une filiale pendant un an, puis l’exfiltrer avec un très avantageux PPA en dehors de France-Télécom). Enfin, il crie à l’injustice et aux conséquences sur son épouse et ses enfants (Ndlr : il fallait y penser avant…), et affirme à la Cour pour conclure ce service minimum de plaidoirie particulièrement poussif par : « Vous devez établir la Relaxe de Jacques Moulin ». Fin à 15H35.
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- 29 juin 2022. Journée de Plaidoiries de durée moyenne, celle concernant Mme Nathalie Boulanger, puis celle concernant Mme Brigitte Dumont, puis une courte intervention pour M. Orlivier Barberot (ayant laissé tomber son appel) et une intervention express pour le compte de France-Télécom/Orange. De cette journée je pourrais en synthétiser l’intrait par la formule : «C’est pas vrai, c’est pas moi, c’est pas grave, je savais pas, j’ai pas fait exprès.» En effet, à en croire les plaidoiries des Avocats, les deux prévenues seraient présentes dans ce Tribunal un peu par hasard, suite à des erreurs commises pendant l’instruction. Nous serions donc en présence de deux Prévenues-Touristes, en balade dans la Cour d’Appel, qui seraient venues visiter la Sainte-Chapelle et se seraient retrouvées un peu par hasard dans le box des accusés de la Chambre Une Spéciale France-Télécom… Il convient de préciser qu’il ne faut pas en vouloir aux Avocats, car il est toujours très compliqué de défendre un prévenu lorsque l’on a rien en mains, et que les preuves abondent contre votre client. Alors, ils font ce qu’ils peuvent. Ils utilisent un microscope électronique à balayage pour essayer de retrouver un point de détail, de le zoomer pour cacher tout le reste, procéder à des diversions, proposer des raisonnements qui tiennent plus du sophisme qu’autre chose etc. Ils font leur métier, ils plaident… Alors comprenez que votre serviteur se récupère des ̶é̶c̶h̶e̶v̶e̶a̶u̶x̶ plaidoiries qui ne tiennent pas debout, qui ne sont pas rationnelles, et qu’il me faille, moi, Électronicien Supérieur, remettre tout ce bazar en ordre pour tenter de faire fonctionner ces attelages… Mais ce n’est pas gagné, car les avaries sont vraiment embusquées partout…
- À 9H15, Me Alexis Gublin plaide pour Mme Nathalie Boulanger. Il commence par déclarer : «Juger, c’est dire le Droit et dire le Juste». Puis de se lancer dans une forme de cours magistral en accéléré sur la justice, qui fait quoi dans un Tribunal, comment ça fonctionne, etc, car, évidemment, les 3 Juges de la Cour avaient besoin d’un cours de droit car, en fait, il n’était pas certain du niveau de compétence de la Cour. Donc il réexplique ce qu’est le droit, et les 3 juges l’écoutent avec attention. L’on espère que l’examen aura été réussi avec succès par la Cour. En effet, Me Gublin possède la fâcheuse manie, il nous l’avait montrée en 2019, de tenter des opérations pâte-à-crêpes, c’est à dire de balancer en l’air la crêpe, en espérant la réceptionner à l’envers dans la poêle, sauf que la plupart du temps, la crêpe va soit s’écraser contre le plafond, soit échoir sur la figure de Tante Yvonne qui vient juste d’entrer dans la cuisine… Puis, après cette digression, il parle de la vérité judiciaire, et rappelle abondamment que M. Olivier Barberot (DRH Groupe) et que France-Télécom ont été condamnés et n’ont pas fait appel, ou ont renoncé à leur appel, et que donc la condamnation est devenue définitive… Le Dos de Monsieur Barberot est décidément très large. Il demande à la Cour de faire la part des choses et de ne juger Mme Boulanger que sur ce qu’elle a commis, et non point sur autre chose (Ndlr : on est encore dans la suite du cours de Droit pour les trois Juges, qui, peut-être, ne savent pas comment ça marche un jugement, et que il faut leur expliquer…) Ensuite, il déclare que Mme Boulanger est accusée sur la base de l’ORTC qui, depuis toutes ces années, serait fausse… Puis il parle du Directeur des Relations Sociales de l’époque, M. Laurent Zylberberg, et produit l’argument Caliméro de base : Pourquoi Monsieur Zylberberg n’est-il que simple témoin, et pourquoi Mme Nathalie Boulanger est-elle Prévenue ? (Ndlr : on lui dit que peut-être la Cour est-elle en possession de preuves de ses mésactions ?) Et Me Gublin d’ajouter à la Cour son argument de comptoir du bar des PTT : «Votre décision ne mettra pas fin à cette souffrance, et nous parlons bien de la souffrance des Parties Civiles, pas de celle de Mme Boulanger». Il rappelle que sa cliente a reconnu une responsabilité morale et humaine dans ce qui est arrivé à France-Télécom, dont-acte (Ndlr : la seule des Prévenus à avoir fait ce petit pas en avant, il faut le dire) Ensuite, Me Gublin va partir dans une digression sur la base de : «Nul n’est censé ignorer la Loi» (Ndlr : des fois que l’on ne connaîtrait pas le principe… En tout cas à ce stade on ne se demande plus qui est nul, on sait désormais qui l’est). Me Gublin nous pond alors une grande théorie de droit « maison » dont il a le secret. Il nous sort un article sur le Harcèlement Moral. L’un est extrait du droit social, l’autre est extrait du droit pénal. Ils sont quasiment identiques au mot près. Et de nous proclamer que si l’on ne sait pas de quel droit on parle, social ou pénal, on ne peut pas juger et condamner sa cliente. C’est à dire, à en résumer sa pensée, que les syndicats, les agents, les salariés, les élus, eussent dû, à l’époque des faits, demander aux Managers et à la Direction : « Alors, Patron, est-ce que tu me harcèles sur la base du droit social, ou est-ce que tu me harcèles sur la base du droit pénal ? Parce que si tu me harcèles sur le droit pénal, alors je vais aller au Tribunal pour me défendre… Par contre si tu me harcèles sur la base du droit social, si tu me fouettes sur la base du droit social, je ne peux pas aller au Tribunal, je vais juste aller pleurer dans mon placard, et en parler à la Cellule d’Écoute, par exemple…» J’ai personnellement trouvé cette théorie délirante. Nous verrons ce que la Cour en dira. À partir de cette construction babelienne, il va rajouter des théories par dessus, un peu comme des cautères sur la jambe de bois, sur des revirements de jurisprudence, sur le moment où l’on serait passé du droit social au droit pénal, et en profite au passage pour charger allégrement les Directions Métiers (qui n’ont jamais été inculpées) pour expliquer que la Directrice des Actions Territoriales était pure comme une oie blanche, et que pour meilleure preuve, dans l’organigramme de France-Télécom, en Organisation Matricielle, la DAT de Mme Boulanger était située en bas et à droite de la feuille, dans un coin, que du coup, comme elle était plutôt reléguée au bord de la feuille de papier, eh bien, Mme Boulanger n’avait qu’un petit rôle dans l’organisation et que donc elle était innocente… C’est tout ce qu’il a trouvé, le coup de l’organigramme… Ensuite, il va recommencer exactement ce qu’il a fait il y a trois ans, c’est à dire qu’il affirme que tous les documents qui sont datés d’avant le 1er janvier 2007 ou d’après le 31 décembre 2008 ne seraient pas valides et ne devraient pas compter comme preuve… (Ndlr : c’est la fête ! Cet argument totalement sophiste avait été balayé en première instance, mais passons sur cette énième crêpe qui est allée s’écraser quelque part par terre, ou contre une boiserie du Tribunal…) Ensuite il revient sur l’ACSED, et une réunion où Mme Boulanger a remplacé au pied levé M. Wenes, mais c’était creux. Il essaye ensuite d’expliquer que : « les Cellules d’Écoute étaient un dispositif de concorde sociale fait pour aider et humaniser les choses » (Mme la Présidente manque d’éclater de rire… On se demande vraiment pourquoi… MDR). (Ndlr : oui, c’est à dire que tu vas voir des copains des tortionnaires en chef, pour te restaurer un peu la santé, avant de retourner gaiement te faire torturer par tes tortionnaires… Un dispositif social de France-Télécom, comme nous les aimions tant, auquel il ne manque plus que le mitard pour compléter le tout… Où est le fouet ?) En outre, Me Gublin prétend qu’aucune preuve n’a été trouvée contre sa cliente, qu’elle n’a pas fait pire que les autres (Ndlr : ouf, nous sommes tous rassurés, car cela aurait pu être pire !) et pour conclure, cite le philosophe Alain Finkielkraut (l’époux à la ville de Me Sylvie Topaloff, des Parties Civiles, situation assez cocasse) : «La Justice, c’est la recherche du cas particulier» et redit son introduction de départ : «Juger, c’est dire le Droit et dire le Juste» et de demander la relaxe pour Mme Nathalie Boulanger…
- À 11H10 Me Maxime Pigeon plaide pour Madame Brigitte Dumont. Il débute par un débat juridique, où il affirme que le Harcèlement Moral collectif n’existait pas dans la Loi à l’époque des faits, et de déclarer qu’il existe un vide dans la jurisprudence. (Ndlr : comme il sait, lui aussi, sa cliente coupable, il prépare déjà ses billes pour tenter, avec d’autres, la Cassation dès la condamnation éventuellement prononcée… Kolossale Astuce !) Il va d’ailleurs lire plusieurs Arrêts sur le Harcèlement Moral à la Cour, dont celui très connu de l’affaire de la Lutherie, en 2005. Puis il va reparler du PSE. En effet, à France-Télécom, aucun PSE n’a été mis en œuvre, il a été préféré par la Direction une solution « maison », basée sur la GPEC de 2006 qui a foiré, et qui fut transformée en Décision Unilatérale par cette même Direction, avec en prime les dispositifs « maison » comme les Espaces Développement, de l’Accompagnement (Ndlr : vers la sortie), des PPA, des Mobilités Fonction Publiques, des Formations de conditionnement dispensées par l’EMF, mais, il est vrai, pas de PSE… Me Pigeon explique à raison que même au niveau des syndicats, la possibilité d’un PSE était difficilement acceptable dans le principe « culturel ». En revanche Me Pigeon oublie que M. Wenes a été le plus vif opposant à la mise en œuvre d’un PSE, et omet de dire qu’il ne se serait pas appliqué aux Fonctionnaires statutaires, effectif alors largement majoritaire et le plus âgé… En même temps, Me Pigeon fait avec ce qu’il a… Ensuite, Me Pigeon arrive sur le Programme ACT (Ndlr : le bébé de Mme Dumont). Il déclare que l’on poursuit Mme Dumont parce qu’elle donne trop de détails, et d’avoir mis en place le Programme ACT… Il minimise systématiquement l’importance de Mme Dumont dans la conception et la mise en œuvre du Programme ACT. Et ensuite, Me Pigeon va tenter une opération pâte-à-crêpe, lui aussi… En effet, il va déclarer à la Cour que : «Les Années TOP antérieures ont été très dures à supporter pour le personnel (Ndlr : enfin une vérité ce matin !) et que du coup, il aurait été facile pour Mme Dumont de quitter le navire»… Et il ajoute l’argument massue : «C’est par fidélité qu’elle a décidé de rester à France-Télécom pour aider France-Télécom et ses collègues à surmonter cette lourde épreuve. Elle voulait aider le Groupe !» (Ndlr : Quel altruisme ! Parfois, c’est l’infidélité qui a vraiment du bon ! Nous aurions tant aimé de l’infidélité !). Me Pigeon va même jusqu’à qualifier sa cliente de courroie de transmission entre la Direction de France-Télécom et les Syndicats de personnels ! Il cite qu’elle a reçu 27 attestations de bonne conduite dont plusieurs provenant de syndicalistes… Puis il refait un passage sur les Espaces Développement, décrits comme si l’on était dans le monde des Bisounours, et ose plaider que pour les 22.000 suppressions d’effectifs, elle ne savait pas… (Ndlr : je sais que l’on peut tout plaider, même le contraire de l’évidence, mais quand même…) Il précise que Mme Dumont, n’était au courant de rien, ne mettait pas en œuvre le Programme ACT en France, qu’elle n’avait pas connaissance des alertes dans l’entreprise, qu’elle n’avait que des responsabilités somme toute très réduites, et donc qu’il ne comprenait pas pourquoi sa cliente était dans le box des prévenus (Ndlr : et là, nous retombons sur le syndrome de la Touriste égarée qui s’est retrouvée par hasard, par malchance, dans le box des prévenus…). Puis pour conclure, il rabat la faute sur la Direction des Relations Sociales qui n’a pas fait son travail à l’époque, et que sa cliente n’avait pas conscience qu’elle participait à la commission d’actes illégaux. Puis Me Pigeon cède la barre à sa consœur pour continuer ̶l̶a̶ ̶c̶a̶t̶a̶s̶t̶r̶o̶p̶h̶e̶ la Plaidoirie sur des bases tout aussi mouvantes…
- À 12H15 Me Lucie Archambeauld est à la barre pour défendre Mme Brigitte Dumont. Elle dénonce les 5 contre-vérités qui ont, d’après-elle, été commises par l’Instruction, et se plaint de les avoir vues resurgir de la bouche des Avocats Généraux. (1) Elle explique que l’organigramme de France-Télécom était effectivement illisible, car il y a une organisation matricielle (Ndlr : voulue par le Triumvirat Lombard, Wenes et Barberot) et que c’est par erreur qu’on lui prête de si hautes responsabilités et donc de si graves accusations, car non, elle n’a pas organisé le suivi de la déflation des effectifs ; non, elle n’a pas déployé le Programme ACT en France ; non, elle n’a rien fait de tout cela (Ndlr : on se demande ce qu’elle a fait à ce poste de DRH France, mais passons…). (2) Elle revient sur les Titres de Mme Dumont. Elle explique que dans les sociétés, l’on donne souvent des titres pompeux qui souvent regroupent des missions creuses, vides de sens, mais rétorque immédiatement que sa cliente travaille beaucoup, elle ! Comme argument de défense, elle évoque le fait que pour négocier le Nouveau Contrat Social, Stéphane Richard lui en confiera la mission, et que donc, elle est forcément gentille, et donc innocente (Ndlr : je raccourcis la prose, mais bon, je sais très bien que S.R. était coutumier du fait d’avoir réutilisé certains directeurs en délicatesse par rapport à leurs actions passées, et leur disait poliment en substance : «Maintenant, tu vas réparer tes conneries» – C’était la technique de M. Stéphane Richard qui finalement était une forme d’exercice de réparation forcée en interne, de saine pénitence) (3) Sur la déclaration pendant l’enquête de Mme Dumont, quand elle disait aux enquêteurs qu’elle reconnaissait certains documents comme en étant l’auteur, puis qu’elle s’est ravisée et disait que ce n’était pas elle. Me Archambeauld explique que c’est parce que sa cliente était fatiguée lorsqu’elle a été interrogée par la Police. (4) sur la participation à 22 réunions Réussir ACT sur les 38 qui ont existé, l’Avocate explique que non, Mme Dumont n’était pas la conceptrice du Programme ACT, et que non elle n’était pas responsable du déploiement de ACT en France, qu’elle n’était pas la Cheffe de Projet du Programme ACT, bien que MM. Barberot et Cherouvrier l’aient identifiée comme étant la Cheffe de Projet du Programme ACT. L’Avocate précise qu’en fait, il s’agit d’une certaine Christine Perrette… (Ndlr : on nous sort la fable de Perrette et le pot-au-lait du chapeau en fin de procès. Bizarre…) Et réaffirme que Mme Dumont n’a jamais été au courant des alertes. Au passage, Me Archambeauld explique qu’à un moment donné, Mme Dumont est partie à l’étranger, en Afrique il me semble, pour déployer le Programme ACT à l’étranger… (Ndlr : donc, Mme Dumont n’aurait pas déployé le Programme ACT en France, et que forte de son absence d’expérience concernant un non déploiement du Programme ACT en France, elle serait aller le déployer dans le reste du monde… Pour faire avaler ceci à la Cour, voilà qui pourrait être compliqué…) (5) Me Achambeauld revient sur la note de service du 8 octobre 2008 indexant une partie de la Part Variable Manager sur la déflation des effectifs, qu’elle a signée (Ndlr : limite par hasard, elle a vu le papier passer dans le couloir et elle l’a signé au vol, limite sans le lire), et déclare qu’il ne s’agit pas de cela, nous avons mal compris, il s’agit de récompenser les managers qui ont « accompagné » les personnels… Et qu’elle est donc innocente ! En outre, Mme Archambeauld pose trois questions : (A) – Quel est le grief retenu contre Madame Dumont ? (B) – Qui a-t-elle aidé ? M. Barberot ? (C) – Quand l’a-t-elle aidé ? Mme Archambeauld explique que si le début du harcèlement moral date de 2006, pourquoi est-ce que l’on retient des griefs de 2007 et 2008 contre Mme Dumont ? (Ndlr : on le dit que cela correspond à la période de Prévention retenue par l’Instruction et la 1ère instance de jugement ?) Et d’ajouter que jamais Mme Dumont n’a été consciente de participer à la dégradation des conditions de travail des personnels, ni de participer à une entreprise de Harcèlement Moral… Et de préciser que sa cliente avait déclaré récemment : «J’ai fait le maximum de ce que je pouvais faire…» et à ce titre demande la relaxe de sa cliente.
- À 12H50, Me Marie Danis qui monte à la barre, pour évoquer, croyons-nous au départ, le cas de son client, M. Olivier Barberot, ex-DRH Groupe de France-Télécom et qui a renoncé à faire appel, mais qui reste intimé dans la procédure, en ce qui concerne les dommages au Civil, prononcés en 1ère instance, et devenus, pour M. Barberot, définitifs. Personnellement j’aime la voix de Me Danis, qui a une belle voix euphonique, calme et rassurante. Malheureusement, elle a tendance à faire des euh… euh… ah… ah…, plusieurs fois dans ses phrases, et cela est vraiment dommage de gâcher un si bel organe par ces interjections qui brisent toute prosodie. Elle évoque dès le départ le sujet de la recevabilité de demandes d’augmentations d’indemnisations formulées par les Conseils de la famille de Rémy Louvradoux et de M. Noël Rich. Elle soutient que ce n’est pas possible, que cela n’est pas recevable, qu’il faudrait procéder à des évaluations précises avec des notes de frais, etc. En effet, ces deux Parties Civiles demandent que les dommages et intérêts soient doublés. Me Danis s’adresse à la Cour en ces termes : «Vous allez devoir analyser de manière précise, partie civile par partie civile, les demandes d’indemnisation et les évaluer…».
- D’un coup, Mme la Présidente du Tribunal interrompt à titre exceptionnel Me Danis, et lui déclare en substance, de mémoire : «Mais Maître, vous intervenez bien pour Olivier Barberot, intimé dans ce procès, mais qui a renoncé à faire appel ? Alors je ne comprends pas le sens de votre intervention, puisque pour M. Barberot, les sommes à indemniser sont devenues définitives… Donc je trouve curieux le sens de votre intervention qui ne concerne pas votre client.» (Ndlr : Mme la Présidente, visiblement expérimentée, a mis au jour la manœuvre de tous les autres avocats des 6 Prévenus… En effet, cela commence à les inquiéter que deux Parties Civiles aient demandé une augmentation des indemnisations en Appel… Mais comme ils ne veulent pas passer pour des personnes vénales, car comme on le sait, les Avocats n’aiment pas l’argent, seulement l’or, ils font monter au créneau une consœur qui ne représente pas un Prévenu, mais désormais un Condamné pour qui les jeux sont déjà faits et la carottes cuites… Mais pourquoi procèdent-ils à cette manœuvre ? Parce que les Avocats des Prévenus sont inquiets… Mais pourquoi sont-ils inquiets ? Tout simplement parce que les amendes requises par le Parquet concernant les complices ont été doublées, passant de 5.000 euros en 1ère instance, à 10.000 euros en Appel… Et de penser que la Cour d’Appel pourrait très bien décider de doubler les indemnisations au Civil de toutes les Parties Civiles encore en course dans cette procédure d’Appel… D’où leur immense inquiétude…) Je ne reviendrai pas sur la fin de la Plaidoirie de Maître Danis, sur le fait qu’en France, le système de Class-actions n’existe pas et toute cette manœuvre téléphonée et mal dégrossie prend fin à 13H00.
- À 13H00, Maître Claudia Chemarin est à la barre pour la plus courte intervention de ce procès, pour le compte du Groupe Orange, ex-France-Télécom. Nonobstant qu’il s’agira de facto de la phrase la plus chère de tout ce procès, elle déclare doctement, de mémoire : «Je ne ferai pas d’ajout aux déclarations précédentes à la barre de Nicolas Guérin, représentant du groupe Orange, je n’ai rien à ajouter de plus à ce qu’il a déjà dit». Évidemment, la courtesse de sa déclaration à la barre nous a tous surpris, et même fait rire, en cette fin d’audience, mais elle revêt une signification que je pense avoir comprise. Par cette intervention, le Groupe Orange déclare en non-dit une chose et une seule aux Prévenus : «Maintenant, vous êtes seuls, livrés entre les mains de la Cour, et débrouillez-vous.» 13H01, fin de l’audience du jour.
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- 30 juin 2022. Journée de Plaidoiries pour les Prévenus. Aujourd’hui ce sont les cas de Guy-Patrick Cherouvrier et Louis-Pierre Wenes. Que m’a inspiré cette journée de Plaidoiries ? Réponse, en plein Tribunal, une chanson. Une chanson de mon enfance, pour une émission TV de mon enfance : L’Île aux Enfants et ses paroles prémonitoires :
- Voici venu le temps des rires et des chants,
Dans l’île aux enfants, c’est tous les jours le printemps.
C’est le pays joyeux des enfants heureux,
Des monstres gentils, oui c’est un paradis.
- Voici venu le temps des rires et des chants,
- En effet, les Avocats de ce jour nous ont décrit une autre réalité, une sorte de monde merveilleux de Oui-Oui, où, finalement, tout était inversé… À les en croire, ni la Police, ni les Juges d’Instruction, ni le Parquet de la Cour d’Appel, ni la Cour d’Appel, ni les Syndicats, ni les Parties Civiles, ni la Direction de France-Télécom qui n’a pas fait appel, n’ont compris la vie à France-Télécom pendant ces années-là. N’aurions-nous tous rien compris ? Aurions-nous eu à faire à une Association de Bienfaiteurs ?
- À 9H20, début de l’audience mais un problème technique va retarder la première plaidoirie de vingt minutes. Les microphones étaient en panne.
- À 9H40, Me Solange Doumic est à la barre et plaide pour Guy-Patrick Cherouvrier. Sa plaidoirie est composée en 3 parties. La première partie va traiter du droit, du droit et rien que du droit. On sent que sur l’aspect du droit pénal, Me Doumic a bien repotassé le sujet, ressorti toutes les jurisprudences, envoyé ses messages à la Cour en termes techniques. Malheureusement, cette partie très technique, je ne la comprends pas, mais la Cour qui en était destinataire l’aura forcément comprise. Elle débute sa plaidoirie par : «Oui, il y a eu de la souffrance à France-Télécom, mais il nous faut dépasser nos sentiments d’évidence, pour faire du droit, pour passer de l’incantation à la Justice. Nous voulons tous la Justice dans ce Tribunal. Y a-t-il une Infraction principale commise ? Il faut des actes positifs, pas une omission, pas une abstention. D’après le Parquet, de 2006 à 2008, il s’agirait de la politique appliquée à France-Télécom avec le Plan NExT et le Programme ACT qui serait l’acte positif.» Refusant cette possibilité, elle ajoute toutefois qu’à l’arrivée de Guy-Patrick Cherouvrier courant 2005, le Plan NExT et le Programme ACT étaient déjà décidés, et qu’il n’était donc pour rien dans ce qui est arrivé par la suite. Elle ajoute que la Loi réclame une interprétation stricte, et qu’il faut des liens directs entre l’auteur et sa victime, et de demander où est le lien ? Qui M. Cherouvrier a-t-il aidé et quand ? elle ajoute que le législateur n’a pas prévu de Harcèlement Moral collectif, ni industriel. Elle ajoute que la jurisprudence n’est jamais rétroactive. Elle désigne les Avocats Généraux comme ayant inventé cette notion de Harcèlement Moral Industriel, pour tenter de rentrer dans le droit… Ensuite, elle évoque la volonté de la Direction de dégrader les conditions de travail des personnels et s’inscrit en faux contre cela. Et pour s’appuyer sur son hypothèse, qui, à notre avis est opposé à la réalité, elle indique que les Avocats Généraux ont, en appel, émis la théorie que le but initial fut de sauver France-Télécom… (Ndlr : comme si cela pouvait être contradictoire, mais cela peut être complémentaire. En effet, suivant le vieux principe d’on ne pas fait d’omelette sans casser des œufs, la Direction a très bien pu être consciente que pour sauver France-Télécom, un nombre certain et élevé de personnels devaient être sacrifié en échange… Sa démonstration sur les faits ne prouve rien…) Ensuite, elle parle des -22.000 emplois. Elle affirme que la déflation n’était pas le but principal du Programme ACT. (Ndlr : Disons que j’ai écouté Me Doumic avec attention, mais par rapport aux preuves, aux scellés en possession de la Justice depuis les perquisitions, affirmer que la déflation n’était pas le but principal du Programme ACT relève du déni de réalité…) Ensuite elle s’inscrit en faux contre les affirmations du Parquet qui constate les reniements multiples de M. Cherouvrier, elle affirme que ce n’est pas vrai, que ce seraient les enquêteurs qui se seraient trompés que les Avocats Généraux auraient sciemment réutilisés de faux arguments… (Ndlr : je ne sais pas trop quoi dire… Faisons confiance en la Cour pour reprendre les documents un à un et voir qui dit la vérité, et qui prend ses désirs pour des réalités). Elle évoque le contexte de la fin du CFC que son client déplore, qui aidait fortement au départ des fonctionnaires vers la préretraite, où M. Lombard prétend avoir été reçu puis éjecté très rapidement par le Ministre de tutelle, pour la raison que le gouvernement de l’époque voulait passer en force une nouvelle réforme de la retraite. Quant au PSE, elle rappelle que culturellement, personne ne voulait, ne concevait l’ouverture d’un PSE, vu que la population se compose alors de 80% de fonctionnaires et 20% de CDI (Ndlr : sur cet argument, ce n’est pas faux. Mais elle oublie d’ajouter que France-Télécom aurait pu créer un système de remplacement maison du CFC par un dispositif équivalent, au lieu de choir la solution du Programme ACT qui a produit ce qu’il a produit… Faire partir le plus de gens possible une main devant, une main derrière, par la fenêtre ou par la porte…) Ensuite, Me Doumic rentre dans une phase de minimisation de ce qu’il s’est produit dans France-Télécom. Elle minimise les souffrances… Elle parle de 22.000 départs désirés (Ndlr : quelle belle allégorie…), de 77 situations de souffrances identifiées, et de 39 situations retenues par l’Instruction… Et de sortir le chiffre du jour : 0,03% de « casse ». Et d’ajouter : «À partir de combien de veuves une guerre devient-elle triste ?»… À ce moment là, Noël Rich se sent très mal, ainsi que Georges Lloret, ils sortent, et je décide de les rejoindre. Ils accusent le coup. Quelques minutes plus tard, je reviens dans la salle. Et là, je constate que Maître Doumic a renoué avec ses vieux démons d’il y a trois ans. Elle ne peut pas s’empêcher de salir la mémoire des morts, des suicidés de France-Télécom, notamment de cette femme devenue folle qui s’est mise à battre ses enfants et qui, reprenant conscience, met fin à ses jours pour protéger ses enfants d’elle-même… Bref. Me Doumic qui avait été plutôt astucieuse au commencement de sa plaidoirie la saborde… Pour couronner le tout elle sort la phrase qui tue : «Dans toute société, ou dans toute Administration, il y a toujours des gens dont on ne sait jamais que faire…». (Ndlr : c’est avec des raisonnements comme celui-ci que l’on puisse justifier la nécessité de harceler des gens, ou des catégories de gens, mais passons…) Ensuite, elle ajoute : «La seule chose que la Justice doive aux morts et aux vivants, c’est la Vérité»… (Ndlr : Mais pourquoi des gens sont-ils morts à France-Télécom ? Elle ne répond pas à cela)… Puis, poursuit son fiasco en évoquant le cas de feu M. Régnier… Ce qu’elle raconte, c’est n’importe quoi. La Défense attaque souvent le Parquet ou la Cour pour avoir reconstruit les faits, mais alors, là, Maître Doumic tient le pompon, sauf que là, je trouve cela très bas au niveau de la mémoire et au respect minimal dû aux morts et aux familles… Après ce quart d’heure digne du caniveau, Me Doumic va tenter de relever le débat… Cela va s’avérer compliqué. Elle va s’attaquer à l’évolution technologique, aux changements de vies dans nos sociétés, en y mêlant tout et n’importe quoi, comme le fait que les enfants restent prostrés devant leurs tablettes, même au restaurant, ils restent hypnotisés et ne chahutent plus (Ndlr : tout le monde ne semblait pas d’accord avec cette affirmation digne du café du commerce ou du bar des PTT après un gros 420)… Tout y passera, même sa panne récente de lave-linge où il y a 15 ans un technicien serait venu chez elle pour réparer et lui aurait servi à boire un café, tandis que là, elle est tombée sur un centre d’appel au Maroc et que c’est cette personne qui a lu un script qui lui a expliqué comment dépanner sa machine, en retrouvant une chaussette restée coincée dans l’évacuation… Elle parle aussi de son supermarché qui reste ouvert la nuit et que si elle sort tard de son étude, elle y passe sans croiser personne avant de rentrer chez elle… Et d’expliquer en résumé que tout est de la faute de la société parce que le monde change… Puis après cette digression ménagère, elle rappelle que c’est en 2007 que le nombre de téléphones mobiles dépasse celui des lignes fixes… Et de nous expliquer que l’IPhone 1 est sorti il y a 15 ans et 1 jour, à cette époque qui était une révolution… Et que la vraie révolution c’est Internet, qui est au moins aussi importante que l’invention de l’Imprimerie par Gutenberg… Puis elle commence à dire que tout le monde a pris le dossier à l’envers, tout comme le film de Serge Moati l’a fait, selon elle (Ndlr : encore une fois, personne n’a rien compris…) Elle s’indigne du fait que jusqu’en fin 2014 son client ne soit pas mis en examen, mais juste avant le bouclage de l’Instruction : « comme « on » n’a pas assez de coupables, on va en chercher d’autres pour faire du nombre…» (Ndlr : je ne sais pas commenter des arguments sans aucun sens). Puis elle parle un peu de son client, en affirmant qu’il n’a pas participé aux plans ACT et NExT, qu’il n’a su pour les -22.000 que le 14 février 2006, qu’il n’est pas d’accord sur les propos tenus lors de l’ACSED du 20 octobre 2006, et d’ajouter, je cite : «On est dans la justice fiction». Elle tente une explication sur la Part Variable Managers qui a été indexée sur les départs de l’entreprise, son explication, je ne la comprends même pas, puis réaccuse la Police et l’Instruction d’avoir fait n’importe quoi, d’avoir accusé M. Cherouvrier « au pif », et au passage s’attaque à Mme l’Avocate Générale… Sur le droit d’alerte déposé au CNSHST elle explique par une pirouette que si M. Cherouvrier n’en a pas tenu compte, c’est tout simplement parce qu’il n’avait pas été déposé dans la bonne instance (Ndlr : CNSHSCT qui est l’échelon sommital de TOUS les CHSCT de France… De qui se moque-t-elle ?) Elle ajoute que : «la Procédure est boiteuse, que tout ceci n’est qu’habillage, que rien ne tient, et que vous ne pourrez que relaxer Guy-Patrick Cherouvrier». Elle ajoute sur son client qu’il n’a pas été briefé ni préparé, mais seulement épaulé depuis 10 ans, qu’il est un homme droit qui ne se renie pas, qu’il n’a pas démérité, qu’il se bat depuis 15 ans contre la maladie, qu’il ne mérite pas cela, qu’il ne mérite pas cette opprobre, cette honte, et demande, par humanité, la relaxe de son client (Ndlr : demander par humanité, cela revient à admettre une culpabilité mais à en demander la clémence pour raison sanitaire…). À la toute fin, s’ensuit un court dialogue entre Me Doumic et Mme la Présidente du Tribunal. Me Doumic explique qu’elle remet des écritures complémentaires sur l’irrecevabilité, c’est à dire que la veille, j’avais bien raison… En effet, du fait du doublement des amendes demandées pour les 4 complices, passant de 5000 à 10000 euros, la Défense redoute bel et bien un doublement des indemnités à verser aux Parties Civiles à titre civil et essaye d’empêcher cette possibilité que la Cour peut se réserver, par tous les moyens… L’on puisse déplorer que nous n’ayons pas lecture de ces écritures, car sait-on jamais, y trouverions-nous de nouvelles attaques contre les victimes, les parties civiles, ce qui ne nous surprendrait point du tout…
- À 11H15, Me Sylvain Cornon est à la barre et plaide pour Louis-Pierre Wenes. Me Cornon va réaliser un travail de plaidoirie essentiellement technique sur le Droit, et en quelque sorte à procéder, tel un chasse-neige, à la partie rébarbative de la défense de son client, M. Wenes, pour ensuite laisser place à Me Frédérique Beaulieu qui est une avocate reconnue, et même, disons-le, une Grande Avocate. Je retiendrai le début de la Plaidoirie de Me Cormon lorsqu’il reprend la plaidoirie de Mme Doumic pour signaler une divergence d’opinion à propos des nouvelles technologies : Internet, les tablettes, etc, en indiquant qu’heureusement que lui et son épouse ont eu ces technologies à disposition pour occuper leurs enfants en bas-âge, durant les multiples confinements moyenâgeux imposés par M. le Président (Ndlr : Ringard 1er, le Présiroi bien aimé, Grand Faillitaire de France). En effet, Me Cornon est un ami sincère de la Technologie, il nous l’avait démontré il y a 3 ans, et je trouve cela bien. Il reviendra sur les révolutions technologiques qui sont selon lui, sources d’instabilités, et déplorera à plusieurs reprises que la logique en Appel demeure la même que celle de l’Instruction et de la juridiction de première instance, à savoir d’avoir voulu créer les conditions de déstabilisation des personnels pour obtenir leur départ de l’entreprise. (Ndlr : les faits sont têtus, et les preuves encore plus). Il évoque aussi le dossier hors normes que cette Cour est chargée de juger, et explique que dans cette salle d’audience, à part MM. Lombard et Wenes, personne ici n’a jamais dirigé sous ses ordres au moins 80.000 personnes… (Ndlr : par cette intervention apparemment anodine, il explique à la Cour qu’ici, nous sommes tous des nains de jardin, y compris les 3 juges, et que de ce fait, personne ne pouvait se mettre à la place de M. Wenes pour comprendre la situation, et que de ce fait, personne ici, y compris les 3 Juges, ne pouvaient les juger, et encore moins les condamner… Je puis dire à bon droit qu’il s’agit d’une forme d’intimidation morale adressée à la Cour…) En outre il reviendra sur le Plan NExT et le Programme ACT en précisant que tout était basé sur du volontariat (Ndlr : super film Technicolor) et que dans le Cahier à Spirale de M. Gervais Pellissier, M. Wenes n’y était jamais cité. Ensuite, il affirme que M. Wenes, qui se voyait affublé du titre de n°2, et dirigeait donc 80.000 personnes, ne possédait aucune autorité sur grand chose qui se passait dans France-Télécom (Ndlr : qui peut croire en cette fable ?). Puis de citer la validation par M. Wenes de l’Écoute Salariés, où en 2007 et 2008 des résultats élogieux en émergeaient sur France-Télécom (Ces fameux sondages que personne autour de moi, dans le Technique, ne connaissait), et la création de Cellules d’Écoute dont le but était tout simplement d’aider les personnels en difficultés. Il explique que non, les films 3×5 où apparaît M. Wenes ne sont pas des films de propagande, mais des films de communications sincères, et explique M. Wenes est un homme entier, sincère… Me Cornon évoque aussi les situations individuelles et les départs en PPA, et rappelle que non, tout n’allait pas mal, et cite une Témoin venue à la barre venue parler de son PPA pendant 7 ans, puis son retour dans France-Télécom, pour dire qu’il existait un droit au retour, dans France-Télécom. (Ndlr : Le Droit au Retour, un concept à géométrie variable bien connu au moyen-Orient et pas le plus aisé à faire appliquer…). Il reconnaît aussi que ce qui est arrivé à MM. Annick et Talaouit à cette époque était inadmissible, mais que leur entité d’affectation n’était pas dans Orange France, donc pas sous la responsabilité de M. Wenes (Ndlr : habille stratagème visant à signaler une faute commise en dehors de sa chapelle, ainsi, à tour de rôle, le renvoi de baballes va bon train au cours de ce procès…). Pour conclure, il demande que M. Wenes soit jugé pour ce qu’il a fait, et non pas pour ce qu’il n’a pas fait, et au vu du dossier, pense que la Cour le relaxera. Suspension à 12H00.
- À 14H05, Me Frédérique Beaulieu est à la barre et plaide pour Louis-Pierre Wenes. Pour rappel, il y a 3 ans, en première instance, j’avais, à l’issue du procès, émis l’opinion que Me Beaulieu avait produit la meilleure plaidoirie de la Défense. Je le pense toujours. En revanche, aujourd’hui, j’ai trouvé sa plaidoirie nettement moins bonne que la première. Je m’attendais à mieux, sincèrement. Si le début de sa plaidoirie fut la moins mauvaise, Me Beaulieu s’enlise assez rapidement. Elle débute en expliquant qu’à la veille d’une grande plaidoirie, elle dort peu, et du coup, elle surfe sur Internet, et là, elle déclare avoir découvert sur Internet un tract du syndicat SUD daté du 6 juin 2022 qui relate de nouveaux suicides survenus il y a quelques jours (Ndlr : j’y reviens plus bas). Puis d’expliquer que dans le procès, dans cette affaire, rien n’est simple, et que le dossier est très difficile à évaluer, et qu’il est très complexe. Elle explique qu’elle connaît désormais M. Wenes depuis plus de 10 ans, et constate que lors du premier procès, l’on avait présenté les trois auteurs comme étant un Triumvirat de 3 dinosaures, justes là pour servir les actionnaires en dividendes et virer du personnel, mais que cette fois-ci, les choses étaient différentes, et affirme que les 3 auteurs n’étaient pas obnubilés par le profit, ni pour faire partir du monde. Elle remercie le Parquet de la Cour d’Appel d’avoir donné un nouvel éclairage en rappelant que le souci du Triumvirat était de sauver l’entreprise… Une belle intention de départ louable sur le papier… (Ndlr : la Route vers l’Enfer est parfois pavée de bonnes intentions). Puis elle va tenter de démonter une par une les preuves des agissements et des intentions manifestées publiquement par les prévenus… À commencer par la fameuse réunion de l’ACSED du 20 octobre 2006… Et là, il faut bien le dire, Me Beaulieu, malgré ses réels talents de plaidoirie, a du mal, elle a beaucoup de mal… Elle rame, elle rame, elle rame… Sur les 22.000 départs, elle s’enfonce, elle essaye de prouver qu’il ne s’agit pas d’un objectif mais que cela était facilement réalisable, même sans CFC… Elle se disperse, elle rame, elle rame, elle rame, elle s’enlise totalement lorsqu’elle évoque le cas de feu Mme Anne-Sophie Cassou. Elle va à mon avis commettre une grave erreur d’appréciation que de choisir, comme Maître Doumic, de vouloir évoquer la mémoire de certains suicidés de France-Télécom à titre d’exemple et de vouloir démontrer des trucs pas très clairs, formuler des théories fumeuses invérifiables. Même si je dois dire que si Me Beaulieu n’a pas émis de provocations directes à l’encontre de cette victime, nous pensons que cela a été très maladroit de sa part. Puis, Me Beaulieu reprend le cours de sa plaidoirie et en revient à son client, et déclare de M. Wenes est un individu droit, qui dit ce qu’il pense (Ndlr : C’est vrai, en dehors de ce Tribunal, c’est vrai, beaucoup de Parties Civiles qui ont eu à faire à lui me le confirment, même si ce n’est pas forcément à son avantage). Ensuite, Me Beaulieu revient sur le droit européen qui n’est pas très clair, selon elle, sur le délit de Harcèlement Moral, et précise que le Harcèlement Moral n’est qu’individuel et non pas en groupe. Puis elle s’attaque, selon elle, au cœur de sa plaidoirie. Elle affirme que les chiffres de départ, le rythme de départ, sont strictement normaux par rapport aux autres années, et qu’avec ou sans CFC, cela ne change rien… (Ndlr : elle y va fort) Elle ajoute que les départs à France -Télécom se font de manière normale. En guise d’explications, elle met la déstabilisation des personnels sur le compte de l’évolution technologique, qui a décidément bon dos. Ensuite, Me Beaulieu en vient aux Alertes ignorées par son client… Et pour appuyer sa démonstration sur la période de Prévention en 2007/2008, refait allusion au récent tract du Syndicat SUD du 6 juin 2022, concernant de récents suicides dans le Groupe Orange, qu’elle prétend avoir trouvé en pleine nuit, la veille du 30 juin 2022… Et ajoute une phrase sidérante qui m’a tout bonnement scié, je cite : «Ce n’est pas ce tract syndical qui allait bouleversifier la Direction du Groupe Orange»… (Ndlr : alors, à propos de ce tract et des suicides récents dans Orange, Me Beaulieu ne SAIT PAS ce qu’il se passe dans le Groupe Orange actuellement. Alors on va lui expliquer, et pour cela, nul besoin de microscope électronique à balayage… Oui, il y a depuis le départ forcé de M. Stéphane Richard un malaise dans Orange. Oui, il existe une indétermination depuis l’arrivée de Mme Heydemann car nous ne la connaissons pas. Oui, le rythme des fermetures de centres et des déménagements s’est à nouveau accru et les temps de respiration sociaux (Comme en parlait très justement Me Riera) se sont fortement réduits depuis une année. Oui, des rumeurs de restructurations circulent à bas bruit dans les services au moment où j’écris ces lignes. Oui, au cas où Me Beaulieu ne le saurait pas, il reste en fonction des milliers d’agents qui, depuis les très délétères années Lombard, ne tiennent debout et ne survivent qu’à coup de cachetons matin, midi, soir. Et oui, toutes ces personnes fragilisées depuis 15 années sont profondément ébranlées et peuvent désormais se suicider suite à la moindre nouvelle pichenette reçue… Non, toutes ces personnes lésées ne se sont pas manifestées auprès des tribunaux mais ont essayé d’oublier en recouvrant le tout du non-dit… On ne se suicide pas par hasard à Orange, car on provient de France-Télécom, cette société dont ses agents ont, je le rappelle, été trahis et vendus pour un plat de lentilles il y a plus de 15 ans par une hiérarchie qui nous indigne, et dont la dénomination en a été tellement souillée qu’elle a dû en changer en 2013… Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de se moquer Me Beaulieu que je respecte, car elle ne peut pas savoir, car elle n’a pas vécu dans France-Télécom ce que nous avons subi de l’intérieur… J’ai, à titre personnel regretté le départ de M. Marcel Roulet et de M. Stéphane Richard. J’ai célébré au Champagne jadis le vidage de M. Michel Bon et M. Didier Lombard, ainsi que la fuite en rase campagne de M. Thierry Breton, parti se planquer au vert dans un ministère quelconque.) Enfin, pour conclure, Me Beaulieu se saborde. Je ne comprends pas ce qu’elle fait. Elle souhaite en effet avant de conclure, procéder à l’évocation de feu Michel Deparis, qui a été pour nous tous, dans France-Télécom, une des personnifications emblématiques de ce qu’il nous est arrivé. Elle précise : «Oui, il faut en parler…» et de se lancer dans une tentative d’explication extraordinairement alambiquée sur le fait qu’en réalité M. Deparis ne se serait pas suicidé à cause de France-Télécom… Alors que le suicide de Michel a bien été reconnu comme imputable au service par France-Télécom… Sa « démonstration » était très laborieuse, je n’ai rien pu noter, je ne pouvais pas, il y avait trop de conneries à la seconde prononcées. Et derrière moi, il y avait assis deux anciens confrères de Michel Deparis, venus de Marseille. Ils sont restés impassibles à avaler ça, et ça force le respect… Enfin, Me Beaulieu conclut par les Parts Variables Manager qui étaient là pour encourager, selon elle, les managers pour que les départs se passent bien, et non pas pour encourager à la déflation des effectifs… (Ndlr : voici, pour le coup, une théorie qui paraît invérifiable. La Cour appréciera). Me Beaulieu ajoute qu’elle se demande pourquoi son client est puni d’une peine d’un an de prison, dont 4 mois ferme, et trouve cela injuste que le Parquet augmente la peine en appel… Elle va tenter d’expliquer que si le législateur a introduit, à cette époque, des peines d’une année au maximum pour un délit de Harcèlement Moral, c’est qu’au final, ce type de délit n’est pas très important… Et que du coup, puisque ce n’est pas important, pourquoi condamner en 1ère instance à 1 an de prison son client ? (Ndlr : tout ceci est très poussif, et il nous appert inutile de tirer sur une ambulance… Car la Plaidoirie de Me Beaulieu est déjà en route pour la Réanimation…) Fin à 15H45 du sabordage intégral. D’autres Parties Civiles ont vu M. Wenes pleurer à la toute fin de l’audience, et s’en sont outrées, eu égard à ce qui est arrivé aux victimes. Malgré tout, restons magnanimes. il faut tout même comprendre qu’une réaction nerveuse de la part d’un prévenu puisse arriver dans de telles circonstances. Tout le monde peut craquer. À France-Télécom, les gens qui craquent, nous savons tous ce que c’est…
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- 1er juillet 2022. Dernière journée de Plaidoirie, pour le Prévenu principal, M. Didier Lombard. À la barre vont se succéder trois Avocats pour plaider sa cause auprès de la Cour.
- À 9H15, Maître Jean Veil est à la barre. « Bonjour Madame la Présidente, Bonjour Mme et Monsieur les Conseillers, comme on dit maintenant. Je ne suis pas certain que je devais plaider aujourd’hui, car tout a été dit par mes confrères, sur l’affaire. Je veux remercier la Compagnie d’Assurance de France-Télécom pour les larges honoraires qu’elle m’a versés (Ndlr : voici qui commence de manière surprenante…). Je vais plaider sur le sujet de désaccord que j’ai avec le Parquet, sur la Responsabilité de l’État. Je voudrais dire aux familles des 39 victimes, et éventuellement aux autres, que je partage leur chagrin, leur drame. J’ai 75 ans, et j’ai traversé, à mon âge des moments terribles. Michel Deparis, Rémy Louvradoux et Jean-Marc Reigner, ils appartiennent à ma famille, et j’ai moi aussi eu les larmes aux yeux lors des témoignages de leur famille ou de leurs proches. La situation est donc très difficile, et mon rôle, de ce fait en devient ambigu, même si je suis convaincu de l’innocence absolue de M. Didier Lombard. Pour la première fois, je vais critiquer l’État, alors que je suis fils de fonctionnaire. L’État a une responsabilité dans la séparation des PTT. L’évolution juridique et l’Évolution technologique sont largement responsables de la situation… Et l’État, à cette époque, ne faisait rien. Rien sur le CFC qui s’arrêtait en décembre 2006. En 50 années de Barreau, c’est une plaidoirie difficile pour moi qui suis fils de fonctionnaire, mais qui devrait se conclure par la relaxe de mon client, Didier Lombard. La cause de ce qui est arrivé est dû à l’évolution technique et à l’arrivée de nouvelles générations et donc de nouveaux usages. » Puis Me Veil commence à digresser. Non pas que ce qu’il dise ne soit pas intéressant, mais disons que cela est assez hors sujet… Il parle de la SNCF, du secteur de l’Énergie, du secteur automobile… Il parle de la révolution à venir dans l’automobile, où avec les voitures électriques, l’on pourra commander soi-même les pièces de rechange sur internet, et réparer notre voiture nous-mêmes. Idem pour les chaudières, où nous pourrons les réparer nous-mêmes… (Ndlr : Me Veil connaît mal la technique… Si nous réparons nous-mêmes nos chaudières, il va y avoir beaucoup d’immeubles qui vont sauter, et beaucoup de véhicules qui iront finir leur course dans le décor !!!) Puis de digresser sur la 1ère Guerre Mondiale, et le Président Wilson qui est venu nous secourir ; sur la 2ème Guerre Mondiale, et le Président Roosevelt qui est venu nous secourir, tandis que ni M. Trump, ni M. Biden, ni ses successeurs ne viendront nous secourir quand nous en aurons besoin. Il précise qu’il en veut beaucoup à l’Europe et à ses dirigeants, lui qui a beaucoup œuvré pour la construction européenne… (Ndlr : je suis d’accord avec l’opinion de Me Veil, mais j’ai du mal à comprendre sa place dans la plaidoirie pour soutenir Didier Lombard. Profite-t-il de l’occasion pour nous communiquer un scoop ? En tout cas, cela ne fait jamais plaisir, en effet, d’être cocufié… À France-Télécom, nous savons aussi cela, Maître Veil.) Ensuite, il déclare qu’il en veut à Dominique Strauss-Kahn pour avoir liquidé une grande part du capital de France-Télécom, alors qu’il précise avoir défendu DSK dans certaines affaires le concernant… Puis de fustiger la Concurrence exacerbée, et précise que la dette a extraordinairement pesé sur la gestion de l’Entreprise France-Télécom. Me Veil lit ensuite des extraits des deux rapports Larcher, de 1996 et de 2002, et essaye de prendre de la hauteur… Il redit que l’Entreprise a été sauvée par Thierry Breton puis Didier Lombard. Il dénonce que l’État a refusé de rallonger la vie du CFC. Il ajoute que ce n’est pas si facile de rencontrer un Ministre. On tombe souvent sur un conseiller, qui souvent ne transmet pas… Il fustige l’État qui, en même temps qu’il vendait des actions du capital de France-Télécom, exigeait une augmentation de ses dividendes, sur un gâteau dont il avait de moins en moins de parts… Il déclare que Didier Lombard est alors prisonnier de la situation, car s’il démissionne brutalement, cela risque d’affoler les marchés et provoquer une perte de confiance qui aboutirait à la faillite de France-Télécom. Or, Didier Lombard y est viscéralement attaché ! Puis il manifeste frontalement son désaccord envers M. l’Avocat Général, sur la responsabilité de l’État dans ce qui est survenu à France-Télécom. Me Veil ajoute : « je ne nie pas la souffrance, je dis que les Prévenus ne sont pas responsables de la situation, et qu’ils sont prisonniers.» Puis d’évoquer les indemnités déjà perçues par les victimes en 1ère instance et de sortir une réplique lunaire qui le caractérise : «Votre argent, c’est aussi un peu le nôtre !» (Ndlr : et son argent, est-ce aussi un peu le nôtre ?) Puis il s’adresse aux Juges : « Vous n’êtes pas là pour Venger… S’il vous plaît, ne créez pas une jurisprudence catastrophique qui ferait que plus personne ne voudrait diriger une grande entreprise… Déjà que nos enfants, nos petits-enfants, ne veulent plus étudier dans les grandes écoles, mais créent des start-ups, ou des PME… Vous relaxerez Didier Lombard.» (Ndlr 1 : il est vrai que si les propriétaires n’ont plus le droit de fouetter leurs domestiques pour les remotiver, où allons-nous ? diantre !) (Ndlr 2 : voici une plaidoirie étonnante que Me Veil nous a dite, et je ne sais trop qu’en penser… L’on dirait qu’il a une réflexion d’ensemble bien plus large que le cas de France-Télécom, qui finalement ne semble pour lui qu’un détail… Et qu’il part dans la géopolitique nationale voire internationale… Je ne sais pas, en termes d’argumentation devant la Cour, si cela sera utile au traitement de l’affaire qui nous préoccupe concrètement… Si des personnes présentes ce jour ont quelque chose à ajouter au sujet de cette plaidoirie, je suis preneur de toute remarque.) (Nota : je n’ai pas retranscrit les multiples répliques de Me Veil relatives à la vente des Pages Jaunes, à plus de 3 milliards d’euros, Me Veil semblait considérer cela comme une catastrophe, mais en réalité, il n’y était pas du tout. Pages Jaunes a été vendu au bon moment lorsque cette entité valait encore quelque chose, avant la grande généralisation d’Internet et ce qui en découlerait…)
- À 9H55, Maître de Warren est à la barre. (à compléter)
- À 11H15, Maître François Esclatine est la barre. (à compléter)
- À 12H05, Mme la Présidente remercie les Avocats et s’adresse aux Prévenus pour leur demander si certains d’entre eux souhaitent prendre la parole une dernière fois. La Loi ne les y oblige pas. Elle propose à M. Lombard de s’exprimer en premier s’il le souhaite, et finalement, il accepte.
- À 12H07, M. Didier Lombard vient à la barre. Il s’exprime donc une dernière fois avant la mise en délibéré. Il déclare : « Je vais être le plus court possible. Après 38 séances lors de ce procès, j’aurais pu préciser certains de mes propos que j’ai pu dire dans des audiences précédentes, mais avec mon franc parler habituel, j’aurais peur de sortir quelque chose de polémique, de maladroit et aussi, sur le conseil de mes avocats, je vais me contenter de ne pas m’exprimer après les plaidoiries d’aujourd’hui et de rester en retrait. Je vais juste me contenter d’aborder deux petits points qui me tiennent à cœur.» « (1) L’émotion, au cours de ce deuxième procès, devant la Tribunal, en écoutant les témoignages, les victimes, les familles, la douleur, les drames… J’en resterai marqué à vie…». Là, M. Lombard craque et pleure en parlant… Pour lui la tension est trop forte. Puis il se reprend assez vite. «(2) Pour conclure sur une note plus optimiste, j’ai pu parler, pendant les suspensions de séance, à plusieurs Parties Civiles. Et je pense qu’il y a de l’espoir, car beaucoup ont pu attaquer un processus de reconstruction efficace et, dans la plupart des cas, rapide. Il faut espérer que tout le monde retrouve une vie normale ; ce sera bon pour eux, et bon pour France-Télécom, pour la suite, pour l’avenir de France-Télécom qui aura encore d’autres épreuves à surmonter. » (Ndlr : son intervention finale, je l’ai trouvée simple et digne. J’ai le premier regret de me dire qu’il aura fallu deux procès pour arriver à ce résultat… Quant à mon second regret, il concerne ceux qui ne sont plus, les familles brisées, les mutilés de NExT et ACT qui ne font que survivre désormais…)
- À 12H11, M. Louis-Pierre Wenes vient à la barre. Il a deux remarques à formuler. « (1) D’abord je précise qu’autour de ce procès, il y a beaucoup d’enjeux politiques, d’enjeux de civilisation et d’enjeux de pouvoirs. Et lorsque l’on se retrouve pris au milieu de tout cela, on n’est plus audible et là, c’est difficilement supportable, et j’ai beaucoup de mal avec ça» Puis, il passe à la seconde remarque : «Au bout de 10 ans, je me fais encore traiter d’homme froid, de menteur, de cynique, de calculateur, on m’accuse de balancer des gens par dessus bord, et ça me blesse dans mon identité. Croyez-vous qu’il soit possible de diriger 80.000 personnes quand on est un menteur et un cynique ? Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas moi, je ne suis pas comme ça !» Puis, il passe à la lecture d’un article de Jacques Verdier, paru dans le Midi Libre. Un article particulièrement élogieux qu’il lit avec émotion, où le journaliste le décrit non pas comme un simple patron mais comme un Seigneur. Il ajoute que même actuellement, il continue à recevoir des lettres et des messages de soutien et de témoignages, et là, il craque et fond en sanglots. Il repense au passé et à tout ce qu’il a fait dans sa vie, et l’émotion devient alors trop forte… (Ndlr : ce procès a été dur pour tout le monde, souvent à des moments différents, et en ce dernier jour, ce fut son tour…)
- À 12H16, Mme la Présidente reprend pour une dernière fois la parole, et adresse les remerciements de la Cour à tous les présents. Elle ajoute que forcément, la décision du Tribunal sera rendue sur le Droit, sachant que sur le Droit, le positionnement des Parties Civiles et le positionnement de la Défense sont diamétralement opposés. Elle ajoute que de ce fait, lors de la lecture du jugement du tribunal, il y aura forcément des mécontents. Mme la Présidente du Tribunal ajoute :
- -«Les Prévenus ont désormais été prévenus, dans tous les sens du terme – si j’ose dire, des dangers et des conséquences en matière de risques psycho-sociaux en Entreprise.»
- -«Je demande aux Parties Civiles de continuer à se soutenir et à s’entraider, comme je les ai vues s’entraider au fil des audiences, et je les remercie pour leur présence constante et aidante au cours de ce procès.» Elle ajoute : «Vous savez désormais tous que j’aime faire du latin, et en latin, le mot Victime se traduit par le mot Vaincu. Et quoi qu’il arrive, je vous invite à ne pas vous considérer comme des vaincus.» Elle fixe enfin la date de rendu du Jugement, au Vendredi 30 septembre 2022, probablement à 9H00 du matin.
- Enfin, Mme la Présidente du Tribunal conclut par une phrase qui, à mon avis, donne à réfléchir quant à l’avenir de la France : «Prenez soin de vous les uns les autres, car la période à venir s’annonce périlleuse.» Fin du Procès en Appel à 12H22.
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Verdict du 30 septembre 2022 – Cour d’Appel de Paris.
- 30 septembre 2022, matinée consacrée au verdict du Tribunal d’Appel…
- À 8H50, entrée dans la salle, je m’installe à ma place habituelle, du côté gauche, mais complètement à droite (allée centrale), au 3ème rang… L’appréhension est palpable dans la pièce.
- À 9H04, M. le Procureur arrive et s’installe.
- À 9H05, la Cour entre, composée de Mme la Présidente assistée de deux Juges Conseil différents du procès en appel.
- Mme la Présidente déclare : « La Cour rend son délibéré. Il s’agit d’un arrêt volumineux. Je m’étais fixée une limite de 100 pages, mais au final, le délibéré compte 341 pages… Je ne commenterai pas l’arrêt, je me contenterai de le lire… En outre, je tiens à remercier vivement le Greffe qui, malgré l’emploi du temps chargé, a réussi à nous produire des copies de travail à temps pour le verdict que nous allons distribuer aux avocats de toutes les parties… »
- Mme la Présidente juge ajoute : « La Cour statuant publiquement à l’encontre des Prévenus, et rappelant que France-Télécom devenu Orange est civilement responsable… » Puis Mme la Présidente cite, dans un jargon juridique complexe, les Parties Civiles, celles de l’Instruction, les Parties Civiles individuelles, ainsi que les 118 Parties Civiles récolées ultérieurement. Puis, elle cite les noms des Témoins qui n’ont pas été réentendus en appel, puis cite le nom des Témoins qui ont été réentendus en Appel… À l’issue de ce long inventaire déclare notamment que certaines Parties Civiles individuelles sont déclarées recevables, d’autres sont déboutées (telle que Samira G. ou Jean-Paul Aveline ce qui nous a tous désagréablement surpris)... Déclare en outre que les 118 Parties Civiles récolées (prises en charge par le Cabinet TTLA – Maîtres Topaloff et Jean-Paul Teissonnière) sont bel et bien recevables ! (ndlr : et ce, nonobstant la lutte acharnée des avocats des coupables pour les éliminer de la procédure…)…
- Mme la Présidente rend le jugement : infirme l’ensemble des charges contre M. Guy-Patrick Cherouvrier ainsi que les charges concernant M. Jacques Moulin (ndlr : là c’est un choc… Je prends cela à la rigolade… C’est mon côté méditerranéen qui resurgit instantanément…)
- Mme la Président infirme partiellement le jugement de première instance, mais en confirme d’autres… Et là, cela devient bougrement compliqué… Elle confirme la condamnation des quatre autres Prévenus pour Harcèlement Moral collectif mais supprime les peines de prison ferme pour les remplacer par des peines de prison avec sursis (le sursis simple), en précisant qu’en cas d’autre condamnation, les Prévenus iraient en prison, et ajoute qu’elle ne pense pas que les Prévenus revoient la justice pour d’autres motifs…
- La Cour condamne :
- M. Didier Lombard : 1 an de prison avec sursis (sursis simple) ; confirme les 15.000 euros d’amende, les 90.000 euros de cautionnement, et confirme la confiscation des scellés.
- M. Louis-Pierre Wenes : 1 an de prison avec sursis (sursis simple) ; confirme les 15.000 euros d’amende, les 70.000 euros de cautionnement, et confirme la confiscation des scellés.
- Mme Brigitte Dumont : 6 mois de prison avec sursis (sursis simple) au lieu de 4 mois en Première Instance ; supprime toute amende, mais maintient la confiscation des scellés.
- Mme Nathalie Boulanger : 3 mois de prison avec sursis (sursis simple) ; supprime toute amende, mais maintient la confiscation des scellés.
- Mme la Présidente déclare ensuite le rejet des demandes de suppression des 118 Parties Civiles, et donc les accepte comme victimes de la politique du Plan NExT et du Programme ACT…
- Mme la Présidente rappelle que les 4 prévenus condamnés auront à payer les Dommages et Intérêts dus aux victimes… Par contre, les 2 prévenus blanchis n’auront rien à payer…
- Ensuite, Mme la Présidente va citer chaque Partie Civile et donner le montant des Dommages et Intérêts que les 4 Prévenus condamnés devront indemniser… Et là, c’est quand même la douche froide… En effet, en 1ère instance, la moindre Partie Civile ayant été déclarée recevable avait été indemnisée d’au minimum 10.000 euros. Mais présentement, les indemnisations (déjà faibles) de 1ère instance se retrouvent très souvent amputées, divisées, voire, suivant les cas, atrophiées… De 10.0000, cela peut passer à 2.500 euro, ou à 5.000, ou à 1 euro symbolique pour un très grand nombre d’agents… Mais au terme de ce long inventaire, Mme la Présidente ajoute que les Parties Civiles, qui ont déjà été indemnisées en 1ère instance par le Groupe Orange qui a avancé les sommes dues, s’est engagé à ne pas réclamer les sommes déjà versées… On dirait donc, fait très curieux, que le Tribunal ait voulu alléger les sommes dues par les Prévenus condamnés, en faisant donc supporter à l’entité Orange l’essentiel des sommes dues par les Prévenus… Il y a là un tour de passe-passe qui me dérange, qui nous dérange… En fait, pour résumer la situation, à part les suicidés (suicides « réussis ») qui eux ont vu (d’où ils sont) leur pactole de 45.000 euros maintenu, la plupart des autres Parties Civiles, les Victimes de France-Télécom a vu leur indemnité amputée, parfois même divisée par 10.000 pour être ramenée à l’euro symbolique… Pourtant, je ne sache pas que les victimes aient été seulement « symboliquement » harcelées par la politique généralisée à France-Télécom… Je pourrais dire que : «Disons qu’il faille donner raison aux petits, mais pas trop, car il ne faudrait pas qu’ils devinssent trop puissants…»
- Nous noterons en outre que pour chaque Partie Civile, le montant des indemnisations dues aux Avocats des Parties Civiles (les Victimes) sont ramenés à la somme ridicule de 1500 euros par tête-de-pipe, ce qui paraît-il revient à environ 2,50 euros de l’heure pour les avocats des Parties Civiles… Sur ce une remarque de Maître Topaloff qui s’étonne de la faiblesse des indemnisations aux avocats des Parties Civiles, sur ce Mme la Présidente répond quelque chose comme : «Maître, qu’est-ce que vous croyez ? cela vous étonne ?»… J’ai trouvé cela sidérant… Je n’ai pas été le seul…
- Puis Mme la Présidente de conclure ce délibéré par la déclaration suivante : « La cour a rendu son arrêt. Je sais que la Décision sui a été rendue ne satisfait pas tout le monde, car les positions étaient très clivées. La Cour a motivé point par point sa décision et vous remercie de votre présence. La Cour espère que vous pourrez tous « continuer »… » (Ndlr : voui, ben, comme encouragement, ce n’est quand même pas terrible, à la vue du jugement… C’est plutôt « service minimum minimorum »…)
- Immédiatement à la suite de la remarque de Mme la Présidente, en toute fin d’audience, la sœur de Mme Samira G. interpelle poliment Mme la Présidente du fond du Tribunal en expliquant qu’elle ne comprend pas que Samira ait été déboutée… À cela, le Tribunal répond que Samira a bien été harcelée mais que l’on ne peut pas être certain d’imputer ce harcèlement au plan NExT et au Programme ACT, ce qui nous nous tous sidérés sur les banc des Parties Civiles… D’ailleurs la sœur de Samira a répondu en guise de boutade quelque chose comme : « Je vois que vous avez bien rendu la Justice…» et sur ce un gendarme lui a déclaré calmement :« Madame, vous ne pouvez pas parler comme cela…»…
- Bref. Je puis dire que le malaise était palpable sur le banc des Parties Civiles et un peu partout dans le Tribunal… Et tout ceci s’est un peu terminé en eau de boudin, si j’ose dire… Personnellement, je me retenais de rigoler… Et quand je repense à cet instant, j’ai eu l’impression d’un gros gag général, du style « Le Grand bluff de Patrick Sébastien »… Pas de colère, pas de malaise, mais juste une vague envie de rigoler devant la caméra de Marcel Béliveau…
- Sur ce, Mme la Présidente ajoute que les parties ont 5 jours pour former un pourvoi en cassation… À suivre…
- À 9H59, fin du sketch… Je sors rapidement de la salle, je fais ce que j’ai à faire, puis, comme beaucoup d’autres, je sors du Tribunal… Nous allons sur la Place du Palais où l’intersyndicale déploie une banderole qui rappelle ce qu’il s’est passé à France-Télécom : Non au management par la terreur.
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- 30 septembre 2022, après quelques minutes, nous nous rendons au Café-Restaurant Le Soleil d’Or, 15, boulevard du Palais, à Paris.
- À 10H30, une Conférence de Presse des syndicats de France-Télécom Orange y est donnée à chaud que nous avons filmée en intégralité. S’ensuivent les déclarations des Avocats des Parties Civiles. Sentiments mêlés de satisfaction d’une part mais aussi d’interrogation, de surprise, de mystère et de déceptions…
Chaque syndicat s’exprime après le verdict prononcé dans l’affaire de la Crise Sociale à France-Télécom, puis vient le tour des avocats des Parties Civiles et des Victimes – (partie 1/2).
- Intervenants, par ordre de prise de parole :
- M. Patrick Ackermann pour SUD, M. Sébastien Crozier pour la CFE-CGC, M. Christian Mathorel, pour la CGT, Mme Elisa Mistral, pour la CFDT, M. Pierre Vars pour l’UNSA, M. Jean-Pierre Dumont pour la CFTC.
- Maître Sylvie Topaloff, pour SUD et Parties Civiles. Maître Frédéric Benoist, pour la CFE-CGC et Parties Civiles. Maître Blandine Sibenaler, pour la CFTC. Maître Agnès Cittadini, pour la CGT. Maître Jonathan Cadot, pour la CFDT (1ère partie).
Video Claude Rizzo-Vignaud – 30 septembre 2022 – Coll. C. R-V.
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Chaque syndicat s’exprime après le verdict prononcé dans l’affaire de la Crise Sociale à France-Télécom, puis vient le tour des avocats des Parties Civiles et des Victimes – (partie 2/2).
- Intervenants, par ordre de prise de parole :
- Maître Jonathan Cadot, pour la CFDT (2ème partie). Maître Dominique Riera, pour FO. Mme Sylvie Frayssinhes, pour FO.
- Maëlezig Bigi – Représentante de l’association ASD-Pro.
- Enfin, M. Jean Perrin, retraité de France-Télécom, dont son frère, Robert, fonctionnaire de France-Télécom, s’est suicidé. Jean a exprimé sa douleur, sa révolte, son incompréhension…
Video Claude Rizzo-Vignaud – 30 septembre 2022 – Coll. C. R-V.
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- À 12H00, je quitte le café-restaurant, je rentre à pied chez moi, traversant la moitié de Paris… Plus je repense à ce verdict, plus je me dis qu’il est bizarroïde… Disons qu’en guise de conclusion de l’épisode de l’Appel n°1, que je ne serais pas surpris qu’à la fois des condamnés et des Parties Civiles recourent à la Cassation… À suivre… délai 5 jours…
- 1er octobre 2022, M. Noël Rich, ami et Partie Civile dans l’affaire, me soumet une réflexion qui résume tout, au lendemain du verdict : « J’ai l’impression d’être dans un avion aux commandes. Je suis le script de bout en bout (du verbe suivre), mais je n’arrive pas à me poser. Je tourne en rond, je ne comprends pas les instructions de la Tour de Contrôle (ndlr : du Tribunal). Mais je ne tiens pas à me trouver en danger sans kérosène, ni avec un Tableau de Bord en rideau… Je ne suis pas suicidaire, sinon ce serait Banzaï sur une cible Orange. Vivons et célébrons la vie…»
Fin du Procès Lombard de 2ème Instance.
- 6 octobre 2022. Nous apprenons dans une video diffusée par Médiapart, par l »intermédiaire de Me Topaloff (Avocate de plus de 120 Parties Civiles et Victimes) que les quatre condamnés – M. Didier Lombard, M. Louis-Pierre Wenes, Mme Brigitte Dumont et Mme Nathalie Boulanger se pourvoient en Cassation… Conclusion, le feuilleton continue.
- PROCÈS LOMBARD – ÉPISODE 3 sur les rails…
Video Médiapart – 6 octobre 2022.
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- 5 septembre 2023. La Cour de Cassation refuse de transmettre au Conseil Constitutionnel les Questions Prioritaires de Constitutionnalité déposées par les condamnés Sieur Didier Lombard et Dame Brigitte Dumont, s’avérant sans objet, au motif qu’actuellement, il ne se dégage pas une interprétation constante de la jurisprudence concernant la législation sur le harcèlement moral en entreprise. Nous pourrions dire, à bon droit, qu’un stratagème dilatoire de plus semble avoir fait pschitt…
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- 13 novembre 2024. La Cour de Cassation est en audience. Elle auditionne Le Rapporteur Public. Entend les plaidoiries de chaque avocat des quatre condamnés en appel, à savoir : M. Didier Lombard, M. Louis-Pierre Wenes, Mme Brigitte Dumont et Mme Nathalie Boulanger. Puis entend les plaidoiries des quatre avocats des Parties Civiles, des Organisations Syndicales et de M. Raphaël Louvradoux fils d’une victime, enfin entend l’Avocat Général, et se retire pour délibérer.
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- 21 janvier 2025. La Cour de Cassation rejette les pourvois des quatre condamnés en appel, à savoir : M. Didier Lombard, M. Louis-Pierre Wenes, Mme Brigitte Dumont et Mme Nathalie Boulanger. Les condamnations deviennent donc définitives au regard du Droit Français.
- Ainsi se conclut cette triste époque qui aura donc consisté à maltraiter sciemment moult personnels pour leur faire payer le prix d’une faillite due aux errements d’une Haute Direction incompétence, 25 ans en arrière, qui avait «cramé la caisse» ; Haute Direction nommée par le Gouvernement Français.
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